DESCARTES RENÉ
Carte mentale
Élargissez votre recherche dans Universalis
La science cartésienne
Quelle science, cependant, Descartes est-il parvenu à constituer par une telle méthode ? À vrai dire, ses résultats paraissent fort inégaux selon les domaines considérés.
Les mathématiques
En mathématiques, Descartes a réformé le système des notations. Les signes en usage étaient alors les signes cossiques, signes complexes, tirés des alphabets grec et hébreu, signes malaisément maniables. Descartes ne se sert plus – sauf en ses tout premiers écrits – que des lettres de l'alphabet latin, des signes des quatre opérations arithmétiques et de la racine carrée ou cubique. Il désigne d'abord les quantités connues par les lettres minuscules, les quantités inconnues par les lettres majuscules. Mais, en 1637, il remplace ces majuscules par les dernières lettres de l'alphabet : x, y et z. Il invente aussi une méthode pour abaisser le degré des équations.
Mais la grande découverte mathématique de Descartes est celle de la géométrie analytique. Au reste, loin d'accorder à celle-ci toute l'importance que nous y attachons aujourd'hui, Descartes y voit une simple présentation algébrique de la géométrie des anciens. Seulement attentif à trouver une correspondance commode entre l'équation et la courbe géométrique, il n'expose, en sa Géométrie, le principe de sa méthode qu'en une phrase très courte, et passe tout de suite à l'examen de problèmes spécifiés. En tout cela, tendant à l'utile, il semble moins soucieux d'une véritable rationalisation des mathématiques que de la découverte de procédés permettant à la pensée des opérations plus aisées.
La physique
La découverte fondamentale de Descartes en physique est celle de la loi de la réfraction, contenue dans Le Discours second de la Dioptrique. Là encore, il faut interpréter ce qu'il dit pour découvrir la fameuse formule : (sin i)/(sin r) = n, ou sin i = n sin r. Dans la Dioptrique, en effet, Descartes ne parle pas explicitement de sinus, et, pour trouver cette expression, il faut recourir au Journal de Beeckman, relatant la loi de Descartes, et à une lettre de Descartes à Mersenne. De même, ayant découvert la notion moderne de travail, et l'ayant parfaitement utilisée dans son petit traité de la mécanique Explication des engins par l'aide desquels on peut avec une petite force lever un fardeau fort pesant, Descartes ne la définit par aucun terme précis.
Tout cela peut surprendre. Mais, en réalité, ce n'est pas à ses véritables découvertes scientifiques que Descartes s'est le plus attaché. Ce qui lui importe, c'est de détruire les barrières et les séparations qui divisaient alors les divers domaines, c'est de montrer qu'avec de l'étendue et du mouvement on peut rendre compte de tout, de la lumière, du Soleil et des étoiles, des planètes, des comètes, de l'arc-en-ciel, de l'aimant, et même, nous le verrons, des êtres vivants. Rejetant les notions aristotéliciennes et médiévales de forme et de matière, d'acte et de puissance, tenant les qualités sensibles pour de simples états de notre conscience qui ne représentent en rien les choses, Descartes réduit l'essence du monde à celle d'un espace homogène, offert à un savoir proprement géométrique. Des trois espèces de mouvement que distinguait Aristote, il ne retient que le mouvement spatial, défini par le changement de lieu. C'est ce mouvement, mathématiquement exprimable, qui se répand dans la nature entière, selon les lois du choc que l'on trouve formulées dans les Principes. Essentiellement dirigé en ligne droite, mais provoquant, en fait, des déplacements circulaires nommés « tourbillons », le mouvement permet de distinguer des parties dans le bloc homogène et sans vide que constitue la matière. C'est en ce sens que Descartes a pu écrire que sa physique « n'est autre chose que géométrie ».
Systèmes planétaires de Copernic, Brahe et Descartes
Descartes (1596-1650) n'est pas seulement philosophe : mathématicien de génie, il est aussi l'un des fondateurs de la physique. Son système planétaire (représenté en haut à droite) est ici placé au même rang que ceux de Copernic (en haut à gauche) et de Tycho Brahe (en bas à gauche)....
Crédits : AKG
Aux yeux d'un physicien actuel, elle constitue plutôt un vaste roman de la nature, au sein duquel toute chose trouve son explication, mais bien souvent, hélas, une explication inexacte. Telle est, par exemple, celle de la pesanteur. Descartes ne songe en rien à une attraction des corps par la Terre. La pesanteur résulte pour lui d'une sorte de pression exercée sur le corps pesant par la matière environnante, en l'espèce celle du ciel terrestre qui, tournant autour de la Terre et tendant à s'en éloigner en vertu de la force centrifuge, pousse vers la Terre les corps pesants : ceux-ci, étant donné l'impossibilité du vide, tendent à prendre sa place. Et en lisa [...]
1
2
3
4
5
…
pour nos abonnés,
l’article se compose de 19 pages
Écrit par :
- Ferdinand ALQUIÉ : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)
Classification
Autres références
« DESCARTES RENÉ (1596-1650) » est également traité dans :
DESCARTES (R.), en bref
Populaire au point d'avoir produit un adjectif – « cartésien » – devenu synonyme d'une certaine forme d'esprit (la foi en l'évidence rationnelle), la pensée de Descartes marque une rupture décisive dans l'histoire de la pensée occidentale. Homme de sciences (mathématiques et optique lui sont redevables de découvertes fondamentales), Descartes fonde la philoso […] Lire la suite
DESCARTES RENÉ - (repères chronologiques)
31 mars 1596 Naissance de René Descartes à La Haye, en Touraine.1606 Il entre au collège des jésuites de La Flèche.1609 Galilée invente la lunette astronomique.1616 Descartes obtient sa licence en droit à Poitiers.10 novembre 1619 […] Lire la suite
DESCARTES ET L'ARGUMENTATION PHILOSOPHIQUE (dir. F. Cossutta)
L'œuvre de Descartes, qui fonde le rationalisme des temps modernes, peut-elle résister aux analyses réductrices des sociologues, des linguistes, des théoriciens de l'argumentation ? La philosophie doit-elle se résigner à n'être qu'un phénomène social, un « reflet » selon l […] Lire la suite
LA DIOPTRIQUE (R. Descartes)
René Descartes (1596-1650) publie à Leyde (Hollande) La Dioptrique en appendice de son Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Il y montre que sa méthode est supérie […] Lire la suite
DISCOURS DE LA MÉTHODE, René Descartes - Fiche de lecture
Publié à Leyde en 1637, en français et anonymement, le Discours de la méthode servait d'introduction à un recueil d'études scientifiques. Le titre complet en explicite le contenu : Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vérité dans les sciences. Plus la Di […] Lire la suite
MÉDITATIONS MÉTAPHYSIQUES, René Descartes - Fiche de lecture
Les Méditations métaphysiques (Meditationes de prima philosophia, 1641) sont la première œuvre proprement philosophique de Descartes (1596-1650), et d'ailleurs le premier ouvrage publié sous son nom. Alors que le Discours de la méthode (1637) garde un caractère de circonstance, ne se voulant que le préliminaire à des essais scientifiques, […] Lire la suite
LES PASSIONS DE L'ÂME, René Descartes - Fiche de lecture
Paru en novembre 1649 à Paris et Amsterdam, rédigé directement en français comme le Discours de la méthode (1637), Les Passions de l'âme est le dernier grand ouvrage de René Descartes (1596-1650), installé depuis peu à Stockholm, et […] Lire la suite
AFFECTIVITÉ
Dans le chapitre « Affectivité et passions dans la tradition classique » : […] Sans pouvoir entrer ici dans l'extrême complexité et la richesse immense de l'expérience grecque de l'affectivité et des passions – notamment dans la littérature tragique –, il est néanmoins possible de placer quelques repères significatifs chez les philosophes. « Le Grec, écrit E. R. Dodds, a toujours vu dans l'expérience d'une passion une chose mystérieuse et effrayante, l'expérience d'une forc […] Lire la suite
ALQUIÉ FERDINAND (1906-1985)
Né à Carcassonne, Ferdinand Alquié avait gravi tous les échelons de la carrière universitaire ; ayant commencé comme maître d'internat, il devait devenir professeur à la Sorbonne puis membre de l'Institut. Son œuvre, très importante, relève à la fois de la philosophie et de l'histoire de la philosophie, celle-ci éclairant celle-là et réciproquement. En ce sens, rien n'est plus instructif qu'une le […] Lire la suite
ARCHITECTURE (Thèmes généraux) - Architecture et philosophie
Dans le chapitre « L'architecture des philosophies, de Platon à Hegel » : […] Le premier volet de notre enquête nous a révélé la fragilité de l'union des deux mots, archè et tektonikos , qui composent l'« architecture » en elle-même : vécue « de l'intérieur », dans la mémoire de la langue. Et donc posée comme susceptible de susciter sa propre philosophie. Mais qu'en pensent les philosophes ? L'investigation doit ici, semble-t-il, se dédoubler. D'une part, il existe des phi […] Lire la suite
Voir aussi
Pour citer l’article
Ferdinand ALQUIÉ, « DESCARTES RENÉ », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 19 mai 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/rene-descartes/