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CAUSALITÉ

« Tout ce qui naît, naît nécessairement d'une cause », proclame Platon (env. 428-347 av. J.-C.) dans le Timée. Cette assertion retentit comme un aphorisme axiomatique, c'est-à-dire comme une évidence. Dans ce rapport du « tout » à la « cause » implicitement posé par Platon, se fonde le principe de causalité. Ce dernier terme se comprend en effet communément comme une relation de cause à effet, qui permet de formuler des explications concernant un phénomène ou un événement. La causalité est ainsi rattachée à un désir de savoir, à une quête de connaissance de la réalité, et l'idée de cause est associée à celle de « raison d'être » d'un fait. La cause est nécessairement responsable de l'existence de celui-ci. L'usage commun du terme « cause » formule d'emblée la dépendance qu'il entretient à l'égard de sa conséquence.

Si les emplois du terme « cause » sont multiples, tous concourent à exprimer une recherche de compréhension. Aristote, dans la Métaphysique, avance que « tous les hommes désirent naturellement le savoir ». Dans son cas, la construction de ce savoir passe par la science, en opposition à la technique trop intuitive, et repose sur la recherche de causes fondatrices de connaissance. C'est surtout dans la Physique qu'il va établir un lien de dépendance entre la connaissance, organisée et cohérente, et les causes, qu'il détermine selon quatre types : la cause matérielle désignant la matérialité ; la cause formelle associée à la cohérence ; la cause efficiente relative au producteur ; la cause finale, c'est-à-dire une forme non encore réalisée. À travers cette quadripartition, Aristote montre que le savoir découle d'un mouvement d'enchaînement des causes. La causalité procède selon cette succession qui permet d'établir une relation ordonnée entre la cause et l'effet. Dans le cadre aristotélicien, la causalité acquiert un statut spécifique, puisqu'elle permet de comprendre et d'expliquer les faits, mais aussi de fonder le savoir.

Si la causalité est rapportée au désir de comprendre, il est possible de l'associer à la question pourquoi ?, qui constitue le chemin vers la cause première, c'est-à-dire l'origine des faits. Dans cette perspective, la causalité se fonde de manière rationnelle et formelle. Suivant les propos d'Aristote, aucune place n'est alors laissée au hasard. La cause est le déterminant de ce qui est ; elle structure, oriente, fait être. Elle est chargée d'une intentionnalité qui indique la destination des choses. Cette pensée est encore prépondérante au xviie siècle, notamment avec les Méditations métaphysiques (1641), dans lesquelles Descartes concède à la connaissance un caractère rationnel. La causalité acquiert un statut scientifique logique et relève d'un raisonnement déductif.

Au xviiie siècle, en opposition à cette optique rationaliste, David Hume montre que l'expérience est la source de toute connaissance. Sa conception de la relation causale est bien entendu affectée par cette vision empiriste. Dans son Traité de la nature humaine (1739), que prolongera l'Enquête sur l'entendement humain (1748), il indique que l'homme cherche à comprendre par la raison ce qui se passe en lui. Il postule également que tout peut être expliqué, mais critique parallèlement le rapport rationnel et nécessaire entre cause et effet. S'il ne nie pas que les événements soient reliés les uns aux autres selon un principe de causalité, il établit une nuance importante par rapport à ses prédécesseurs. Prenant l'exemple du choc de deux boules de billard, il montre que la « causalité » est en réalité le reflet d'une habitude construite sur l'observation d'un phénomène sériel ou sur une expérience récurrente, qui fonde une [...]

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Écrit par

  • : membre de l'Académie des sciences morales et politiques, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne
  • : doctorat de philosophie et de communication, chargée d'enseignement de logique, pragmatique, philosophie de l'art, université de Paris-III et Institut catholique de Paris
  • : professeur à l'université de Paris-X-Nanterre

Classification

Pour citer cet article

Raymond BOUDON, Marie GAUTIER et Bertrand SAINT-SERNIN. CAUSALITÉ [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Suicide et facteurs cosmiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

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Âge, état-civil, suicide - crédits : Encyclopædia Universalis France

Âge, état-civil, suicide

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Matrice

Autres références

  • ARISTOTE (env. 385-322 av. J.-C.)

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 23 786 mots
    • 2 médias
    La notion de causalité appliquée au syllogisme reste cependant ambiguë. Elle pourrait signifier, puisque le moyen terme est un concept, ou, comme dit Aristote, exprime une essence (Mét., M, 4, 1078 b 4), que le syllogisme manifeste le déploiement immanent d'une essence, qui médiatise dans l'unité...
  • ARISTOTÉLISME

    • Écrit par Hervé BARREAU
    • 2 242 mots
    • 1 média
    Il faut relever d'abord qu'Aristote n'était pas peu fier d'avoir, mieux que ses prédécesseurs d'Ionie et que son maître Platon, distingué quatre sortes de causes, dont on a vu qu'elles sont utilisables en physique, qui est la science des êtres en mouvement. Cette science s'achève par la démonstration...
  • ASÉITÉ

    • Écrit par Marie-Odile MÉTRAL-STIKER
    • 829 mots

    Appartenant strictement à la langue philosophique, le terme « aséité », qui évoque inévitablement la causa sui de Spinoza, désigne la propriété de ce qui a sa propre raison d'être en soi-même et n'est pas relatif à un autre pour ce qui est de son existence. Sur ce sens général,...

  • AUTO-ORGANISATION

    • Écrit par Henri ATLAN
    • 6 255 mots
    • 1 média
    ...rien que nous devions accepter la réalité du libre arbitre et ne pas supposer l'existence de déterminations causales pour les intentions elles-mêmes. Seulement, l'intentionnalité créatrice de projet est reconnue comme une sorte de causalité efficiente particulière et, comme telle, un objet spécifique...
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Voir aussi