DESCARTES RENÉ
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L'œuvre et sa publication
Descartes, cependant, ne renonce pas à éditer son œuvre. Il décide seulement de la présenter sous une autre forme, d'aborder le public par d'autres voies. Ainsi s'élaborent le Discours de la méthode et les trois essais (la Dioptrique, les Météores, la Géométrie) qui lui feront suite. Ces ouvrages paraissent en un volume, sans nom d'auteur, le 8 juin 1637, chez Jean Maire, à Leyde. Cette publication devait marquer, pour Descartes, le début de ces polémiques qu'il n'aimait pas mais qui l'occuperont jusqu'à la fin de sa vie.
De 1637 à 1641, Descartes vit surtout à Santpoort. Il fait venir auprès de lui Hélène, la servante et amie dont, en 1635, il a eu une fille, Francine. Mais Francine meurt en septembre 1640, laissant à Descartes « le plus grand regret qu'il eût jamais senti de sa vie ». Un mois après sa fille, Descartes perd son père, alors doyen du Parlement de Bretagne et âgé de soixante-dix-huit ans. Le 31 mars 1641, il s'installe dans le petit château d'Endegeest, agrémenté d'un beau jardin, de vergers et de prairies. C'est là qu'il recevra l'abbé Picot, l'abbé de Touchelaye, le conseiller Desbarreaux et de nombreux amis.
Les controverses
Les travaux et les réflexions de Descartes se poursuivent cependant, mêlés à de constantes polémiques. Il s'oppose à Fermat au sujet des tangentes, discute avec Plempius sur le mouvement du cœur, soutient Waessenaer contre Stampioen. En 1641 paraissent à Paris, chez Soly, les Meditationes de prima philosophia (Méditations métaphysiques), suivies de six séries d'objections (celles de Caterus, de Mersenne, de Hobbes, d'Arnauld, de Gassendi et d'un groupe de philosophes, de géomètres et de théologiens qui se réunissaient chez Mersenne), et des réponses de Descartes. La seconde édition de l'ouvrage paraîtra à Amsterdam, chez Louis Elzevier, en 1642. Elle ajoutera aux textes de 1641 les septièmes objections, celles du P. Bourdin, avec les réponses de Descartes, et une lettre de l'auteur au P. Dinet.
Pour ses Méditations, Descartes avait longtemps espéré, mais en vain, l'approbation de la Sorbonne. D'autre part, les attaques dont il est l'objet de la part des jésuites l'affectent beaucoup. Mais ce sont bientôt les théologiens hollandais qui combattent le cartésianisme avec le plus de violence. Le plus grand ennemi de René Descartes est alors Voetius (Gilbert Voet, professeur de théologie à l'université d'Utrecht). En 1641, il fait soutenir des thèses contre Regius, disciple de Descartes, et contre Descartes lui-même. Il obtient, contre ses adversaires, un arrêt du conseil de ville (Vroedschap). En 1643, Descartes se défend en faisant paraître, contre Voet, l'Epistola Renati Descartes ad celeberrimum virum Gisbertum Voetium (Lettre de René Descartes au très célèbre Gilbert Voet). Le conseil de ville prend le parti de Voet ; Descartes, de son côté, obtient un jugement favorable de l'université de Groningue. Il fait intervenir l'ambassadeur de France et, en juin 1645, adresse une lettre au Vroedschap d'Utrecht. Mais il se fâche avec Regius, et, contre un placard inspiré par ce dernier, écrit ses Notae in programma (Remarques sur un placard). Malgré cette agitation, Descartes avait pu faire paraître, en 1644, un de ses plus importants ouvrages, les Principia philosophiae (Principes de la philosophie) chez Louis Elzevier, à Amsterdam. Les quatre parties des Principes exposent l'ensemble de la métaphysique et de la science cartésiennes.
Mais, en 1647, la querelle reprend avec l'université de Leyde. Cette fois, ce sont les théologiens Revius et Triglandius qui attaquent Descartes, lequel répond dans sa Lettre aux curateurs de l'université de Leyde. Le conflit s'envenime jusqu'à ce que le prince d'Orange impose silence aux anticartésiens. Excédé par de tels combats, Descartes songe, pour la première fois, à quitter la Hollande pour la France où il se rend, en effet, en 1647 et en 1648. Il y rencontre Roberval, Hobbes, Gassendi et aussi le jeune Blaise Pascal, auquel il prétendra avoir suggéré ses expériences sur le vide.
Mais, décidément, la France ne convient pas à Descartes. L'atmosphère de Paris le déçoit : il y est gêné par les importuns, et n'y trouve pas la paix qu'il recherche. Il est vrai que son second voyage coïncide avec le début de la Fronde [...]
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Écrit par :
- Ferdinand ALQUIÉ : professeur honoraire à l'université de Paris-Sorbonne, membre de l'Institut (Académie des sciences morales et politiques)
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Pour citer l’article
Ferdinand ALQUIÉ, « DESCARTES RENÉ », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 20 juin 2022. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/rene-descartes/