Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

NON-VIOLENCE

La non-violence comme refus de la violence

Les raisons pour lesquelles la violence est refusée comme mode d'action collective sont très diverses. On peut toutefois les regrouper en trois catégories, selon que la violence est jugée impossible, interdite ou immorale.

Violence impossible

C'est d'abord par pur pragmatisme que les acteurs d'un conflit s'abstiennent de recourir à des moyens violents : en fonction de leur situation particulière, ils jugent plus opportun de ne pas prendre les armes, mais sans préjuger de ce qu'ils pourraient décider en d'autres circonstances. Il est des cas où une telle attitude s'impose d'elle-même, du simple fait que l'on ne dispose pas – ou pas en quantités suffisantes – des moyens nécessaires à la violence, c'est-à-dire des armes. Dans d'autres situations, le recours à la violence, matériellement possible, paraît d'emblée suicidaire : une analyse lucide du rapport de forces fait prévoir une défaite certaine. Comme le soulignait avec humour Saul Alinsky (1909-1972), inventeur d'une méthode non violente originale visant à rendre un pouvoir de pression aux plus déshérités des ghettos noirs de Chicago : « Il faut être politiquement insensé pour dire que tout le pouvoir est au bout du fusil quand c'est l'adversaire qui possède tous les fusils ! ». Ce raisonnement, inspiré par le bon sens, est une application d'un principe stratégique général : éviter de se battre sur le terrain où l'adversaire possède l'avantage. La plupart des exemples de résistance civile relèvent d'une telle approche, purement pragmatique, de l'action collective.

Violence interdite

Nehru et Gandhi, 1946 - crédits : Central Press/ Getty Images

Nehru et Gandhi, 1946

La référence à une tradition religieuse constitue une seconde source du refus de la violence, non plus pour des raisons de circonstances, mais pour des motifs de conscience. Cette démarche de foi est au cœur de l'engagement public de Gandhi et de Martin Luther King. Ce n'est pas de l'hindouisme, mais du jaïnisme, que Gandhi a reçu en héritage le concept d'ahimsa. Fondé par Mahavira à la fin du vie siècle avant notre ère, le jaïnisme place l'ahimsa au centre de son éthique. Cette tradition, restée très minoritaire, affirme fortement le devoir de respecter toute vie, humaine et animale. L'hindouisme, en revanche, ne propose guère de fondement religieux à un refus global de la violence. C'est le bouddhisme qui donne aussi une place importante à l'ahimsa : le premier des « cinq préceptes » est l'interdiction de tuer. On lit dans le Dhammapada qu'il faut « vaincre le mal par le bien ». Cette source bouddhiste du refus de la violence se manifeste de nos jours dans la vie et l'enseignement du chef spirituel des Tibétains, le dalaï-lama Tenzin Gyatso (né en 1935), qui incarne la résistance spirituelle du peuple tibétain à l'occupation chinoise.

On ne trouve guère dans l'histoire de l'islam de musulmans qui aient vu dans leur foi une invitation à exclure toute violence de l'action publique. Exception faite, si l'on en croit l'islamologue chrétien Louis Massignon (1883-1962), du grand mystique Mansur al-Hallādj, supplicié à Bagdad en 922. Dans le combat pour l'indépendance de l'Inde, nombre de musulmans se sont engagés au côté de Gandhi, le plus fameux d'entre eux étant le pathan Abdul Ghaffar Khan (1890-1988), qui rallia à l'action non violente son peuple, plutôt connu jusque-là pour son goût de la guerre. Signalons aussi la figure de Mahmoud Taha (1909-1985), parfois appelé « le Gandhi soudanais ». Théologien et leader politique, il a proposé une interprétation du Coran relativisant tous les textes qui justifient la violence, la discrimination envers les femmes et les non-musulmans.

À diverses époques de l'histoire du christianisme, des chrétiens[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Jacques SEMELIN. NON-VIOLENCE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Dernier hommage à Gandhi, 1948 - crédits : Fox Photos/ Hulton Archive/ Getty Images

Dernier hommage à Gandhi, 1948

Nehru et Gandhi, 1946 - crédits : Central Press/ Getty Images

Nehru et Gandhi, 1946

Tolstoï - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Tolstoï

Autres références

  • AHIṂSĀ

    • Écrit par Anne-Marie ESNOUL
    • 465 mots

    Le mot sanskrit ahiṃsā, qui désigne, dans les religions de l'Inde, la non-violence (ou la non-nuisance) et même l'absence de toute intention de nuire, est composé du préfixe privatif a et de HIṂS, forme désidérative abrégée de la racine HAN (« frapper », « blesser », « tuer »)....

  • ALTERMONDIALISME

    • Écrit par Christophe AGUITON, Universalis, Isabelle SOMMIER
    • 6 805 mots
    • 1 média
    ...pourrait se rattacher à la tradition libertaire ou à l'écologie radicale. Ils ont mis au point des méthodes d'action en manifestation qui leur sont propres, fondées sur l'action radicale non violente. La structure de base en est le « groupe affinitaire », ce qui permet à chacun de participer à l'...
  • BHAVE VINOBA (1895-1982)

    • Écrit par Universalis
    • 705 mots

    Héritier spirituel de Gandhi, Vinoba Bhave est, après celui-ci, le plus connu des apôtres de la non-violence en Inde ; il sut, tout en restant fidèle à la pensée du Mahatma, la mener plus loin. Vinoba s'est surtout attaché à faire progresser la pensée gandhienne dans le domaine de l'économie,...

  • CAMARA HELDER PESSOA (1909-1999)

    • Écrit par Rubens RICUPERO
    • 893 mots

    Peter Hebblethwaite, biographe des grands pontifes du xxe siècle, disait que Jean XXIII avait été le premier pape « chrétien » (au sens évangélique) tandis que Paul VI aurait été le premier pape moderne. Helder Câmara, ou dom Helder, comme il était généralement nommé, a été moderne et chrétien en même...

  • Afficher les 19 références

Voir aussi