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GUIRAUT RIQUIER (1254-1292)

D'origine populaire, Guiraut Riquier gagne d'abord sa vie de poète de métier auprès du vicomte de Narbonne Amalric IV et des bourgeois de sa ville. Il passe ensuite en Catalogne, puis à la cour d'Alphonse X de Castille. Vers 1279, il est à la cour du comte Henri de Rodez, un des derniers centres occitans (avec les cours gasconnes d'Astarac et de Comminges également fréquentées par Guiraut) à pouvoir librement cultiver les idéaux troubadouresques. Mais, après la Croisade des albigeois, la civilisation du joi d'amor dépérit. Les influences religieuses orthodoxes, soutenues par l'action inquisitoriale, remplacent l'inspiration de l'amour profane. Guiraut évolue lui-même vers la poésie religieuse. Sentant fort bien que les temps sont changés, il écrit mélancoliquement : « Je suis venu trop tard parmi les derniers » (Mas trop suy vengutz als derriers). On l'a appelé « le dernier des troubadours » : plus exactement, il est le dernier poète de cour d'Occitanie. S'il n'a pu sauver la poésie courtoise, le fait est dû à des raisons sociales et politiques, non à son manque de talent.

Aucun des genres lyriques ne lui est étranger et il excella dans la pastourelle ; il nous en reste six, où c'est la même femme qui tient des rôles différents (jeune fille, femme mariée, mère de famille) en une sorte de roman plein de grâce et proche d'une composition dramatique. Sur quatre-vingt-neuf pièces qui lui sont ordinairement attribuées (Salvat cependant parle de plus de cent, soit environ dix mille vers) et qui se distribuent ainsi : cansos, chansons mariales, prières, sirventès, rotrouenges (retroenchas), aubes (albas), un descort, tensons, cantiques, lettres, épîtres, quarante-huit comportent une notation musicale, d'origine liturgique et grégorienne. Bien qu'il soit d'ascendance modeste, les connaissances littéraires, historiques, philosophiques et théologiques de Guiraut sont développées. Son style reste toujours clair et naturel, avec une élégance parfois facile, qui évite l'ésotérisme du trobar clus systématique et compliqué. « Le chant ne m'est pas pénible, disait-il, car un tel savoir m'a été donné, que je chante, quand je veux, de ce qui me plaît. » Il a inventé un grand nombre de mètres nouveaux et quelques genres, tels la serena (chant du soir, par opposition à l'alba, chant de l'aube), le breu-doble, une variété de chanson, la canso redonda, proche de la sixtine ; il ajoute de nouveaux personnages à la tenson et l'oriente vers la comédie de salon.

Vers la fin de sa vie, il est profondément attiré par la poésie religieuse. Son premier chant sacré, daté de 1263, est un hymne à la Vierge. Chantre de l'amour « naturel » (l'amour des parents), de l'amour « céleste » et « divin », il tient à plaire afin de mieux servir. L'esprit de Guiraut Riquier de Narbonne « dominera toute la poésie qui, à Toulouse et à Barcelone, prolongera longtemps encore [après sa mort] l'éclat de la vieille civilisation occitane » (J. Salvat).

— Charles CAMPROUX

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université Paul-Valéry, Montpellier

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Pour citer cet article

Charles CAMPROUX. GUIRAUT RIQUIER (1254-1292) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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