Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CINQUIÈME RÉPUBLIQUE Les années Sarkozy (2007-2012)

Affirmation d'un nationalisme identitaire

Conformément à ses annonces de campagne, Nicolas Sarkozy crée en 2007 un ministère de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire – lequel sera supprimé en 2010. Il s'agit de rendre plus simples, donc plus nombreuses, les expulsions d'immigrés en situation irrégulière, de contrôler davantage le droit d'asile, les regroupements familiaux et les accès à la citoyenneté par naturalisation, dont les conditions sont durcies (obligation de maîtrise du français et test de connaissances des valeurs de la République). Le recours aux tests génétiques pour prouver sa filiation, prévu dans la loi de novembre 2007, n'est finalement pas appliqué. La politique d'intégration des migrants en situation légale reste marginale. La volonté d'inclure dans le même ministère la défense de l'identité nationale laisse entendre que celle-ci serait menacée par la présence immigrée. Cet objectif de campagne a certainement contribué en 2007 au siphonnage de l'électorat du Front national.

Éric Besson, qui succède à Brice Hortefeux au ministère de l'Immigration en janvier 2009, lance le 2 novembre 2009 un grand débat sur l'identité nationale. Les objectifs n'en sont pas très clairs. Devant la montée des communautarismes, il serait très important de réfléchir sur ce qu'implique le fait d'être français et de « conforter notre identité nationale », de « réaffirmer les valeurs républicaines et la fierté d'être français ». Un site Internet recueille les avis de ceux qui veulent s'exprimer ; des débats à l'initiative des préfets se tiennent dans tous les départements, avec un public souvent assez « trié », après constatation de dérapages xénophobes et racistes ; un colloque final est organisé au début de février 2010, dont il ressort très peu de mesures concrètes.

Le redressement du Front national aux élections régionales de mars 2010 a probablement poussé le président à remettre la problématique du nationalisme identitaire au centre du débat politique. À la suite d'attaques violentes dont ont été victimes les forces de l'ordre et de dégradations commises par des gens du voyage en colère, le président Sarkozy prononce à Grenoble, à la fin de juillet 2010, un discours marquant, dans lequel il annonce un renforcement de la politique sécuritaire – notamment avec le développement de la vidéosurveillance – et l'aggravation des peines contre les délinquants. Les immigrés sont dénoncés comme une source des pratiques délictueuses, les mineurs étrangers délinquants ne devraient plus pouvoir acquérir automatiquement la nationalité française à leur majorité, les personnes naturalisées ayant porté atteinte à la vie d'un dépositaire de l'autorité publique devraient pouvoir être déchues de la nationalité française. Nicolas Sarkozy considère à l'évidence l'intégration des immigrés comme un échec dû à la non-régulation des flux et à l'importance de l'immigration illégale. Il annonce le démantèlement des camps illégaux de Rom. Ce discours musclé donne lieu à de nombreux débats, non seulement dans les médias et à gauche, mais aussi au sein de l'U.M.P., où cette stigmatisation des étrangers mécontente la frange libérale de la majorité.

Le président poursuit son offensive au printemps de 2011, lorsqu'il souhaite un débat sur la place qui doit revenir dans la République aux religions et à l'islam, dont les revendications mettraient en péril la laïcité française, selon Marine Le Pen, qui a remplacé son père à la présidence du Front national en janvier 2011. Les prières de rue (organisées régulièrement le vendredi devant une dizaine de mosquées trop petites) deviennent un « épouvantail »[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : professeur émérite de science politique à Sciences Po Grenoble, chercheur au laboratoire Pacte (UMR 5194, CNRS/ université Grenoble Alpes/Sciences Po Grenoble)

Classification

Pour citer cet article

Pierre BRÉCHON. CINQUIÈME RÉPUBLIQUE - Les années Sarkozy (2007-2012) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 13/03/2013

Médias

Nicolas Sarkozy, 16 mai 2007 - crédits : Patrick Aventurier/ Gamma-Rapho/ Getty Images

Nicolas Sarkozy, 16 mai 2007

Nicolas Sarkozy clôture le Grenelle Environnement - crédits : Eric Feferberg/ AFP

Nicolas Sarkozy clôture le Grenelle Environnement

Autres références

  • ASSEMBLÉE NATIONALE (France - Ve République)

    • Écrit par
    • 5 795 mots
    • 2 médias

    L’Assemblée nationale est l’une des deux chambres composant le Parlement français, sous la Ve République, l’autre étant le Sénat.

    Cette dénomination provient du tout début de la Révolution française, lorsque les députés du tiers état, rejetant la division de la société en ordres,...

  • CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par
    • 3 433 mots
    • 4 médias

    Contrairement à une opinion dominante, le texte constitutionnel de 1958 a en partie seulement été inspiré par les idées du général de Gaulle. Certes, rappelé au pouvoir à la suite des événements du 13 mai 1958 et apparaissant aux yeux de tous comme l'unique recours, il a été en mesure d'imposer...

  • PROMULGATION DE LA CONSTITUTION DE LA Ve RÉPUBLIQUE (France)

    • Écrit par
    • 208 mots
    • 1 média

    Adoptée par référendum le 28 septembre et promulguée le 4 octobre 1958, la Constitution de la Ve République a pu être présentée au départ comme consacrant un régime parlementaire. Les critères permettant habituellement d'identifier un tel régime sont bien réunis : exécutif bicéphale,...

  • ALGÉRIE

    • Écrit par , , , et
    • 41 835 mots
    • 25 médias
    ...est investi par l'Assemblée nationale. De Gaulle se rend à Alger dès le 4 juin et lance le fameux : « Je vous ai compris. » La IVe République se meurt. Le 28 septembre 1958, en Algérie, Européens et musulmans (dont les femmes), réunis en un collège unique, votent massivement en faveur de la Constitution...
  • BÉRÉGOVOY PIERRE (1925-1993)

    • Écrit par
    • 1 071 mots
    • 1 média

    Homme politique français. Pierre Bérégovoy est né le 23 décembre 1925 à Déville-lès-Rouen (Seine-Maritime). Son père, un « Russe blanc », capitaine du tsar et menchevik, tient un café-épicerie. À cinq ans, l'enfant est confié à sa grand-mère, qui l'éduquera. Bon élève, il obtient le brevet élémentaire...

  • BICAMÉRISME ou BICAMÉRALISME

    • Écrit par
    • 5 328 mots
    • 2 médias
    Notons que c'est d'ailleurs toujours le cas aujourd'hui, puisque le Sénat de laVe République est élu par un collège électoral constitué au niveau départemental et composé de représentants de l'ensemble des collectivités territoriales : les communes bien sûr, mais aussi les départements et les régions...
  • BORNE ÉLISABETH (1961- )

    • Écrit par et
    • 1 314 mots
    • 2 médias

    Haute fonctionnaire et femme politique française, Élisabeth Borne a été Première ministre du président Emmanuel Macron de mai 2022 à janvier 2024. Après Édith Cresson, elle est la deuxième femme à diriger un gouvernement français.

  • Afficher les 87 références