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LANGAGE PHILOSOPHIES DU

L'intérêt pour la langue est un trait dominant de la philosophie contemporaine. Non que nos contemporains soient les premiers à découvrir le langage. Celui-ci a toujours été à la place d'honneur dans la philosophie, tant il est vrai que la compréhension que l'homme prend de lui-même et de son monde s'articule et s'exprime dans le langage ; les sophistes grecs sont sans doute les premiers à en avoir pris une conscience aiguë ; Socrate cherche les « définitions », c'est-à-dire le sens permanent de nos mots et de nos phrases ; Platon, dans le Cratyle, s'interroge sur la « justesse » des mots et établit, dans le Théétèteet Le Sophiste, que c'est la structure complexe de la phrase, faite d'un entrelacs du nom et du verbe, qui seule permet la fausseté, qui est le pouvoir de dire faux, de dire ce qui n'est pas. Dans son traité Sur l'interprétation, Aristote établit que toutes les lois de la logique s'édifient sur les caractères de la proposition, laquelle consiste à affirmer ou nier « quelque chose au sujet de quelque chose ». La métaphysique prend ainsi appui sur une connaissance exacte du fonctionnement du langage. Il y a eu dans l'histoire plusieurs grandes époques pour la philosophie du langage : la dialectique des médiévaux et des discussions autour du nominalisme ; la théorie des signes du xviiie siècle, en particulier chez Condillac et chez Rousseau ; les conjectures et les discussions sur l'origine des langues, chez Herder et dans le grand idéalisme allemand. Ces recherches culminent chez Wilhelm von Humboldt, notamment dans son ouvrage posthume Über die Verschiedenheit des menschlichen Sprachbaues und ihren Einfluss auf die geistige Entwicklung des Menschengeschlechts (1836 ; De la diversité de structure des langues humaines et de son influence sur le développement spirituel de l'espèce humaine). Cette œuvre domine de haut le xixe siècle ; c'est à elle que deux penseurs contemporains aussi différents que le linguiste Chomsky et le philosophe Heidegger aiment à se reporter.

Pourtant on se référera ici non à cette tradition philosophique, mais aux philosophies du langage, contemporaines de l'extraordinaire essor de la linguistique. On essaiera de faire comprendre que c'est la même époque, la nôtre, qui a produit la linguistique et des sortes de philosophies pour lesquelles la connaissance du langage est préalable à la résolution des problèmes fondamentaux de la philosophie, si l'on entend par là ceux qui sont hérités de la tradition et qui concernent non les signes, mais les choses mêmes, le monde, l'homme. L'idée qu'une théorie des signes puisse et doive précéder une théorie des choses est caractéristique d'une grande partie de la philosophie de notre époque. Certes, les philosophies qu'on peut appeler philosophies du langage ne sont pas toujours, ni même souvent, dérivées d'une réflexion sur la linguistique ; c'est même assez récemment qu'elles ont tenu compte des principes, des méthodes et des résultats de la linguistique. En dépit de ce défaut de communication entre linguistique et philosophie du langage, la convergence d'intérêts est saisissante et peut être tenue pour un trait dominant de la pensée actuelle.

Épistémologie de la linguistique

Linguistique structurale et linguistique transformationnelle

Ferdinand de Saussure - crédits : F.H. Jullien/ AKG Images

Ferdinand de Saussure

Le Cours de linguistique généralede Ferdinand de Saussure (1916) a imposé la conception structurale du langage qui domine largement la linguistique contemporaine en dépit des conflits d'écoles. Mais un événement des plus importants, du moins pour la philosophie du langage, est l'apparition et le développement rapide d'une nouvelle méthode d'analyse du langage, celle de la grammaire transformationnelle de Noam Chomsky et de son école.

La linguistique structurale[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire des Universités
  • : professeur émérite à l'université de Paris-X, professeur à l'université de Chicago

Classification

Pour citer cet article

Jean-Pierre COMETTI et Paul RICŒUR. LANGAGE PHILOSOPHIES DU [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Ferdinand de Saussure - crédits : F.H. Jullien/ AKG Images

Ferdinand de Saussure

Louis Trolle Hjelmslev - crédits : D.R.

Louis Trolle Hjelmslev

Émile Benveniste - crédits : AFP

Émile Benveniste

Autres références

  • LANGAGE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 315 mots

    La philosophie a du mal à trouver un juste équilibre dans son rapport au langage. Soit elle oublie d’interroger sa place et néglige son importance, prenant alors la forme d’une pensée qui oublie qu’elle se dit, soit elle sombre dans l’obsession du langage, renonçant à ce qu’elle est pour laisser...

  • ACTES DE LANGAGE

    • Écrit par Catherine FUCHS
    • 1 487 mots

    L'expression « acte de langage » traduit l'anglais speech act. Cette notion a été développée dans la seconde moitié du xxe siècle par les philosophes dits de l'école d'Oxford, tenants d'un courant également connu sous le nom de « philosophie du langage ordinaire ».

  • AFFECTIVITÉ

    • Écrit par Marc RICHIR
    • 12 228 mots
    ...indiquent au moins le lien toujours déjà noué entre la « passion », l'« émotion » ou l'« affect » (Aristote ne les distingue pas) et des contextures de langage. Certes, on pressent, ou on sait depuis toujours qu'un homme ou un groupe d'hommes entêtés dans une passion sont impossibles à convaincre ou à...
  • AGAMBEN GIORGIO (1942- )

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 1 132 mots
    • 1 média

    Giorgio Agamben, né à Rome en 1942, est très certainement l'une des figures les plus originales de la philosophie italienne de la seconde moitié du xxe siècle. Après des études de droit et une thèse de philosophie juridique sur Simone Weil, il fait la rencontre dans les années 1960, à Rome,...

  • ANALOGIE

    • Écrit par Pierre DELATTRE, Universalis, Alain de LIBERA
    • 10 427 mots
    Dans le cadre du langage courant, la situation est déjà très différente. Par suite de la longue histoire de ses usages, chaque mot porte une charge sémantique généralement beaucoup plus grande que celle qui peut être manifestée dans un énoncé quelconque. Si cette sémantique du mot fixe grossièrement...
  • Afficher les 118 références

Voir aussi