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IDÉALISME ALLEMAND

En allant à la découverte de l'idéalisme allemand, on attend bien des émerveillements, et l'on se prépare quelques surprises, en même temps que beaucoup de travail. Encore faut-il d'abord délimiter ce champ d'investigation qui, par nature, ne saurait toutefois offrir de contours précis et incontestés, ni une totale homogénéité.

La notion d'idéalisme allemand enveloppe un ensemble de doctrines qui, dans le panorama de la philosophie universelle, prennent un relief remarquable. Elles relèvent certes de l'histoire globale, mais elles y dessinent un courant nettement caractérisé. Ce mouvement philosophique d'ample portée a permis de mieux comprendre les doctrines anciennes et a profondément influencé toute la culture ultérieure. Il se déploie de la fin du xviiie siècle jusqu'au début du xixe et il s'assure une unité visible en se maintenant d'abord exclusivement en terre allemande.

On peut considérer que l'idéalisme allemand prend son départ avec la Critique de la raison pure de Kant (1781) et qu'il culmine en s'achevant dans l'Encyclopédie des sciences philosophiques de Hegel (3e édition, 1830). De grands penseurs y ont participé – Fichte, Schelling, Hegel, notamment –, chacun d'eux préservant sa singularité à l'intérieur d'une consonance fondamentale.

Une généalogie philosophique

La sélection et la classification des philosophies s'opèrent selon des critères divers. Elles s'ordonnent traditionnellement selon des couples d'opposés : philosophies intellectuelles ou sentimentales, systématiques ou éclectiques, rationnelles ou mystiques, métaphysiques ou positivistes, dogmatiques ou critiques, etc. L'un des affrontements les plus significatifs, et peut-être le plus communément invoqué, confronte la philosophie idéaliste à ses adversaires associés : le réalisme, le naturalisme, l'agnosticisme, le matérialisme. On s'en tiendra ici aux termes extrêmes : idéalisme-matérialisme.

Entre idéalisme et matérialisme, le litige porte sur ces questions : qu'est-ce qui, de l'esprit et de la matière, est originaire, fondamental ? Et, en regard, qu'est-ce qui est dérivé et conditionné ? Lequel des deux termes tolère, en quelque manière que ce soit, d'être réduit à l'autre ? La réalité ultime réside-t-elle en l'un de ces opposés : est-elle matérielle ou idéelle ?

Pour mieux apprécier rétrospectivement la nature de l'idéalisme allemand, il convient sans doute de le comparer à des attitudes intellectuelles plus récentes. Et d'abord une formulation classique, presque scolaire : « On entend actuellement par idéalisme la tendance philosophique qui consiste à ramener toute existence à la pensée, au sens le plus large du mot pensée » (A. Lalande, Vocabulaire technique et critique de la philosophie). Sur ce thème, quelques variations : « Pour l'idéaliste, il n'y a rien de plus dans la réalité que ce qui apparaît à maconscience ou à la conscience en général » (Henri Bergson, cité par Lalande, ibid.), ou bien : « Exister, c'est être posé par l'esprit » (Jules Lachelier, ibid.). Cette direction générale est présente dans des œuvres très modernes : pour Husserl, la réduction phénoménologique indique « l'itinéraire vers l'idéalisme transcendantal » ; et la phénoménologie « n'est rien d'autre que la première forme rigoureusement scientifique de cet idéalisme » (Edmund Husserl, Philosophie première, 1923).

Le modèle allemand de l'idéalisme se singularise par sa radicalité (il va jusqu'au bout de ses conséquences), sa combativité (il ne tolère rien d'autre), son ambition démesurée (il prétend embrasser la totalité des êtres et de leur devenir), sa minutie (il s'attarde aux plus petits détails), sa technicité[...]

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Pour citer cet article

Jacques d' HONDT. IDÉALISME ALLEMAND [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • DIEU - Problématique philosophique

    • Écrit par Jacques COLETTE
    • 5 676 mots
    Schelling posera à nouveau et de manière radicale la question de l'origine de la raison. Walter Schulz a montré comment le système de la subjectivité conduit ici à son achèvement la philosophie de l'idéalisme allemand. Assuré de pouvoir exercer sa puissance sur les êtres de ce monde, l'esprit...
  • FICHTE JOHANN GOTTLIEB (1762-1814)

    • Écrit par Universalis, Alexis PHILONENKO
    • 8 864 mots
    • 1 média
    ...que la philosophie de Fichte ait été en partie méconnue et en partie défigurée par des commentateurs prestigieux : Jacobi, Hegel et surtout Schelling. L'étude de Fichte contraint à renoncer à l'idée traditionnelle de la continuité de l'idéalisme allemand : sa philosophie ne s'insère...
  • HEGEL GEORG WILHELM FRIEDRICH (1770-1831)

    • Écrit par Jacques d' HONDT, Yves SUAUDEAU
    • 11 852 mots
    • 1 média
    Hegel situe lui-même sa philosophie dans la tradition idéaliste, en assimilant habilement à celle-ci, ou en récupérant à son profit, tout ce qui dans l'histoire de la pensée a fait mine de s'en séparer ou de la contrarier : matérialisme, « réalisme », empirisme, « naturalisme...
  • KANT EMMANUEL (1724-1804)

    • Écrit par Louis GUILLERMIT
    • 13 373 mots
    • 1 média
    Ce nom de métaphysique formulait une prétention à acquérir la connaissance d'objets qui se situent au-delà de la nature, dont l'expérience sensible permet à la physique de faire la science : cet être de tous les êtres et qui en est la première cause ou Dieu, cette substance incorruptible...
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Voir aussi