SOMMEIL

Le cerveau humain, comme celui de tous les Vertébrés supérieurs, subit l'alternance de trois états : éveil, sommeil, rêve. Au cours de l'éveil, le cerveau reçoit les informations du milieu extérieur ou intérieur, les intègre et les compare aux informations reçues antérieurement pour y répondre de façon adaptée selon des mécanismes innés ou acquis. C'est également au cours de l'éveil que les différents instincts qui permettent la survie de l'individu et de l'espèce opèrent selon des schèmes innés. L'éveil est suivi par le sommeil, dont l'apparition impérieuse a pu être comparée à un instinct (E. Claparède). Au cours du sommeil, les diverses fonctions et régulations végétatives sont conservées, alors que les opérations les plus complexes de l'activité nerveuse supérieure semblent supprimées. Cependant, certains mécanismes de la vie de relation persistent encore grâce auxquels le dormeur peut s'éveiller lors de l'apparition de signaux signifiants : le bruit d'une souris réveille immédiatement le chat, comme l'arrêt du moulin, jadis, réveillait le meunier. La persistance de ces possibilités d'intégration au cours du sommeil différencie celui-ci du coma ou de la narcose. Au cours du sommeil apparaît périodiquement un troisième état : le rêve, avec ses aspects phénoménologiques bien connus. Éveil, sommeil et rêve sont liés entre eux de façon dialectique. La prolongation de l'éveil entraîne en effet une augmentation de la durée du sommeil « réparateur » et du rêve. Il doit donc exister des mécanismes de régulation au long cours qui rendent possible la succession harmonieuse de ces trois états.

L'étude des mécanismes du cycle sommeil-rêve-éveil est encore un domaine de recherche scientifique très actif. Elle a bénéficié, au début, des enseignements de la neurologie et de la neuropathologie grâce à la description des atteintes dues aux encéphalites, qui entraînaient des comas ou des insomnies. La neurophysiologie, en procédant à des lésions limitées de l'encéphale grâce aux techniques stéréotaxiques, permit ensuite de réaliser des comas expérimentaux chez l'animal. L' électrophysiologie, en fournissant un critère électrique cérébral aux descriptions cliniques, ouvrit une aire de recherche très féconde. Ainsi furent délimitées de façon relativement précise les structures nerveuses responsables de l'éveil, du sommeil et du rêve. Cependant, l'électrophysiologie, qui explique la plupart des phénomènes de transmission et d'intégration nerveuse par des potentiels synaptiques dont la durée est de l'ordre de la milliseconde, est désarmée devant les phénomènes au long cours comme l'alternance entre l'éveil et le sommeil. Comment expliquer en termes de potentiel synaptique le « rebond » de sommeil ou de rêve qui peut parfois durer plusieurs jours après leur suppression ? On entre ici dans le domaine de la neurophysiologie dite humide, celle des neurotransmetteurs. Ainsi, grâce aux progrès de la biochimie, une nouvelle discipline, la neurochimie, est venue au secours de l'électrophysiologie en précisant les étapes enzymatiques de la biosynthèse des neurotransmetteurs centraux et des substances hypnogènes. Ces recherches permirent de mieux comprendre les effets de certaines drogues sur l'activité cérébrale : la neuropharmacologie pouvait alors devenir un outil d'investigation très utile dans le domaine de la régulation des états de vigilance. Ensuite, l'histochimie a comblé le fossé existant entre les données de la neurophysiologie classique, qui avaient permis de délimiter les régions de l'encéphale importantes pour le déclenchement du sommeil et de l'éveil, et la neurochimie ou la neuropharmacologie qui avaient précisé les substances chimiques[...]

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Écrit par

  • Patrice FORT : docteur en neurosciences, chercheur au C.N.R.S.
  • Michel JOUVET : professeur à l'université de Lyon-I-Claude-Bernard, directeur du département de médecine expérimentale, U.R.A. C.N.R.S.1195, I.N.S.E.R.M., U52
  • Patrick LÉVY : professeur des Universités, praticien hospitalier, chef de service au C.H.U. de Grenoble
  • Véronique VIOT-BLANC : unité de sommeil, hôpital Lariboisière, Paris

Classification

Pour citer cet article

Patrice FORT, Michel JOUVET, Patrick LÉVY, Véronique VIOT-BLANC, « SOMMEIL », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le . URL :

Médias

Sommeil-rêve-éveil selon le degré de maturité nerveuse

Sommeil-rêve-éveil selon le degré de maturité nerveuse

Sommeil-rêve-éveil selon le degré de maturité nerveuse

Importance relative chez l'animal des états de vigilance (d'après D. Jouvet-Mounier, 1968).

Sommeil-rêve-éveil : réseaux exécutifs de l'éveil.

Sommeil-rêve-éveil : réseaux exécutifs de l'éveil.

Sommeil-rêve-éveil : réseaux exécutifs de l'éveil.

Localisation, sur une coupe de l'encéphale du rat (d'après Valatx 1995) des deux voies du système…

Sommeil-rêve-éveil : stimulation de l'éveil

Sommeil-rêve-éveil : stimulation de l'éveil

Sommeil-rêve-éveil : stimulation de l'éveil

Neurones à Hcrt de l'hypothalamus postérieur chez le rat, mis en évidence par immunohistochimie. À…

Autres références

  • NEUROSCIENCES COGNITIVES ET SOMMEIL

    • Écrit par Philippe PEIGNEUX
    • 7 683 mots

    Le sommeil est souvent perçu comme un arrêt nécessaire de nos activités d’éveil, mettant le corps et le cerveau au repos. L’analogie au mode de veille passif d’un ordinateur est toutefois erronée. En effet, ce qui caractérise le cerveau « endormi » est avant tout un changement de son mode opératoire[...]

  • APNÉES OBSTRUCTIVES DU SOMMEIL SYNDROME D'

    • Écrit par Patrick LÉVY, Véronique VIOT-BLANC
    • 6 952 mots

    Le syndrome d'apnées du sommeil (SAS) est une pathologie fréquente – environ 5 p. 100 de la population humaine est touchée – et grave. Le SAS s'inscrit à côté d'autres troubles tels que la respiration périodique et les apnées centrales au cours de l'insuffisance cardiaque (respiration de Cheyne-Stokes)[...]

  • CONSCIENCE

    • Écrit par Henri EY
    • 57 633 mots
    • 1 média
    [...]conscience à la base du cerveau, à son enracinement dans les profondeurs de la vie animale et même végétative. Dès les années trente, ils ont reconnu dans le sommeil un phénomène strictement lié au problème des relations de la conscience et du cerveau (par-delà le sommeil, toute la pathologie de l'épilepsie).[...]
  • ÉLECTROPHYSIOLOGIE

    • Écrit par Max DONDEY, Jean DUMOULIN, Alfred FESSARD, Paul LAGET, Jean LENÈGRE
    • 95 471 mots
    • 15 médias
    Lorque le niveau de vigilance s'abaisse jusqu'au sommeil, l'E.E.G. change profondément. De très nombreux travaux, en particulier ceux de M. Jouvet en France, ont été consacrés à une description détaillée à l'extrême de ces modifications.
  • EMDR (eye movement desensitization and reprocessing)

    • Écrit par Cyril TARQUINIO
    • 15 469 mots
    • 1 média
    [...]intéressés aux mouvements oculaires susceptibles de constituer l’un des principes actifs de l’EMDR. Un parallèle a été fait avec ce qui se passe dans le sommeil à mouvements oculaires rapides (r apid e yes m ovementREM). En effet, les mouvements oculaires rapides surviennent au cours des états[...]
  • ENFANCE (Les connaissances) - Développement psychomoteur

    • Écrit par Didier-Jacques DUCHÉ
    • 36 860 mots
    • 1 média
    Peu à peu, l'enfant trouve son rythme de sommeil. Les premiers jours, il s'éveille sept ou huit fois par vingt-quatre heures pour téter, puis, à la fin du premier mois, endormissement et veille sont moins étroitement liés aux sensations de satiété et de faim. Dès cet âge, il existe une différenciation[...]
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Voir aussi