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FREUD SIGMUND (1856-1939)

Sigmund Freud est l'un des savants qui ont le plus marqué la pensée du xxe siècle. Parti d'une recherche sur l'étiologie des névroses, il a créé une œuvre qui déborde largement le domaine de la pathologie pour couvrir de nombreux secteurs du savoir, en particulier ceux qu'on groupe aujourd'hui sous le nom de sciences humaines. La théorie freudienne s'applique à l'homme normal comme au sujet malade ; elle décrit l'organisation de l'appareil psychique en s'appuyant principalement sur la notion d'inconscient, notion tout empirique, très différente de celle des philosophes, qui permet de définir la psyché dans ses rapports obscurs avec l'instinct (Trieb). Freud a dû lutter de longues années pour imposer cette idée d'un vaste espace mental soustrait à la conscience de l'individu, où cependant les souvenirs refoulés et les désirs interdits restent éternellement actifs. Longtemps seul pour affronter la résistance malveillante des milieux savants et du public, il comparait volontiers sa situation à celle de Copernic et de Darwin, qui, pour avoir humilié l'homme en lui montrant sa place dans l'ordre naturel des choses, s'étaient eux aussi attiré la haine et les sarcasmes des esprits conformistes. Il est vrai qu'après la publication de son livre majeur, Die Traumdeutung (La Science des rêves, Paris, 1926, ou, selon une version plus récente, L'Interprétation des rêves, Paris, 1967), il put peu à peu sortir de l'isolement, de sorte que, aidé de quelques disciples enthousiastes, il parvint à jeter les bases d'un véritable mouvement. Mais la paix ne lui fut pas accordée pour autant : il lui restait à se battre au-dehors comme au-dedans pour faire accepter chacune des conséquences de ses découvertes, puis pour préserver l'intégrité et le sens de sa doctrine. Admiré, aimé, raillé, trahi souvent par ceux-là mêmes qui s'étaient les premiers attachés à ses pas, il est demeuré intraitable sur cette portion de vérité qu'il avait conscience d'apporter à l'homme de son temps. Et c'est sans aucun doute à ce qu'il appelait lui-même son courage intellectuel qu'il doit d'avoir été l'un de ceux qui ont le plus fait pour abolir l'ancien régime de la pensée.

Le Freud d'avant Freud

La sphère familiale

L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

L'exil de Freud

Né le 6 mai 1856 à Freiberg (aujourd’hui Príbor, en République tchèque), d'une famille de commerçants juifs aisés dont la situation sociale s'était dégradée, Sigmund Freud avait cinq ans lorsque ses parents se fixèrent à Vienne, où il passa presque toute sa vie. Il y serait sans doute resté jusqu'à sa mort, n'eût été l'arrivée du nazisme qui, en 1938, le contraignit à l'exil Il a lui-même souligné les deux données de sa biographie qui lui paraissaient propres, sinon à expliquer l'extraordinaire aventure de ses découvertes, du moins à éclairer les dispositions particulières de son esprit : ses origines juives et la structure remarquable du milieu familial dans lequel il avait grandi. De son judaïsme, il pensait tenir un jugement critique libre d'idées préconçues et de préjugés, ainsi que l'habitude de faire front à l'hostilité de la « majorité compacte ». Quant à sa situation de famille, le remariage du père avec une femme à peine plus âgée que le fils aîné du premier lit accusait sans aucun doute pour Sigmund Freud enfant le schéma affectif fondamental qu'il a décrit plus tard sous le nom de complexe d'Œdipe. Quoi qu'il en soit, du reste, du rôle qu'a pu jouer dans la genèse de ses idées ce rapprochement inhabituel de deux générations – son frère aîné aurait pu être l'époux de sa mère, tandis que son père était isolé par l'âge dans une sphère anormalement reculée –, le fait est que Jakob et Amalia Freud, vus par le fils génial[...]

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Pour citer cet article

Jacques LE RIDER et Marthe ROBERT. FREUD SIGMUND (1856-1939) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

L'exil de Freud - crédits : Keystone/ Getty Images

L'exil de Freud

<em>Une leçon clinique à la Salpêtrière</em>, A. Brouillet - crédits : Photo 12/ Universal Images Group/ Getty Images

Une leçon clinique à la Salpêtrière, A. Brouillet

Freud et ses disciples - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

Freud et ses disciples

Autres références

  • CONFÉRENCES D'INTRODUCTION A LA PSYCHANALYSE (S. Freud)

    • Écrit par Jacques LE RIDER
    • 923 mots

    Les Conférences ou Leçons d'introduction à la psychanalyse constituent la mise en forme de deux cycles de cours présentés par Sigmund Freud à l'université de Vienne pendant les semestres d'hiver 1915-1916 et 1916-1917. Cette activité d'enseignement de Freud n'a rien d'exceptionnel : depuis...

  • L'INTERPRÉTATION DES RÊVES, Sigmund Freud - Fiche de lecture

    • Écrit par Alain VANIER
    • 863 mots

    Sigmund Freud (1856-1939) emploie pour la première fois le terme de psychanalyse en 1896. Mais la naissance de la psychanalyse elle-même date de 1897, au moment du renoncement à la théorie traumatique, de la découverte du fantasme et du complexe d'Œdipe. L'Interprétation des rêves...

  • L'HOMME MOÏSE ET LA RELIGION MONOTHÉISTE, Sigmund Freud - Fiche de lecture

    • Écrit par Brigitte LEMÉRER
    • 805 mots
    • 1 média

    Cet ouvrage de Sigmund Freud fut publié en 1939 simultanément en allemand à Amsterdam sous le titre Der Mann Moses und die monotheistische Religion. Drei Abhandlungen, et à Londres en anglais, traduit par Katherine Jones sous le titre Moses and Monotheism. Livre de l'exil, il paraît quelques mois...

  • LE MALAISE DANS LA CULTURE, Sigmund Freud - Fiche de lecture

    • Écrit par Michel PLON
    • 846 mots

    Intitulé Malaise dans la civilisation lors de sa première traduction française en 1934, cet ouvrage fut longtemps considéré comme appartenant à cette catégorie des œuvres freudiennes que l'on qualifiait d'anthropologiques non sans quelque mépris. Jacques Lacan, dans une perspective...

  • ABRÉACTION

    • Écrit par Pierre-Paul LACAS
    • 419 mots

    Terme utilisé en psychiatrie et en psychothérapie et qui traduit l'allemand Abreagiren, mot inconnu sans doute avant Breuer et Freud. Dans le sens le plus général, l'abréaction désigne toute décharge émotionnelle qui permet à un sujet d'extérioriser un affect lié à un souvenir traumatique...

  • ADLER ALFRED (1870-1937)

    • Écrit par Alfred MEYER
    • 2 600 mots
    • 1 média
    Alfred Adler, né à Vienne en 1870, commença sa carrière en Autriche. Docteur en médecine en 1895, il fut élève de Freud, reconnaissant la haute valeur d'investigation psychique de la psychanalyse.
  • ALTRUISME

    • Écrit par Guy PETITDEMANGE
    • 3 328 mots
    • 1 média
    ...l'évidente souveraineté de la lutte à mort, comme radicalement autre que moi et différent de tout phénomène de la nature. Moins d'un siècle plus tard, Freud n'a cessé de traquer avec un raffinement sans pareil « l'inquiétante étrangeté » de l'autre. Ce n'est plus la conscience en général, mais l'homme...
  • AMOUR

    • Écrit par Georges BRUNEL, Baldine SAINT GIRONS
    • 10 182 mots
    • 5 médias
    Qu'une privation essentielle caractérise l'amour, telle sera, en effet, l'intuition centrale de Freud, aux yeux duquel le sujet paie, en aimant, l'amende d'une partie de son narcissisme. Se dessaisissant de sa personnalité au profit de l'aimé, il élève celui-ci au rang d'idéal sexuel, quand...
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Voir aussi