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INSTINCT

L' éthologie comparative, qui cherche à retracer, à l'aide de comparaisons interspécifiques, l'évolution des comportements à travers la série zoologique, propose une théorie renouvelée des instincts et définit ces derniers comme des actes propres à l'espèce. Tendant à une explication causale des comportements qui la rapproche de plus en plus des conceptions béhavioristes, elle se différencie toutefois de celles-ci par son insistance sur les phénomènes concrets du comportement, par une conception hiérarchique des actions qui refuse de recourir exclusivement au réflexe conditionné et par ses enseignements au sujet de la phylogénie des conduites spécifiques. Mis à part l'étude des phénomènes d'imprégnation (ou d'empreinte), l'éthologie, fondée par l'Autrichien K. Lorenz et le Hollandais N. Tinbergen, n'a guère manifesté, à l'origine, d'intérêt pour les phénomènes d'apprentissage. Actuellement, elle se tourne de plus en plus vers ce domaine fort exploré par les béhavioristes (B. F. Skinner et son école) ainsi que vers les modèles cybernétiques. Elle a également mis à profit, sur une plus large échelle, les méthodes quantitatives de la psychologie expérimentale.

L'éthologie comparative n'est pas issue du laboratoire, mais procède d'observations qui, pour la plupart, se sont déroulées dans la nature et n'ont jamais, pour cette raison, donné la prééminence à la technique et à la méthodologie. On lui a souvent reproché précisément cette négligence en matière d'expérimentation et son mépris pour les élaborations statistiques. Bien qu'une telle critique ait eu quelque légitimité à l'époque héroïque, encore fort récente, de l'éthologie, elle n'envisageait qu'un aspect très secondaire de la question, car l'étude des faits naturels du comportement importe davantage que la mise en œuvre de tout un arsenal de procédés techniques, étrangers par eux-mêmes à la vie concrète des espèces. Les débuts de l'éthologie coïncidèrent donc avec une réhabilitation du comportement des animaux comme objet d'étude psychologique, puisque, pour les physiologistes et les psychologues marqués par des disputes entre mécanistes et vitalistes, les animaux importaient beaucoup moins que les méthodes grâce auxquelles on pouvait observer leurs réactions.

C'est pourquoi, lorsque dans son ouvrage publié en 1951 sous le titre The Study of Instinct (L'Étude de l'instinct, Paris, 1953), Tinbergen déclarait de manière apparemment banale que l'éthologie était l'étude objective du comportement, il proclamait en réalité une sorte de manifeste de l'éthologie nouvelle.

« Les psychologues, remarque Tinbergen, ont toujours mis l'accent sur la spontanéité du comportement. Beaucoup parmi eux étaient nettement supérieurs aux réflexologistes en ce qui concerne la connaissance générale du comportement animal. Malheureusement, toutefois, nombre d'entre eux éprouvaient une certaine répugnance pour l'étude objective : ... on admettait que, du moment qu'un certain type de comportement était spontané (c'est-à-dire indépendant d'une excitation extérieure), il était futile de l'étudier avec des méthodes physiologiques. » L'observation des comportements spontanés allait au contraire révéler l'existence de caractères constants reliant étroitement éthologie et taxinomie.

Les stéréotypes comportementaux

Réaumur et les grands naturalistes du xviiie siècle ont jeté les bases de l'observation des animaux, et particulièrement des insectes. L'éthologie contemporaine diffère essentiellement de leurs travaux par l'élaboration d'une hypothèse fondamentale concernant les actes instinctifs.

En 1898, Charles Otis Whitman remarqua que les pigeons[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Louvain, membre de l'Académie royale des sciences et de l'Académie royale de langue et de littérature française de Belgique, membre correspondant du Muséum national d'histoire naturelle de Paris

Classification

Pour citer cet article

Georges THINÈS. INSTINCT [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Organisation du comportement selon Tinbergen - crédits : Encyclopædia Universalis France

Organisation du comportement selon Tinbergen

Autres références

  • BEHAVIORISME

    • Écrit par Jean-François LE NY
    • 4 682 mots
    • 2 médias
    ...tard par les éthologistes de l'école «  objectiviste », qui, dans un contexte théorique quelque peu différent, l'appliqueront avec succès à l'étude des comportements instinctifs chez l'animal et, avec plus de risque théorique, à l'enfant ou à l'homme. Toutefois, ni Watson ni les behavioristes qui...
  • CONSTRUCTIONS ANIMALES

    • Écrit par Rémy CHAUVIN
    • 7 164 mots
    • 7 médias
    ...profondeur. On peut donc conclure que les fourmis ont un sens très fin des surfaces planes et de la moindre dépression qui peut s'y produire. Mais leur «  instinct de comblement » des cavités peut les entraîner à des aberrations bizarres. Si par exemple on entoure le dôme de rubans verticaux et concentriques...
  • ÉTHOLOGIE

    • Écrit par Odile PETIT
    • 2 528 mots
    • 2 médias
    ...entre différents courants théoriques. L'éthologie s'est cristallisée autour de la querelle de l'inné et de l'acquis, qui a stimulé soit les recherches sur l'instinct (concept considéré comme trop étroit rétrospectivement), qui se rattachent à l'éthologie dite objectiviste, soit les études sur l'apprentissage,...
  • FONDEMENTS DE L'ÉTHOLOGIE

    • Écrit par Raymond CAMPAN
    • 251 mots

    C'est par un débat contradictoire autour du concept d'instinct que l'éthologie – étude comparative du comportement animal – s'est constituée en science autonome. Elle est fondée sur les travaux de l'Autrichien Konrad Lorenz (1903-1989) et du Néerlandais Nikolaas...

  • Afficher les 15 références

Voir aussi