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DISCRIMINATION

Dans la France de la fin du xxe siècle, la montée en puissance du thème de la discrimination a été spectaculairement rapide. Le mot est aujourd'hui d'usage courant, au point de supplanter, même dans le discours politique, la référence à l'égalité. Le principe de non-discrimination – naguère encore confiné au vocabulaire juridique et économique – semble désormais lesté d'une forte charge émotionnelle. Il exprime notamment une exigence morale, en appelant au refus des discriminations jugées illégitimes (racistes, sexistes, homophobes...).

Mais la notion de « discrimination » – c'est peut-être la rançon de son succès – tend à devenir une notion attrape-tout, dotée de contenus de plus en plus hétérogènes et flous. Une clarification conceptuelle s'impose donc, avant de présenter les politiques anti-discriminatoires qui se déploient dans la France contemporaine.

Qu'est-ce qu'une discrimination ?

Contre un usage abusif du mot « discrimination » qui conduit à l'appliquer à des idéologies (le racisme, le sexisme), à des répulsions (homophobie, rejet des handicapés), ou à des états de fait quantifiables et mesurables (inégalités en tous genres), il faut maintenir que la discrimination est une différence de traitement.

Une préférence arbitraire

Une discrimination, dans le langage du droit comme dans la langue commune, se caractérise par la présence de deux composantes, indissociables l'une de l'autre.

Première composante : l'existence d'un préjudice. Le discriminé se voit refuser un bien auquel il aspirait (un appartement, une promotion, l'accès à une boîte de nuit...). On ne peut parler de discrimination que dans le cadre d'une distribution de biens pour lesquels plusieurs demandes sont mises en concurrence. Pierre et Paul postulent au même emploi : c'est Pierre qui est recruté, et non Paul. La situation de discrimination est toujours une situation triangulaire, qui fait intervenir trois acteurs : l'auteur du choix discriminatoire, celui qui en bénéficie et celui qui en pâtit. Que le bénéficiaire de la préférence arbitraire soit identifié (Pierre) ou simplement hypothétique (« j'aurais obtenu ce poste si j'avais été un homme et non une femme »), c'est toujours un jugement de comparaison qui délimite une situation de discrimination

Pour évaluer le caractère arbitraire de la préférence accordée à Pierre au détriment de Paul, il faut pouvoir comparer celle-ci aux conditions « normales » de distribution du bien recherché. C'est la deuxième composante de la situation de discrimination. Je sais bien que si l'homme que j'aime en aime une autre, je ne pourrai pas me dire victime de « discrimination ». Je ne pourrai en effet invoquer ni l'illégalité du critère de sélection (aucun texte n'est applicable à la question !), ni son illégitimité (au regard de quel principe de justice ?), ni son absurdité (au regard de quel principe d'efficience ?), ni son inadéquation (à quoi ?). Une discrimination ne peut intervenir que dans le champ d'une concurrence normée par des critères objectivés, dont il est établi qu'ils ont été écartés – ponctuellement ou systématiquement – au profit de critères que la langue du droit qualifie d'« étrangers à la matière considérée », c'est-à-dire de critères dont la prise en compte est, en l'espèce, absurde, hors de propos, injustifiée.

La question des critères sur lesquels repose la préférence accordée (« motifs » ou « chefs » de discrimination en langage juridique) est donc tout à fait centrale. Il s'agit de caractéristiques individuelles dont la prise en compte ne doit jamais conduire (sauf éventuellement dans la sphère privée) à léser celui qui en est porteur.

La liste de ces critères, en droit français,[...]

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Pour citer cet article

Gwénaële CALVÈS. DISCRIMINATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Jacques Chirac et Louis Schweitzer, 2007 - crédits : Patrick Kovarik/ AFP

Jacques Chirac et Louis Schweitzer, 2007

<it>Tête de Turc</it>, G. Wallraff - crédits : D.R.

Tête de Turc, G. Wallraff

Autres références

  • PRÉJUGÉS ET DISCRIMINATION

    • Écrit par Markus BRAUER
    • 1 082 mots

    Le terme  « préjugé » fait référence à une attitude défavorable envers les membres d’un groupe social. Cette attitude se manifeste sous forme d’évaluations négatives (par exemple, l’attribution de traits négatifs ou d’intentions malsaines) et de sentiments hostiles (le mépris, la haine…)....

  • ANTISPÉCISME

    • Écrit par Fabien CARRIÉ
    • 4 127 mots
    • 4 médias

    Le concept d’antispécisme est indissociablement lié à celui de spécisme ou d’espécisme, équivalents francisés de l’anglais speciesism. Constitué en référence et par analogie aux notions de racisme et de sexisme, ce terme désigne toute discrimination fondée sur des critères d’appartenance...

  • SUSPECTS APPARENCE DES, psychologie

    • Écrit par Fanny VERKAMPT
    • 1 570 mots

    Les jugements que nous portons à l’égard de celles et ceux avec qui nous interagissons au quotidien ne reposent parfois que sur de simples associations entre des traits physiques et des traits de caractère. L’utilisation de ces heuristiques (raccourcis mentaux) par les acteurs judiciaires pour sceller...

  • COLONISATION (débats actuels)

    • Écrit par Myriam COTTIAS
    • 3 253 mots
    • 3 médias
    ...mouvement est centré sur des ressentiments mémoriels ; il n'ouvre pas le débat sur des demandes concrètes destinées à résoudre les problèmes sociaux de discrimination qu'il dénonce (Romain Bertrand, Mémoires d'empire. La controverse autour du « fait colonial », 2006). La même année, le...
  • DÉFENSEUR DES DROITS, France

    • Écrit par Tatiana GRÜNDLER
    • 1 808 mots
    • 3 médias

    Le Défenseur des droits est une institution introduite dans la Constitution de la Ve République en 2008. Il a pour fonctions de défendre les droits et les libertés des individus, et de promouvoir l’égalité. L’expression « Défenseur des droits » désigne aussi bien l’institution que la personne...

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Voir aussi