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BOZO DOMINIQUE (1935-1993)

L'historien d'art Dominique Bozo a changé le paysage de l'art moderne et contemporain en France. C'est à lui que l'on doit la réussite du musée Picasso ; c'est à ses efforts que l'on doit la transformation d'un Musée national d'art moderne vieillot et frileux en l'un des centres les plus importants du monde pour qui veut comprendre l'art du xxe siècle. C'est grâce à lui, enfin, que la manne dispensée aux arts plastiques par le ministère de la Culture pendant les années 1980 (sous la houlette de Jack Lang) a été employée utilement. Dominique Bozo eut à cœur d'amélioration les collections publiques françaises ; il aimait le pouvoir non pour ses fastes mais pour ce qu'il permet de mettre en œuvre à long terme ; il avait enfin au plus haut point le sens du service public.

Beaucoup lui ont reproché ses démissions fracassantes, son caractère secret. Ayant très tôt choisi la voie du musée plutôt que celle de l'écriture (avec laquelle il admettait avoir des difficultés), il savait fort bien que personne, dans le monde des musées français, n'avait une vision aussi claire que la sienne sur l'art de la première moitié du xxe siècle (les musées étrangers le considéraient pour cette raison comme l'interlocuteur privilégié) ; mais il savait aussi que, pour imposer cette vision, il lui faudrait sans cesse affronter le monstre bureaucratique et ruser avec lui. Ses démissions furent ainsi autant de chantages efficaces.

Né en 1935 à Alençon (Orne), Dominique Bozo avait fait ses classes à l'École du Louvre (dont il était sorti avec le titre de conservateur des Musées de France), à l'Institut d'art et d'archéologie de l'Université de Paris, mais aussi dans un contexte beaucoup moins traditionnel, celui de l'École pratique des hautes études. Conservateur au Musée national d'art moderne dès 1969, il organisa plusieurs expositions dans le vieux palais de Tōkyō (dont celle des dessins et sculptures de Matisse en 1975) avant de préparer le déménagement du musée à Beaubourg. Contrairement à ce que l'on pense généralement, il trouvait l'architecture du Centre Pompidou tout à fait inadéquate à la présentation d'une collection permanente. Peut-être est-ce la raison pour laquelle il accepta sans hésiter, en 1976, de prendre en charge l'organisation du musée Picasso. La tâche requérait à la fois un grand talent de négociateur (il fallait d'abord concilier d'innombrables parties, non seulement les héritiers du peintre mais aussi les divers ministères concernés), une connaissance parfaite de l'œuvre du peintre (puisqu'il s'agissait avant tout de choisir les œuvres que l'État retiendrait) et, enfin, un vif intérêt pour les problèmes muséographiques (il fallait élaborer le programme architectural du musée dont la réalisation dans l'ancien hôtel Salé, dans le Marais, fut confiée à l'architecte Roland Simounet). Dominique Bozo fit là un parcours sans faute, et le musée Picasso combla de manière spectaculaire les lacunes des collections publiques. En 1981, tout en gardant les rênes du musée Picasso jusqu'à son ouverture (en 1984), Dominique Bozo fut rappelé au Musée national d'art moderne, cette fois-ci comme directeur. Cumulant les postes, il accepta cette nouvelle tâche, mais posa comme condition de sa nouvelle prise de fonction le réaménagement de Beaubourg, particulièrement celui des salles consacrées aux collections permanentes ; il s'y consacra avec passion en parvenant à contrôler l'architecte Gae Aulenti, connue pour son intervention au musée de la gare d'Orsay. Tout en repensant les galeries destinées à mettre en valeur tableaux et sculptures, Dominique Bozo consacra cette période de latence à enrichir considérablement la collection du musée,[...]

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Écrit par

  • : professeur d'histoire de l'art à l'université Harvard

Classification

Pour citer cet article

Yve-Alain BOIS. BOZO DOMINIQUE (1935-1993) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ARCHITECTURE ET DESIGN AU CENTRE GEORGES-POMPIDOU, PARIS

    • Écrit par Claude MASSU
    • 1 877 mots
    ...s'affirme peu à peu au cours des années 1980, de constituer une collection d'architecture propre au Centre. Nommé directeur du M.N.A.M. et du C.C.I. en 1990, Dominique Bozo soutient cette initiative, entérinée par un décret de Jack Lang en 1992. L'objectif est entre autres de rivaliser avec le Museum of Modern...
  • CENTRE NATIONAL D'ART & DE CULTURE GEORGES-POMPIDOU

    • Écrit par Bernadette DUFRÊNE
    • 2 385 mots
    • 1 média
    ...Centre, en 1985, puis de nouveau de 1997 à 1999, traduisent dans les faits la modification des rapports de force et des conceptions des équipes dirigeantes. Ainsi, en ce qui concerne le M.N.A.M., Dominique Bozo, directeur du musée de 1981 à 1986, puis président du C.N.A.C. de 1991 à sa mort, en 1993, incarne...
  • FONDS RÉGIONAUX D'ART CONTEMPORAIN ou FRAC, France

    • Écrit par Maïten BOUISSET, Julie VERLAINE
    • 2 395 mots
    ...encore de musées sans mur, et les sceptiques ne manquent pas d'ajouter : « Est-ce que le F.R.A.C. doit disparaître ou est-ce qu'il doit se transformer ? » En 1986, le conservateur de musée Dominique Bozo est nommé délégué général aux arts plastiques. À la demande de François Léotard, nouveau ministre de...
  • PICASSO MUSÉE, Paris

    • Écrit par Philippe PIGUET
    • 1 206 mots
    ...dation en paiement des droits de succession conduit les héritiers du peintre à s’accorder avec l’État pour régler ceux-ci sous forme d’œuvres d’art. À Dominique Bozo, conservateur en chef des musées nationaux, revient la tâche de mener à bien les négociations avec la famille en vue de sélectionner...

Voir aussi