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INTUITION

Le terme d'intuition désigne la manière d'être d'une connaissance qui comprend directement son objet, par un contact sans médiats avec lui, et sans le secours des signes ou des procédés expérimentaux. À ces caractères d' immédiateté on relie en général d'autres caractères, celui d'une pensée anticipatrice qui devance les preuves, ou d'une compréhension profonde qui va de l'apparence vers la réalité des choses. Cette acception générale laisse place à de nombreux types de l'intuition, s'échelonnant entre l'appréhension sensible et l'intellection pure.

L'existence ou la nature de l'intuition, qui concerne des domaines complexes et variés, appelle elle-même une justification, ou une interprétation, et la notion a constamment reçu des élaborations philosophiques. On peut suivre un courant majeur, allant de la philosophie antique à la philosophie classique, et qui met au centre les pouvoirs d'une intuition intellectuelle indépendante de l'expérience et contrôlant le discours. Avec l'idéalisme transcendantal de Kant apparaît une nouvelle conception, qui fait de la pensée intuitive une activité opérant sur les contenus et les formes sensibles. Cette conception a de nombreux développements modernes, directs ou réinterprétés par l'idéalisme radical, qui voit dans l'intuition une pensée pleinement productive de l'objet. Elle est contestée aussi par des orientations plus empiristes ou plus phénoménistes, qui séparent l'intuition du concept ou de la catégorie pour la rapprocher de la chose même ou de la donnée immédiate.

Dans les doctrines proprement scientifiques ou méthodologiques, l'intuition est prise comme une fonction parmi d'autres entrant dans l'économie du savoir. Aussi, dans la mesure où l'on maintient la valeur des assurances ou des motivations intuitives, on leur impose des limitations, en composant les conditions intuitives avec les conditions formelles ou techniques d'une connaissance exacte.

L'usage du terme d'intuition connaît certaines ambiguïtés de principe, car on peut opposer la connaissance intuitive à toute connaissance utilisant les techniques et les signes, ou bien au contraire chercher la liaison ou l'interpénétration de ces modes de connaissance. Alors que la métaphysique de l'intuition d'une part, la doctrine positiviste des signes de l'autre, poussent l'opposition à l'extrême. On rapprochera ici les pôles de la connaissance en faisant l'étude des actes signifiants qui s'exercent au niveau des opérations et des signes.

L'idée d'une expérience ou d'un savoir intuitif

Le terme d'intuition relève du langage de la « vision ». Étymologiquement, intueor, intuitus se rapportent à l'acte et à l'attention du regard. Aussi, dans son sens large, sera intuitive une atteinte directe de l'objet qui se présente dans sa pleine patuité. En fait, dans le vocabulaire philosophique et culturel, le terme d'intuition a recueilli l'héritage de la notion grecque de la ν́οησις (noèsis), acte simple de la pensée qui ne se disperse pas dans les moments de la perception ou du discours et évite les détours de la δίανοια (dianoia). Plus récemment, et sous l'influence de la pensée allemande, le terme a récupéré les valeurs de l'Anschauung ou de l'Erschauung, c'est-à-dire d'une synthèse opérée par l'imagination sur les bases d'une expérience sensible. Ainsi, par son origine et par ses développements, le terme d'intuition est apte à désigner toute forme de compréhension immédiate, et concerne des couches très diverses du savoir. On parlera aussi bien de l'assurance intuitive que nous avons de la présence des choses, laquelle requiert un signalement sensoriel, que de la certitude intuitive que nous avons d'une[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université des sciences humaines, lettres et arts de Lille

Classification

Pour citer cet article

Noël MOULOUD. INTUITION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BERGSON HENRI (1859-1941)

    • Écrit par Camille PERNOT
    • 8 128 mots
    • 1 média
    L'intelligence, en effet, n'est pas la seule forme de la pensée. Il existe d'autres facultés de connaissance, déposées également par l'évolution de la vie, qui se rapportent directement à la réalité : l'instinct et l'intuition. L'instinct est comme une intuition...
  • CONCEPT

    • Écrit par Jean LADRIÈRE
    • 3 826 mots

    Les théories de la connaissance s'accordent généralement à reconnaître qu'il y a essentiellement, dans l'être humain, deux modes de connaissances de la réalité, l'un qui porte directement sur le concret, saisi dans sa singularité, l'autre qui n'atteint le réel qu'à travers des déterminations de...

  • CONNAISSANCE

    • Écrit par Michaël FOESSEL, Yves GINGRAS, Jean LADRIÈRE
    • 9 106 mots
    • 1 média

    La connaissance désigne un rapport de la pensée à la réalité extérieure et engage la notion de vérité comme adéquation de l'esprit et de la chose. Par extension, le terme connaissance désigne le contenu de la pensée qui correspond à la nature de la chose visée, et s'oppose à ...

  • CONSCIENCE MORALE

    • Écrit par Laurent BÈGUE
    • 1 167 mots

    La faculté de formuler des jugements sur la valeur morale des actions humaines, ou conscience morale, a fait l’objet de développements importants en psychologie, notamment depuis la parution en 1932 de l’ouvrage Le Jugement moral chez l’enfant de Jean Piaget. Au moyen de protocoles d’observation,...

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Voir aussi