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BOUTANG PIERRE (1916-1998)

Né à Saint-Étienne le 20 septembre 1916, Pierre Boutang avait quarante-huit ans de moins que le maître qu'il s'était choisi dès son adolescence : Charles Maurras. En politique, domaine dans lequel l'adhésion implique une appartenance, c'est beaucoup ; d'autant plus que celle-ci n'était pas insignifiante : il s’agissait de l'Action française. Lorsque, en 1935, Pierre Boutang entre à l'École normale supérieure, il y forme une pensée qui restera globalement inchangée jusqu'à sa mort. L'Action française n'est déjà plus que l'ombre de ce qu'elle avait été. Au moment où il entre en littérature de droite, par une collaboration à Paroles françaises au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il ne reste plus grand-chose du mouvement. Pierre Boutang sera par la suite directeur politique de La Nation française, de 1955 à 1977. Les fidélités nostalgiques et désespérées se paient ordinairement par de la crispation : son œuvre est ainsi semée de petits libelles, de textes de circonstance aigres et sectaires, d'anathèmes et d'excommunications. Le livre, tardif, consacré à Maurras (Maurras, la destinée et l'œuvre, 1984), peut paraître un besogneux travail d'écriture hagiographique. De quoi faire classer leur auteur parmi les écrivains mineurs, agressifs sans mesure, et touche-à-tout par nécessité.

La pensée spiritualiste, comme le fut celle de Boutang, théorise toujours (et essaie de pratiquer) l'autonomie de la vie de l'esprit, sans jamais accepter la réduction de la spéculation à la politique ou à la vie sociale. À ce titre, Boutang fut aussi un authentique philosophe, à la carrière universitaire d'ailleurs discontinue, souvent contestée et objet de polémiques (ainsi lors de son élection à la Sorbonne en 1976). Sa contribution essentielle à la philosophie prend la forme d'un livre-itinéraire, présenté finalement comme thèse de doctorat en 1973 (son auteur a alors cinquante-sept ans) : Ontologie du secret (1973). « Souvent il [le voyageur] se serait échappé à lui-même, en une époque de l'histoire et dans des accidents de la société, dits “politiques”, peu favorables au recueil de l'être, ou au parcours qui sur lui s'oriente… » S'échappant, Boutang est resté assez recueilli pour mener à bien son voyage. Le thème de l'œuvre comme voyage, et de la vie en général comme voyage, n'est pas neuf ; pas innocent non plus, puisqu'il s'inscrit clairement dans une tradition consciemment assumée : celle de Platon (dont il traduisit Le Banquet), avec un passage très insistant par l'inspiration thomiste.

Le concept cardinal de l'œuvre de Boutang est celui de l'origine. Le livre devait s'intituler d'abord Ontologie de l'idée d'origine. Un autre ouvrage, plus petit celui-là, s'intitule Le Temps (1993) ; son sous-titre l'annonce comme « essai sur l'origine ». Boutang se situe ici dans la grande tradition, emblématiquement métaphysique, de la question : « pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien », la posant plus ontologiquement même que ne le faisait Leibniz dans De l'origine radicale des choses, puisqu'il réfléchit longuement au sujet du sum qui sum par quoi saint Thomas thématise la question de l'être même de Dieu. Pour la pensée de l'originaire, « le secret de l'être... c'est d'abord, et originellement, que l'être soit “et” qu'il soit le secret ». Dans ces conditions, le donné de l'être est sans commune fondation avec la factualité phénoménale, dont la science fait sa matière, ce qui conduit Boutang à s'opposer violemment, dans Apocalypse du désir (1979), à la psychanalyse. « Alors, alors seulement, le voyageur pourrait […] saluer et délaisser les secrets, repartir[...]

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Pour citer cet article

Jean-François DUVERNOY. BOUTANG PIERRE (1916-1998) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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