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HASARD

Le hasard, que le calcul des probabilités a permis de maîtriser partiellement, apparaît d'abord comme un caractère fondamental de l'existence. Dans la mesure où l'incertitude enveloppe l'idée de risque, on a tenté de la réduire, dans le domaine philosophique, en cherchant à lui assigner une origine, et, sur le plan pratique et affectif, en inventant des rites et des mythes qui tempèrent l'inquiétude engendrée par les aléas.

Le hasard désigne d'abord l'imprévisibilité de la vie, ce que les philosophes ont appelé la contingence du futur. Celle-ci a été imputée à trois sources : la nature, les hommes, les dieux (ou Dieu). On peut d'abord imaginer que les hasards de la vie résultent de la variabilité des phénomènes de la nature. On a aussi soutenu que les hommes engendrent eux-mêmes les hasards dont témoigne leur histoire, soit qu'ils agissent en étant poussés par des passions qu'ils ignorent ou ne contrôlent pas, soit qu'ils restent libres et par là partiellement indéterminés à l'égard des conditions qui leur sont faites. Ces deux interprétations du hasard qui placent sa source en l'homme sont tout à fait différentes ; la première est psychologique, la seconde morale.

Enfin, mythes et religions associent les incertitudes de la destinée humaine à des interventions surnaturelles. Il est impossible d'énumérer les formes que prend cette imputation du hasard à un ou à plusieurs êtres transcendants, mais elle est présente dans bien des croyances humaines.

Les méditations religieuses, morales, juridiques et philosophiques sur la contingence ont constitué un immense effort spéculatif qui a précédé et, dans une certaine mesure, préparé la conceptualisation moderne du hasard.

La fonction réductrice des rites et des maximes

L'expérience révèle que, si le danger exalte parfois, l'incertitude peut produire un sentiment d'insécurité, et même d'inquiétude ou d'angoisse. Cette peur suscite le désir de connaître la nature des risques qu'il faut affronter ; elle engendre également des rites et des mythes qui réduisent, sinon les aléas objectifs, du moins l'impression désagréable qu'ils provoquent. Bien plus, comme Descartes l'a montré dans le Discours de la méthode, une attitude résolue n'a pas seulement une utilité subjective, mais une portée objective : « Ma seconde maxime était d'être le plus ferme et le plus résolu en mes actions que je pourrais... Imitant en ceci les voyageurs qui, se trouvant égarés en quelque forêt, ne doivent pas errer en tournoyant tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, ni encore moins s'arrêter en une place, mais marcher toujours le plus droit qu'ils peuvent vers un même côté... encore que ce n'était au commencement que le hasard qui les ait déterminés à le choisir. » Ce texte de 1637 introduit deux notions, appelées à jouer un rôle capital dans la mathématisation du hasard : il faut éliminer le hasard lié à l'irrésolution ; choisir « au hasard » est dans certains cas une conduite raisonnable (ce que Nicolas Bernoulli et Waldegrave établirent par le calcul en 1712).

Quant au hasard, entendu comme intervention surnaturelle dans les affaires humaines, sa « réduction » s'est opérée en plusieurs temps, par l'élimination de la fatalité antique dans le christianisme, par l'idée d'une Nature soumise aux lois de la Raison divine qui a créé toutes choses avec ordre – omnia creavit in pondere, et numero et mensura –, par la critique de la notion de miracle, etc.

Parallèlement à l'analyse philosophique de la contingence et à l'action réductrice des mythes, les rites, et plus encore les maximes pratiques, tendent donc, sinon à supprimer, du moins à contenir les hasards. En schématisant à l'extrême, on peut dire que ces tentatives si diverses[...]

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Pour citer cet article

Bertrand SAINT-SERNIN. HASARD [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

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Autres références

  • PRIX ABEL 2020

    • Écrit par Jean-François QUINT
    • 1 824 mots
    • 2 médias

    Le prix Abel 2020 a été attribué conjointement à Hillel Furstenberg et Gregory Margulis « pour l'utilisation visionnaire de méthodes issues de la théorie des probabilités et de celles des systèmes dynamiques en théorie des groupes, théorie des nombres et combinatoire ».

    Hillel...

  • CAUSALITÉ

    • Écrit par Raymond BOUDON, Marie GAUTIER, Bertrand SAINT-SERNIN
    • 12 987 mots
    • 3 médias
    ...présocratiques » : « Néanmoins, la plupart estiment que ce ne sont pas des causes accessoires, mais les causes principales de toutes choses » (Timée, 46 d). On voit ici que l'idée de prendre le « hasard » ou la cause errante comme principe d'explication dans les sciences remonte à deux millénaires et demi....
  • CONTINGENCE

    • Écrit par Bertrand SAINT-SERNIN
    • 4 900 mots

    Il est peu de philosophes qui n'aient parlé de la contingence, soit pour en nier la réalité, soit, plus souvent, pour en préciser le sens. Toutefois, avant de passer en revue les significations diverses que ce mot a prises et de recenser les problèmes qu'il évoque, il convient de se demander quel est...

  • COURNOT ANTOINE AUGUSTIN (1801-1877)

    • Écrit par Bernard VALADE
    • 3 247 mots
    ...parties des mathématiques les règles du calcul des probabilités » ; ensuite, « de faire bien comprendre la valeur philosophique des idées de chance, de hasard, de probabilité et le vrai sens dans lequel il faut entendre les résultats des calculs auxquels on est conduit par le développement de ces notions...
  • Afficher les 17 références

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