FUTURISME. MANIFESTES, DOCUMENTS, PROCLAMATIONS, Giovanni Lista Fiche de lecture

L'anthologie Futurisme. Manifestes, documents, proclamations a été mise au point par Giovanni Lista, l'un des meilleurs spécialistes du mouvement futuriste, auquel il a consacré une douzaine d'ouvrages. Elle comporte les principaux textes des protagonistes écrits entre 1909 et 1930, ainsi que des documents et des témoignages allant jusqu'aux années 1960. Ces textes donnent une vision synthétique de la démarche des futuristes dans des domaines aussi variés que les arts plastiques, la littérature, le théâtre, l'architecture, la musique, la photographie ou le cinéma, et de leur manière d'intervenir dans les milieux artistiques, qu'ils contribuèrent largement à définir ou à remodeler grâce aux stratégies de diffusion de leurs manifestes et de leurs proclamations. Certes d'autres mouvements sont apparus au début du xx^e siècle, – en 1905, par exemple le fauvisme en France et Die Brücke en Allemagne –, mais seul le futurisme a su créer une forme d'action qui deviendra un modèle pour la plupart des groupes artistiques. Par des démarches tout à fait nouvelles consistant à distribuer des tracts, à présenter leurs idées lors d'expositions et de conférences, à haranguer le public, à jouer de l'invective, de la provocation, les futuristes allaient donner le ton et lancer véritablement l'avant-garde du xx^e siècle. D'autres mouvements, notamment Dada et le surréalisme, reprendront ainsi l'esprit futuriste dans leurs propres pratiques et théories.

Divisés en sections qui correspondent aux thématiques principales du futurisme – littérature, architecture, théâtre, cinéma, musique, action féminine, tactilisme –, Futurisme. Manifestes, documents, proclamations permet d'entrer dans le détail de débats importants qui furent repris et prolongés, parfois bien plus tard, par d'autres artistes ou d'autres mouvements.

Le manifeste du futurisme

Lancé officiellement par son fondateur, l'écrivain Filippo Tommaso Marinetti, dans le Figaro du 20 février 1909, le Manifeste du futurisme est un texte de portée générale sur les nouvelles attitudes pratiques et esthétiques à adopter vis-à-vis du passé comme du futur. On y trouve déjà formulé l'un des thèmes, que l'on retrouvera de manière récurrente dans les proclamations d'autres artistes du groupe : la destruction du passéisme sous toutes ses formes et l'avènement du futur dans tous les domaines, à l'origine du nom « futurisme ».

Dans ce premier manifeste, Marinetti ne se contente pas de se moquer de la tradition ou de l'académisme, il propose de les faire passer à la trappe de l'histoire, pratique radicale de la tabula rasa qui marquera pour longtemps nombre de suiveurs, futuristes ou non. En 1910, des poètes se joignent à lui, mais aussi des peintres et des sculpteurs se réclamant de la nouvelle tendance – notamment Giacomo Balla, Umberto Boccioni, Carlo Carrà, Gino Severini, Luigi Russolo. Dès lors les textes ne cessent d'être diffusés dans de nombreux pays. Le retentissement est immédiat. Étonnant idéologue, propagateur et infatigable conférencier, Marinetti, qui a le sens de la mise en scène et des coups de théâtre, rallie à lui d'autres mouvements – que leurs membres en soient d'accord ou non –, comme l'orphisme, le cubisme littéraire, le purisme, le surréalisme, le rayonnisme et le suprématisme russes, le vorticisme anglais, l'expressionnisme allemand ou l'ultraisme espagnol. Pour Marinetti, ils proviennent tous du futurisme, et donc sont ou seront tous futuristes.