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CHANSON

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Un exemple : la chanson en France

On se plaît à rappeler que le premier texte connu de la langue française fut une séquence chantée, dont le manuscrit se trouve à la bibliothèque de Valenciennes : la Cantilène de sainte Eulalie, probablement composée au début du ixe siècle. Chez tous les peuples, semble-t-il, des paroles cadencées par un rythme très simple constituent une des premières manifestations musicales, tout comme le besoin de marquer cette cadence et ce rythme est à l'origine de l'assonance et de la poésie versifiée et rimée. Il s'agissait en réalité d'un système mnémotechnique élémentaire qui avait pour fin de favoriser la mémoire orale en un temps où la transmission des idées ne reposait que sur elle. Cette remarque est importante, dans la mesure où la chanson est la plus ancienne manifestation de la musique vocale, dans la mesure aussi où l'on retrouvera l'exploitation du rythme dans les chansons, et en général dans toute musique de caractère fonctionnel : chanson de métier, musique militaire...

Poésie lyrique

À partir de l'interprétation des chants dus aux bardes gaulois (chants bachiques et satiriques) et des chants d'Église, les uns et les autres en latin, devait naître un art populaire. Les traits essentiels de notre civilisation se sont affirmés dans cet art en même temps que du latin se dégageait une langue romane qui, progressivement, devait donner naissance à la langue française.

Longtemps, l'histoire de la langue et de la littérature françaises se confondit avec celle de la chanson, de même que celle-ci, pendant longtemps aussi, se mêla à l'histoire de la musique. Ces histoires ont en commun des noms comme ceux de Guillaume IX d'Aquitaine, Thibaut IV de Champagne, Adam de la Halle, Guillaume de Machaut ou Clément Marot. Mais, quand ici et là s'imposa la loi des spécialistes et des professionnels, la chanson se détacha de la musique et des lettres pour rester un art en marge mais un art à la portée de tous. Car la notion de métier était introduite en art. Dès lors, la chanson se trouva, elle aussi, entraînée par des spécialistes sur des sentiers « intellectuels ». Avec les troubadours, elle se fit savante, aristocratique, souvent ésotérique, alors que la musique, avec l'apparition du contrepoint et de l'harmonie, devint une science.

Troubadours

L'art des troubadours nous renseigne sur ce que pouvait être l'art populaire de l'époque. On estime que l'art de cour, qui était encore monodique et que pratiquèrent les Bernard de Ventadour, Jaufré Rudel, Marcabru, Raimbaut d'Orange, Peire d'Auvergne, Guiraut de Borneill, Guiraut Riquier, avait de nombreux points communs avec la chanson pratiquée dans le peuple et que propageaient les ménétriers. Le fossé entre le château et le village était moins important qu'on ne le croit souvent. L'éloignement social des deux classes, en effet, ne les empêchait pas d'entretenir des rapports étroits dans la vie quotidienne, de sorte que l'on imagine aisément le ménétrier empruntant au troubadour et le troubadour se laissant parfois séduire par la romance populaire du jongleur. La même remarque peut être faite à propos de la musique religieuse, comme le prouvent certains thèmes communs aux cantiques latins et aux chansons populaires, sans qu'on sache quelles sont les proportions exactes du profane et du religieux. Il semble bien que les chants d'Église ont surtout marqué le répertoire populaire, ainsi qu'en témoigne, entre autres exemples, l'utilisation du Benedicamus Domino dans Pernette, du Dies irae dans J'ai vu le loup, le renard, la belette, du Kyrie dans La Fille soldat et de l'Ave maris stella dans Le Roi Renaud. Ces échanges ont été facilités par la pratique des tropes et des épîtres farcies. Plus tard, on constatera nettement et[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres et sciences humaines, professeur à la Sorbonne
  • : écrivain et musicologue, secrétaire général adjoint de l'Académie Charles-Cros
  • : diplômé de l'École pratique des hautes études, chargé de cours à l'U.F.R. de musique et musicologie de l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Louis-Jean CALVET, Guy ERISMANN et Jean-Claude KLEIN. CHANSON [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Médias

Chanson de geste - crédits : AKG-images

Chanson de geste

Bob Dylan et Joan Baez - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Bob Dylan et Joan Baez

Mistinguett - crédits : Hulton-Deutsch Collection/ Corbis/ Getty Images

Mistinguett

Autres références

  • AGRICOLA ALEXANDRE (1446 env.-1506)

    • Écrit par
    • 349 mots

    Né vraisemblablement en Flandre, peut-être en Allemagne, Alexandre Agricola (ou Ackermann) est en Italie, à Florence, en 1470, date de son mariage. Il est au service du duc Galéas-Marie Sforza de Milan, de 1471 à 1474, date à laquelle on le rencontre à Mantoue, ayant cédé sa place à Milan à ...

  • AIR, musique

    • Écrit par
    • 3 278 mots

    Dans le langage commun, on a pris l'habitude de désigner par le mot « air » la musique destinée à être chantée. On oppose ainsi, dans la chanson, l'air aux paroles. Par extension, on en est arrivé à employer le mot « air » dans le cas de toute mélodie suffisamment connue...

  • ARCADELT JACQUES (1505 env.-1568)

    • Écrit par
    • 438 mots

    Musicien franco-flamand, un des premiers grands madrigalistes, avec C. Festa et P. Verdelot. Il fut peut-être l'élève de Josquin Des Prés et certainement celui de Verdelot qu'il fréquenta notamment vers 1530 à la cour des Médicis et avec lequel il fit le voyage de Lyon, en compagnie d'un...

  • ARGOT

    • Écrit par
    • 4 088 mots
    ...misérabiliste, ainsi que le célèbre Opéra de quat'sous, alimente surtout la poésie populaire sous forme de complaintes du clochard et du vagabond ; on la retrouve chez Bruant et, sous des formes stylisées, dans La Chanson des gueux de Richepin et dans Les Soliloques du pauvre de Jehan Rictus.
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