CODIFICATION
Les termes « code », « codifier », « codification » sont des pavillons qui couvrent des marchandises diverses et parfois frelatées. La race des codes est considérée comme noble, plus que celle des lois ou des décrets, de sorte que l'on a vu publier en France, par exemple, un « code des restaurants ». Si l'on exclut les abus de langage, on peut définir un code comme un ensemble de textes juridiques classés selon un ordre chronologique ou systématique et concernant soit la totalité du droit d'un pays ou d'une société, soit une matière particulière. À l'intérieur de cette définition générale, des distinctions doivent être faites.
Certains codes ne sont que des compilations, qui peuvent être d'origine publique ou privée. Publique : le gouvernement décide de regrouper tous les textes antérieurs et d'y ajouter au fur et à mesure les textes nouveaux, sans les modifier ni les ordonner ; c'est seulement un moyen commode de les retrouver et de savoir lesquels sont en vigueur. Privée : des juristes ou des éditeurs prennent l'initiative de tels regroupements, généralement par matières, pour la commodité des praticiens, sans que leur œuvre ait une valeur juridique officielle.
D'autres codes, qui ne reçoivent d'ailleurs pas toujours cette appellation, sont en réalité des actes de « coordination » ou de « consolidation », consistant, à l'occasion d'une loi nouvelle, à reprendre les lois antérieures que celle-ci modifie, afin d'en faciliter la lecture et la compréhension.
Les deux catégories qui suivent sont les plus importantes. Il s'agit, d'une part, des grandes œuvres réformatrices qui rénovent l'ensemble d'une matière et qui mêlent dans un texte unique la reprise de règles traditionnelles et la formulation de règles nouvelles. Le Code civil français de 1804 en est sans doute l'exemple le plus connu. Il s'agit, d'autre part, de la mise en ordre du droit existant, avec une répartition rationnelle des matières entre les codes et une organisation méthodique de chacun d'entre eux. Cette entreprise est plus modeste que les précédentes, parce qu'elle ne comporte pas d'innovations ; mais elle est, en un sens, plus ambitieuse, car elle vise à ordonner ainsi la plus grande partie du droit, sinon sa totalité.
Quelle que soit leur catégorie, les codes ne se définissent pas par leur niveau dans la hiérarchie des normes ; ils n'ont pas d'autre valeur que celle des textes qu'ils reprennent ou qu'ils édictent – lois, décrets, arrêtés, coutumes. Quant à la codification, elle n'est rien d'autre qu'une opération ou une politique de fabrication de codes, par regroupement de normes anciennes ou création de normes nouvelles.
Les origines de la codification
La codification est une vieille ambition de l'humanité. Les plus anciens codes aujourd'hui connus apparaissent en Mésopotamie deux mille ans avant notre ère. Après le Code d'Our-Nammou, rédigé en réalité, semble-t-il, par son fils Shoulgi (2094-2047 av. J.-C.), et le Code d'Eschouna (vers 1800 av. J.-C.), du nom d'une ville, le plus complet et le plus intéressant est le célèbre Code d'Hammourabi (première moitié du xviiie s. av. J.-C.). Ce n'est pas seulement un recueil de jurisprudence, comme on l'a parfois écrit ; c'est une œuvre législative, ordonnée et novatrice, de 282 articles encadrés par un prologue et un épilogue, qui, tout en groupant certaines règles posées par les tribunaux, repose sur une philosophie politique et tend à substituer un droit étatique à des usages particuliers. Ce code a été recopié par des scribes pendant quinze siècles environ, ce qui montre l'importance qu'il a eue dès l'Antiquité.
La Bible offre dans la première partie de l'Ancien Testament, le Pentateuque, deux véritables codes : d'abord, le Code de l'alliance, puis le Code deutéronomique. L'un et l'autre contiennent les dix commandements et un grand nombre de règles de droit religieux, constitutionnel, civil, pénal, social, commercial et fiscal. Le terme Deutéronome est lui-même significatif : il veut dire tout simplement « seconde législation », au sens non pas de loi nouvelle, mais de « répétition de la loi », c'est-à-dire, en langage moderne, de codification de règles existantes.
Mais les premiers grands codificateurs ont été les Romains. Il y eut un Code Théodosien, au ve siècle après J.-C. Il y eut surtout le Code Justinien, qui connut deux versions, en 529 et 534. Ce monument impressionnant, qui correspond à plusieurs milliers de pages d'un livre actuel, était composé de trois parties : les Institutes, qui groupaient les règles de droit ; le Digeste ou Pandectes, qui contenait, dans le même ordre, les opinions des principaux jurisconsultes, ce que nous appellerions aujourd'hui la doctrine ; les Novellae, où figuraient les lois nouvelles. Il s'agissait d'une codification globale, qui portait sur toutes les branches du droit, et qui a été promulguée avec force de loi. Cette codification romaine a inspiré directement les codes de l'Empire d'Orient, qui sont restés en vigueur jusqu'en 1453, date de la prise de Constantinople, ainsi que les codes de droit canonique. Ils ont également fourni le cadre de la codification française actuelle, qui a conservé leur division en livres, titres et chapitres.
À la même époque, au viie siècle, a été réalisé le premier code chinois connu. C'était plutôt une compilation, qui comprenait essentiellement le droit pénal et le droit administratif ; elle comportait six titres, correspondant aux six offices de l'administration impériale ; sa dernière édition semble dater de 1646.
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Écrit par
- Guy BRAIBANT : président de section au Conseil d'État, président de l'Institut international des sciences administratives, vice-président de la Commission supérieure de codification
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Voir aussi
- CONVENTION NATIONALE, Révolution française
- SOCIALISTE DROIT
- ANTIQUE DROIT
- CODE DE COMMERCE
- CODE DU TRAVAIL
- INSTITUTES
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- JAPON, droit et institutions
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- FRANCE, droit et institutions
- ROME, l'Empire romain
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- FRANCE, histoire, du XVIe s. à 1715
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