Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

HEURISTIQUE

Ce terme de méthodologie scientifique qualifie tous les outils intellectuels, tous les procédés et plus généralement toutes les démarches favorisant la découverte – c'est la racine grecque du mot – ou l'invention dans les sciences. On a pu également désigner par là, d'une manière plus globale, l'une des deux dimensions épistémologiques fondamentales de l'activité scientifique, celle qui tente de réfléchir les conditions de ce que Bacon appelait « l'augmentation des Sciences ». Au travers de cette définition plus large, l'heuristique constitue une véritable théorie de l'élaboration de la science. Il conviendra donc de distinguer une qualification méthodologique qui désigne les techniques de découverte, et ce que l'on pourrait nommer une heuristique générale comme partie de l'épistémologie ayant en charge de décrire et de réfléchir les conditions générales du progrès dans l'activité scientifique – s'opposant, tout en la complétant, à cette partie qui s'intéresse aux conditions de justification et de légitimation des connaissances.

La technique ou l'art d'inventer

C'est en se reportant aux sources mêmes de la réflexion méthodologique sur la connaissance que l'on peut discerner l'apparition des premières considérations heuristiques. Le premier grand monument spéculatif sur les conditions de la connaissance que constitue l'Organon aristotélicien ne manque pas de faire une place aux techniques qui permettent de découvrir les choses que l'on ignore. On peut d'ailleurs considérer que c'est une des tâches de la dialectique de proposer des méthodes de « trouvailles », pour utiliser l'expression juste et imagée du père Le Blond. Certes, la dialectique se distingue de la méthode « scientifique », apodictique. Elle n'est en premier lieu qu'un art de la discussion et de l'examen, et si sa mission n'est pas la recherche de la vérité, pour ne s'intéresser qu'à l'opinion, au probable, elle ne fournit pas moins un ensemble d'instruments « permettant de raisonner sur n'importe quel sujet » et de la sorte finit par apparaître comme une sorte de méthodologie générale propice à la recherche et « à la connaissance des principes ». Les Topiques enseignent ainsi des procédés généraux destinés à poser convenablement les problèmes (procédés aporétiques).

Quand bien même le statut de la dialectique est incertain chez Aristote (cf. Le Blond, 1939), elle demeure la première présentation systématique d'une technique de recherche. La place accordée à l'étude de l' induction – thème qui demeurera l'un des points centraux de toute réflexion sur la découverte scientifique – et à la recherche des ressemblances et analogies – la venatio similitudinis – confirme que la dialectique aristotélicienne constitue le creuset de tout développement ultérieur concernant les techniques heuristiques. Organa et topoi représentent des procédés de recherche destinés à « se procurer en abondance propositions et raisonnements ». La dialectique, tout en n'appartenant pas à la méthode scientifique, reste tournée vers elle en raison même d'une généralité et d'une abstraction qui lui interdisent pourtant de prétendre à la scientificité. Dût-elle se contenter de rassembler « les petits moyens très divers qu'implique la recherche réelle » : instrument pré- ou parascientifique de la science.

C'est dans la technique rhétorique ancienne que l'on trouve une application, interne à la dialectique, de ces procédés heuristiques. Un discours persuasif doit être préparé en une suite de traitements dont les deux premières séquences vont finir par désigner les deux moments nécessaires à toute élaboration intellectuelle : l'[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : assistant au Conservatoire national des arts et métiers, membre du Laboratoire sur les sciences de la communication du C.N.R.S., secrétaire de rédaction de la revue Agora, éditions du C.N.R.S.

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre CHRÉTIEN-GONI. HEURISTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Heuristique : l'espace d'un problème - crédits : Encyclopædia Universalis France

Heuristique : l'espace d'un problème

Karl Popper - crédits : Keystone/ Getty Images

Karl Popper

Heuristiques de sélection en intelligence artificielle - crédits : Encyclopædia Universalis France

Heuristiques de sélection en intelligence artificielle

Autres références

  • CATÉGORIES

    • Écrit par Fernando GIL
    • 6 071 mots
    La sous-détermination des catégories fait que leur fonction est, au premier chef, heuristique. Cela est manifeste dans l'œuvre de C. S. Peirce, où les catégories se révèlent être, selon les mots de Peirce lui-même, « des idées si vastes qu'elles doivent être entendues comme des états (...
  • COGNITIVES SCIENCES

    • Écrit par Daniel ANDLER
    • 19 262 mots
    • 4 médias
    Les heuristiques. Dans son effort pour faire exécuter à l'ordinateur des raisonnements complexes, qu'il s'agisse de jeu d'échecs, de compréhension de textes, de démonstration automatique de théorèmes ou de systèmes experts, l'intelligence artificielle a eu tôt fait de constater que, pour éviter l'explosion...
  • CONTROVERSE

    • Écrit par Fernando GIL
    • 1 069 mots

    À l'opposé de ce qui s'est passé en théologie, où l'on cultivait l'art de la controverse (le cardinal Bellarmin occupa, pour l'enseigner, une chaire à Louvain, puis, à partir de 1576, au Collège romain, et il écrivit un traité des Controverses), l'existence de...

  • INTELLIGENCE

    • Écrit par Jean-François RICHARD
    • 6 591 mots
    ...les diverses conditions entraînant cette propriété : hauteur d'un triangle, triangles rectangles, angles opposés par le sommet à un angle droit, etc. On examine si chacune de ces conditions est contenue dans les données ou peut être déduite des données ; si c'est le cas, on essaiera de démontrer que...
  • Afficher les 7 références

Voir aussi