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PICASSO PABLO (1881-1973)

La gloire et la légende

Pablo Picasso - crédits : Javier Larrea/ Age Fotostock

Pablo Picasso

Après la guerre, Picasso, qui était parisien depuis le début du siècle, choisit jusqu’à sa mort la province contre Paris, le Sud contre le Nord et même l’artisanat contre la tradition de l’Académie des beaux-arts. Avec les céramistes de Vallauris, où il s’est installé en 1948, il se lance ainsi dans une production considérable de céramiques, grâce à l’atelier Madoura (Chouette, 1949, musée Picasso, Paris). Il vit aussi quelques années de bonheur et de paix en compagnie de sa nouvelle compagne, la peintre Françoise Gillot, avec laquelle il a deux enfants, Claude et Paloma. En témoigne la toile harmonieuse Claude dessinant, Françoise et Paloma (1954, musée Picasso, Paris), peinte après cette parenthèse joyeuse et leur rupture en 1953, lors de la rencontre de Picasso avec Jacqueline Roque. Cette dernière devient son épouse à l’âge de trente-cinq ans, en 1961, alors que Picasso en a quatre-vingts. On retrouve le visage de Jacqueline dans des portraits marquants (Jacqueline aux mains croisées, 1954, musée Picasso, Paris), ainsi que dans une série de toiles où le corps féminin se déploie avec majesté (Femmes à la toilette, 1956, musée Picasso, Paris ; Femmes devant la mer, 1956, Musée national d’art moderne, Paris). Surtout, Picasso compose des cycles de variations sur des œuvres de grands maîtres – Delacroix, Velasquez ou Manet – qu’il réinvente et contemporanéise. Ce sont les séries des quinze Femmes d’Alger (1955, San Francisco, Museum of Modern Art), puis Les Ménines d’après Velázquez, (1957, Museu Picasso, Barcelone) et enfin Le Déjeuner sur l’herbe d’après Manet de 1959 à 1961 (musée Picasso, Paris). Jusque dans les années 1970, Picasso ne cesse aussi de marquer son intérêt pour les thèmes espagnols, qui ont été une constante dans son travail, notamment la tauromachie qui donne lieu à des gravures à la Goya dans les livres illustrés Tauromaquia o arte de torear (1959) et El carnet de la tauromaquia (1963). Artiste au génie multiforme, Picasso renouvelle également ses inventions sculpturales avec La Chèvre (1950, musée Picasso, Paris) ou La Guenon et son petit (1951, musée Picasso, Paris), qui intègrent dans des formes en plâtre des objets trouvés. Et il élabore des projets à vocation monumentale, comme l’impressionnant ensemble des Baigneurs (1956, bronze, musée Picasso, Paris) ou Le Déjeuner sur l’herbe en trois dimensions, au Moderna Museet de Stockholm (1962, mine de plomb et carton, musée Picasso, Paris).

Dans ses nombreux ateliers, de la villa Californie à Cannes où il s’installe en 1955 (L’Atelier de la Californie, 1956, musée Picasso, Paris) jusqu’à Mougins où il déménage en 1961, en passant par le château de Vauvenargues acquis en 1958 et dans le parc duquel il est enterré, Picasso continue à élaborer de nouvelles esthétiques, même s’il est parfois décrié par ses contemporains plus formalistes. La série des Baisers exposée au palais des Papes à Avignon en 1970 (Le Baiser, Paris, 26 octobre 1969, musée Picasso, Paris) reçoit ainsi un accueil mitigé. Et les derniers tableaux de Picasso révèlent la complexité de sa peinture et de sa trajectoire de vie – artistique, amoureuse et sociale. Il s’y montre en Vieil homme assis, expressif et pathétique (26 septembre 1970-14 novembre 1971, musée Picasso, Paris), en regardeur amoureux de La Jeune Fille assise (21 novembre 1970, musée Picasso, Paris), tandis qu’il se rêve en Jeune peintre (musée Picasso, Paris) dans son dernier autoportrait, peint le 14 avril 1972 en écho à son affirmation de 1943 devant des dessins d’enfant : « Quand j’avais leur âge, je dessinais comme Raphaël. Mais il m’a fallu toute une vie pour apprendre à dessiner comme eux » (propos tenus à Brassaï, in Picasso, de Roland Penrose, 1982).

Artiste qui n’a cessé de se renouveler en peinture comme en sculpture, Picasso[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire et de théorie de l'art contemporain, université de Paris VIII

Classification

Pour citer cet article

Paul-Louis RINUY. PICASSO PABLO (1881-1973) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pablo Picasso - crédits : Javier Larrea/ Age Fotostock

Pablo Picasso

Pablo Picasso - crédits : Heritage Images/ Fine Art Images/ AKG-images

Pablo Picasso

Autres références

  • LES DEMOISELLES D'AVIGNON (P. Picasso)

    • Écrit par Hervé VANEL
    • 222 mots

    Au titre pudique Les Demoiselles d'Avignon Picasso préférait encore le sobriquet de « Bordel philosophique ». Au moins rendait-il compte de la réaction de ceux qui, voyant pour la première fois dans l'atelier du peintre ce tableau « grand comme un mur » (Max Jacob) en saisissaient bien la charge...

  • GÉNÉALOGIE DES DEMOISELLES D'AVIGNON - (repères chronologiques)

    • Écrit par Hervé VANEL
    • 749 mots

    1906 Discutant l'influence de l'art primitif sur l'esthétique de Picasso, et plus particulièrement sur la rupture que représente sur ce point Les Demoiselles d'Avignon, Henri Matisse souligna perfidement qu'il avait l'habitude d'acheter des sculptures africaines chez un marchand...

  • MATISSE ET PICASSO (Yve-Alain Bois)

    • Écrit par Hervé VANEL
    • 1 016 mots

    L'ouvrage d'Yve-Alain Bois (coll. Beaux Livres, Flammarion, Paris, 1999) sur les rapports entre Matisse et Picasso, essentiellement consacré à la période 1920-1954 (date de la mort de Matisse), frappe d'emblée par sa densité. La richesse et la précision documentaire, historique, biographique, analytique,...

  • NATURE MORTE À LA CHAISE CANNÉE (P. Picasso)

    • Écrit par Isabelle EWIG
    • 224 mots

    Réalisée à Paris en mai 1912, la Nature morte à la chaise cannée de Picasso marque, dans l'histoire de la peinture, la découverte du collage. Celle-ci est issue du désir commun à Picasso et à Braque de retourner à la réalité face au risque d'abstraction du cubisme analytique...

  • PICASSO MUSÉE, Paris

    • Écrit par Philippe PIGUET
    • 1 206 mots

    « Donnez-moi un musée et je le remplirai. » Le pari lancé un jour par l’artiste Pablo Picasso devait trouver douze ans après sa mort une magistrale illustration. Inauguré le 23 septembre 1985 dans les espaces rénovés de l’hôtel Salé, situé en plein cœur du Marais à Paris, le musée...

  • PICASSO. SCULPTURES (exposition)

    • Écrit par Paul-Louis RINUY
    • 963 mots

    Après le succès remporté par l’exposition Picasso Sculpture au Museum of Modern Art de New York de septembre 2015 à février 2016, son pendant parisien, sous le nom Picasso. Sculptures, du 8 mars au 28 août 2016, a constitué le premier événement majeur organisé au musée Picasso depuis...

  • PICASSO ET LE PORTRAIT (exposition)

    • Écrit par Georges RAILLARD
    • 1 266 mots

    Ni l'étendue ni la diversité de l'œuvre de Picasso ne constituent plus une surprise. L'Hommage à Picasso, la grande rétrospective du Grand Palais et du Petit Palais, avait, en 1966, largement révélé cette ampleur. L'ont confirmée les donations et les dations mettant parfois au jour...

  • PICASSO ÉROTIQUE (exposition)

    • Écrit par Thierry DUFRÊNE
    • 948 mots

    Jusqu'en 1968, il était possible de tenir l'œuvre érotique de Picasso comme « une affirmation sans drame de l'Éros » (Pierre Dufour). Mais lors de l'exposition, cette année-là, à la galerie Leiris des 347 gravures faites à Mougins entre mars et octobre, il fallut présenter dans une salle privée, fermée...

  • PICASSO ET LES MAÎTRES (exposition)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 121 mots

    Avec Picasso et les maîtres (Galeries nationales du Grand Palais, Paris, 8 octobre 2008-2 février 2009), c'est une exposition « blockbuster », comme on dit dans le jargon anglo-saxon du théâtre, du cinéma et des musées, c'est-à-dire une superproduction promise au plus grand succès (plus de 8 000 visiteurs...

  • PICASSO-RODIN (expositions)

    • Écrit par Paul-Louis RINUY
    • 1 004 mots

    Par la qualité comme par le nombre ‒ cinq cents ‒ des œuvres et documents rassemblés, en raison aussi de l’envergure exceptionnelle de ces deux géants de l’art moderne et contemporain, l’exposition Picasso-Rodin (19 mai 2021-2 janvier 2022) s’est révélée une des réussites de la saison...

  • ART (Aspects culturels) - L'objet culturel

    • Écrit par Jean-Louis FERRIER
    • 6 295 mots
    • 6 médias
    ...Chacun comprend que son lyrisme haché est lié, de la guerre d'Espagne à la bombe atomique, à l'état de crise dans lequel se trouve notre civilisation. Que Picasso, en revanche, s'éloigne des conventions picturales que l'Occident respectait depuis son origine, beaucoup parlent de décadence. Lorsqu'il...
  • BACON FRANCIS (1909-1992)

    • Écrit par Laura MALVANO
    • 1 576 mots
    • 1 média
    C'est à la suite d'une exposition de Picasso en 1926 à Paris que Bacon s'adonnera à la peinture. Ce sont les recherches de structuration néo-cubiste des formes d'artistes tels que Moore, Ben Nicolson ou Bacon qui attestent l'influence de Picasso.
  • BOZO DOMINIQUE (1935-1993)

    • Écrit par Yve-Alain BOIS
    • 895 mots

    L'historien d'art Dominique Bozo a changé le paysage de l'art moderne et contemporain en France. C'est à lui que l'on doit la réussite du musée Picasso ; c'est à ses efforts que l'on doit la transformation d'un Musée national d'art moderne vieillot et frileux en l'un des...

  • BRAQUE GEORGES (1882-1963)

    • Écrit par Dominique BOZO
    • 3 254 mots
    À l'automne de 1907, la rétrospective Cézanne au Salon et l'exposition Cézanne chez Bernheim jeune,la rencontre avec Picasso chez qui Apollinaire le conduit et chez qui il peut voir Les Demoiselles d'Avignon, qui le heurtent, confirment Braque dans sa conviction de suivre la voie ouverte par...
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