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BRAQUE GEORGES (1882-1963)

« Quand je commence, il me semble que mon tableau est de l'autre côté, seulement couvert de poussière blanche, la toile. Il me suffit d'épousseter. J'ai une petite brosse à dégager le bleu, une autre, le vert ou le jaune : mes pinceaux. Lorsque tout est nettoyé, le tableau est fini. » Ce propos du peintre recueilli par Jean Paulhan suffirait à définir la peinture de Braque comme une matériologie, faite d'une stratification de couches qui préexistent à l'œuvre et que l'artiste révèle.

La peinture de Braque est en effet une peinture lentement élaborée, dans laquelle la matière travaillée, mêlée, acquiert cet aspect profond et dense qui fait qu'il y a Peinture. Braque opposait la peinture tactile, celle qui est proche du spectateur, qui agit vers lui, à la peinture visuelle qui s'éloigne vers un infini illusionniste. Sans doute à cause de cette relation à la matière, à cause aussi de la nature placide, paysanne et consciencieuse de l'homme, de ses propos moralistes, du caractère méditatif de sa peinture et de son souci des thèmes simples, la critique n'a-t-elle pas toujours su discerner le rôle primordial de Braque dans la révolution cubiste ni l'originalité et la force de son œuvre de maturité !

« La femme qui m'a le plus aimé », aurait dit Picasso en parlant de Braque. Cette formule galvaudée depuis ne doit pas être comprise comme une boutade un peu dérisoire. Elle est au contraire l'image qui restitue le plus exactement ce qui fut une aventure exemplaire, une expérience commune, celle du cubisme, initiée par deux artistes, coauteurs de la plus importante révolution plastique du xxe siècle, de laquelle aussi sont issues toutes les autres. De formation et de tempérament opposés, Braque et Picasso ont mené un dialogue sans égal dans l'histoire de l'art. C'est par ces deux expériences dialectiquement conjuguées de 1908 à 1914 que passe la connaissance de leur œuvre respectif.

Les années de formation

Georges Braque est né le 13 mai 1882 à Argenteuil où son grand-père et son père dirigeaient une entreprise de peinture en bâtiment, mais s'adonnaient aussi à la peinture, en amateurs. On a souvent souligné que cette naissance sur le lieu de l'impressionnisme, le contact avec le milieu artisanal et l'influence familiale avaient marqué Braque et sans doute contribué à faire de lui et tout naturellement un peintre. Lui-même remarquera plus tard que le problème d'une « vocation » ne s'était, ainsi, jamais posé à lui.

Braque a huit ans lorsque sa famille s'installe au Havre, autre lieu privilégié de la peinture. Pendant ses études au lycée, il fréquente les cours du soir de l'École des beaux-arts où il côtoie Othon Friesz et Raoul Dufy, ses aînés. En 1899, il fait ses débuts dans l'entreprise familiale et apprend le métier de peintre décorateur qu'il ira perfectionner à Paris chez Laberthe. L'importance de cette expérience d'une pratique artisanale est évidente, mais essentielle à la connaissance de la peinture de Braque, que ce soit dans son apport précis au cubisme, auquel il fit subir une mutation radicale, ou, plus tard, dans cette notion qu'a retenue la critique d'un travail robuste, appliqué et lent, propre à l'artisan ouvrier.

Braque arrive à Paris en 1900 pour perfectionner sa formation artisanale ; il suit les cours du soir de l'école des Batignolles. En 1902, après son service militaire, il entre à l'académie Humbert à Montmartre et fait, en 1903, un court séjour à l'École des beaux-arts dans l'atelier de Bonnat. Soutenu par sa famille, il s'installe, en 1904, dans son premier atelier rue d'Orsel et commence véritablement à peindre, regardant vers Corot, mais également influencé par Dufy et Friesz qui l'avaient convaincu de venir à Paris. De ces débuts (1900-1904), il reste peu de tableaux[...]

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Pour citer cet article

Dominique BOZO. BRAQUE GEORGES (1882-1963) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • GEORGES BRAQUE (C. Einstein)

    • Écrit par Dominique CHATEAU
    • 953 mots

    Paradoxalement, Georges Braque n'est pas un livre sur le peintre, comme le souligne Liliane Meffre, biographe de l'historien de l'art allemandCarl Einstein (1885-1940), spécialiste de ses écrits et directrice de cette publication (traduction de Jean-Loup Korzilius, coll. Diptyque, éd....

  • CUBISME

    • Écrit par Georges T. NOSZLOPY, Paul-Louis RINUY
    • 8 450 mots

    Le cubisme constitue par son aspect expérimental le mouvement artistique le plus radical du premier quart du xxe siècle. On considère généralement qu'il est à l'origine de tous les courants abstraits de l'art moderne et qu'il a exercé une influence profonde sur l'architecture et l'esthétique industrielle...

  • INFORMEL ART

    • Écrit par Hubert DAMISCH
    • 3 496 mots
    C'est ainsi que, pour Jean Paulhan, « la peinture informelle apparaît un certain jour de l'année 1910 : c'est lorsqueBraque et Picasso se mettent à composer des portraits, où pas un homme de bon sens ne saurait distinguer des yeux, un nez ni une tête. Elle se poursuit, suivant des sens et des...
  • KAHNWEILER DANIEL-HENRY (1884-1979)

    • Écrit par Yve-Alain BOIS
    • 2 242 mots
    « Découvreur » des peintures cubistes de Picasso et Braque, il leur assure une large et intelligente diffusion ; une première exposition Braque en novembre 1908 (dont le catalogue est préfacé par Apollinaire), suivie en 1910 de celle de Fernand Léger, puis Juan Gris. Pour Picasso, notamment,...
  • LAURENS HENRI (1885-1954)

    • Écrit par Gérard BERTRAND
    • 1 260 mots
    ...lui donne, par la taille directe des pierres sur le chantier, son métier de sculpteur ornemaniste. En 1911, sa solitude est rompue par la rencontre de Braque et la naissance d'une amitié qui ne se démentira pas. Il expose pour la première fois au Salon des indépendants en 1913. Léonce Rosenberg organise...
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Voir aussi