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RUSSOLO LUIGI (1885-1947)

Les fondateurs du futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Les fondateurs du futurisme

Luigi Russolo est né à Milan, dans une famille de musiciens. C'est dans cette ville qu'il rencontre Umberto Boccioni et Carlo Carrà en 1909, accédant ainsi à la « famille » futuriste dans laquelle il brille très rapidement sur le plan pictural dans un premier temps, puis avec son art des bruits. Son style pictural, inspiré du divisionnisme – un avatar du pointillisme – et des expériences photographiques d'Edward Muybridge et Étienne-Jules Marey visant à capter et décomposer le mouvement, se développe jusqu'en 1913. Il signe des œuvres emblématiques du futurisme célébrant la vitesse, la machine, le progrès et la révolution. Dans La Révolte (1911), il figure de manière quasi abstraite les soulèvements ouvriers contemporains dans la région de Milan, à l'aide de lignes de force rouges se détachant sur un fond bleu criard. Cette toile traduit déjà la volonté synesthésique qui marque La Musique, peinte la même année. On y voit un pianiste assis à son clavier jouant une musique transcrite par une ligne serpentine bleue et ponctuée de visages à la monochromie acide, flottant dans l'espace du tableau. Russolo réussit à peindre la musique en exprimant son impression grâce à des accords chromatiques qui s'inscrivent dans un courant de réflexion européen développé à partir des mêmes préoccupations. En 1912-1913, il signe Dynamisme d'une automobile, icône du futurisme, véhicule quasi abstrait, synthèse d'une vitesse quasi pure et débarrassée de l'anecdote.

L. Russolo et la machine à sons - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

L. Russolo et la machine à sons

Mais très rapidement, l'artiste italien abandonne la peinture pour se consacrer à une conception nouvelle de la musique amorcée par Pratella et ses textes appelant à la polyphonie. Russolo ira plus loin avec son manifeste L'Art des bruits, publié le 11 mars 1913 : « Pouah ! Sortons vite, car je ne puis guère réprimer trop longtemps mon désir fou de créer enfin une véritable réalité musicale en distribuant à droite et à gauche de belles gifles sonores, enjambant et culbutant violons et pianos, contrebasses et orgues gémissants ! Sortons ! » Russolo, plus instrumentiste que musicien, s'attelle alors à la fabrication avec Ugo Piatti d'intonarumori, boîtes génératrices de sonorités expulsées par des pavillons amplificateurs, et actionnées par des bruiteurs qui anticipent sur les expérimentations de la musique concrète. Entre 1913 et 1914, ses premiers concerts déchaînent de violentes réactions. Mais le jeune idéaliste s'engage dans la guerre. Grièvement blessé à la tête, en décembre 1917, il restera de longs mois hospitalisé. C'est son frère, Antonio, qui dirige trois concerts parisiens en 1921 rassemblant simultanément 27 intonarumori. Ils attirent Stravinski, Diaghilev, Ravel et Mondrian – ce dernier, dithyrambique, écrira sur cette expérience dans la revue De Stijl. Russolo s'attelle alors à la conception du Rumorarmoni destiné à lui permettre de relier à un clavier unique plusieurs intonarumori. « Le bruit a le pouvoir de nous rappeler à la vie. Le son, au contraire, étranger à la vie, toujours musical, chose à part, élément occasionnel, est devenu pour notre oreille ce qu'un visage trop connu est pour notre œil. Le bruit, jaillissant confus et irrégulier hors de la confusion irrégulière de la vie, ne se révèle jamais entièrement à nous et nous réserve d'innombrables surprises. » Ses positions et ses inventions inspirent Edgar Varèse qui entretient même l'espoir de produire en série les machines, en vain. Mais l'artiste, qui se remet progressivement à peindre des toiles d'inspiration très néo-classiques, se détache peu à peu des recherches bruitistes. Fuyant la montée du fascisme qu'il réprouve, il reste à Paris jusqu'en 1931 avant de partir en Espagne étudier les sciences occultes. Il passera la fin de sa vie en Italie sans renouer avec la dimension avant-gardiste[...]

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Écrit par

  • : critique d'art, historienne de l'art spécialisée en art écologique américain

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Pour citer cet article

Bénédicte RAMADE. RUSSOLO LUIGI (1885-1947) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Les fondateurs du futurisme - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

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L. Russolo et la machine à sons

Autres références

  • ANTHEIL GEORGE (1900-1959)

    • Écrit par Juliette GARRIGUES
    • 774 mots

    Arnold Schönberg écrivit le 21 novembre 1920 : « Si nous vivions à une époque normale – aussi normale que la période antérieure à 1914 –, la musique de notre temps se trouverait dans une situation différente. » Le début du xxe siècle est en effet marqué par de nombreuses ruptures,...

  • BRUIT, musique

    • Écrit par Alain FÉRON
    • 1 512 mots

    Les compositeurs ont toujours manifesté un intérêt pour les sonorités étranges, pour des timbres agressifs, pour des combinaisons sonores originales considérées comme expression musicale à part entière, et l'utilisation du bruit – ou, plus généralement, des bruits – dans les œuvres musicales est une...

  • FUTURISME

    • Écrit par Jean-Louis COMOLLI, Claude FRONTISI, Claude KASTLER
    • 5 031 mots
    • 9 médias
    Au carrefour des préoccupations multiples du groupe,les tableaux de Russolo se singularisent par l'organisation très réglée de leur surface. La couleur saturée, scandée par de grands rythmes où dominent les primaires, s'articule clairement en des schèmes empruntés aux sciences physiques et donnés comme...
  • AVANT-GARDE

    • Écrit par Marie-Laure BERNADAC, Nicole BRENEZ, Antoine GARRIGUES, Jacinto LAGEIRA, Olivier NEVEUX
    • 10 106 mots
    • 11 médias
    ...importe mais la sensation dynamique elle-même : le mouvement est donc au centre du futurisme. En se détournant de la peinture pour s'intéresser à la musique, Luigi Russolo ne déroge pas : il s'inscrit au contraire dans la droite ligne de la polyvalence prônée par le futurisme comme garantie de l'audace. Il...

Voir aussi