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DIALECTIQUE

Le terme « dialectique » dérive du mot composé grec διαλ́εγειν (dialegein), qui indique dès le départ que son sens n'est pas simple. La signification la plus courante de λ́εγειν, c'est « parler » et le préfixe δια indique l'idée d'un rapport ou d'un échange. La dialectique est donc, d'après l'étymologie, un échange de paroles ou de discours, c'est-à-dire une discussion ou un dialogue ; comme forme de savoir, elle est alors la technique du dialogue, ou l'art de la dispute, tel qu'il a été développé et fixé dans le cadre de la pratique politique propre à la cité grecque.

Il convient tout de suite de remarquer que ce sens renvoie à une tradition trop particulière, que la valeur qu'il attribue à l'idée de dialectique reste faible et doit être renforcée par une analyse philosophique, qui mettra en évidence des significations très différentes. On peut cependant retenir de cette analyse étymologique du mot deux éléments très généraux : la dialectique met en jeu des intermédiaires (dia) ; elle a rapport au Logos, qui n'est pas seulement pour les Grecs le discours ou la raison, mais un principe essentiel de détermination du réel et de la pensée.

La catégorie de dialectique est surtout une catégorie technique de la philosophie : on ne peut s'attendre à la rencontrer que dans le cadre de systèmes philosophiques déterminés, pourvue à chaque fois d'une définition particulière. Commençons par prélever dans l'histoire de la philosophie les grandes définitions de la dialectique. Platon : « Le dialecticien est celui qui aperçoit la totalité (συν́οπτικος) » (La République, VII, 537c). Aristote : « Le dialecticien est l'homme capable de formuler des propositions et des objections » (Topiques, VIII, 14, 164b3). Descartes : « C'est la dialectique, puisqu'elle nous enseigne à traiter de toutes choses, plutôt que la logique qui donne des démonstrations de toutes choses. Elle ruine ainsi le bon sens plus qu'elle ne le constitue, car tandis qu'elle nous détourne et nous égare dans ces lieux communs et ces divisions qui sont extérieurs à la chose, elle nous détourne de la nature même de la chose » (Entretien avec Burman, sur le Discours de la méthode). Kant : « Il y a une dialectique naturelle et inévitable de la raison pure : je ne veux point parler de celle où s'embarrasse un ignorant, faute de connaissances, ni de celle que les sophistes ont fabriquée ingénieusement pour tromper les gens raisonnables, mais de celle qui est inséparablement liée à la raison humaine et qui, même après que nous en avons découvert l'illusion, ne cesse pourtant pas de se jouer d'elle et de la jeter inlassablement en des erreurs momentanées qu'il faut constamment dissiper » (Critique de la raison pure, Dialectique transcendantale, Introd. I). Hegel : « La dialectique [...] est ce dépassement immanent où l'exclusivité et la limitation des déterminations de l'entendement se présentent telles qu'elles sont, c'est-à-dire comme leur propre négation [...]. La dialectique a un résultat positif, parce qu'elle a un contenu déterminé ou parce que son résultat n'est pas vraiment le néant vide, abstrait, mais la négation de certaines déterminations, contenues dans le résultat parce que précisément ce n'est pas un néant immédiat, mais un résultat » (Encyclopédie des sciences philosophiques). Marx : « Comme elle inclut dans l'intelligence du donné en même temps aussi l'intelligence de sa négation et de sa destruction nécessaire, comme elle conçoit toute forme mûre dans le cours du mouvement et donc aussi sous son aspect éphémère, [la dialectique] ne s'en laisse conter par rien, elle est, dans son essence, critique et révolutionnaire » (Le[...]

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Pour citer cet article

Étienne BALIBAR et Pierre MACHEREY. DIALECTIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Friedrich Hegel

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Karl Marx

Autres références

  • ABÉLARD PIERRE (1079-1142)

    • Écrit par Jean JOLIVET
    • 1 335 mots
    • 1 média
    L'œuvre conservée d'Abélard comprend essentiellement : a) deux séries de gloses sur les classiques de la dialectique connus à l'époque (Isagoge de Porphyre ; Catégories et Interprétation d'Aristote ; divers traités de Boèce), qui datent de la première partie de sa vie ; vers 1136, sans...
  • ADORNO THEODOR WIESENGRUND (1903-1969)

    • Écrit par Miguel ABENSOUR
    • 7 899 mots
    • 1 média
    Ultérieurement, cette orientation de l'interprétation vers le matérialisme produira chez Adorno l'idée de dialectique négative en tant que dialectique du non-identique. Seule en effet une dialectique matérialiste est de nature à rester fidèle à ce qui est sans intention, dans la mesure où, se détournant...
  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    ...Socrate historique, qui, comme on sait, n'a rien écrit. Il semble en tout cas que Socrate ait innové sur trois points : 1. Il met au point une méthode, la dialectique, qui, grâce à un jeu progressif de questions, démasque les faux savoirs de l'adversaire ; instrument de mise à l'épreuve et de critique, la...
  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    ...d'éviter, quand nous soutenons un argument, de rien dire nous-mêmes qui y soit contraire » (I, 1, 100 a 18 sqq.). Cette méthode est ce qu'Aristote appelle la dialectique, parce qu'elle fixe les règles de la pensée dialoguée. À la différence du monologue rhétorique, celle-ci trouve dans la présence critique de...
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