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NOMBRES (THÉORIE DES) Nombres p-adiques

Analyse p-adique

On peut développer une théorie des fonctions analytiques de variables p-adiques en définissant de telles fonctions par des développements en séries entières convergentes (cf. fonctions analytiques - Fonctions analytiques d'une variable complexe).

Par exemple, la série exponentielle :

converge dans le « disque ouvert » de Qp défini par l'inégalité :
en effet :
et le nombre d'entiers k ≤ n tels que vp(k) ≥ r est égal à la partie entière[n/pr]du nombre rationnel n/pr, ce qui donne :
en désignant par sn la somme des coefficients du développement p-adique de n (si n = Σaipi avec 0 ≤ ai ≤ p − 1, on a sn = Σai) ; on en déduit facilement que vp(1/n !)/n converge vers − 1/(p − 1) pour n infini, c'est-à-dire que |1/n !|1/n converge vers p1/(p−1). On peut donc définir une fonction exponentielle x ↦ exp x pour |x| < p−1/(p−1) ; il est clair que l'on a :
et que la fonction exponentielle ne s'annule pas dans son disque de convergence : elle définit un homomorphisme de ce disque, qui est un sous-groupe du groupe additif de Qp (à savoir pZp si p ≠ 2 et 4Z2 si p = 2), dans le groupe multiplicatif de Qp*. C'est en fait un isomorphisme sur un sous-groupe de Qp*, comme on peut le montrer à l'aide de la fonction logarithme définie par la série :
qui converge pour vp(y) > 0 et définit donc un logarithme dans U1 ; on peut vérifier que :
pour vp(x) > 1/(p − 1) et, par suite, exp définit un isomorphisme de pZp sur U1 si p ≠ 2 et de 4 Z2 sur U2 si p = 2 : on retrouve les isomorphismes du chapitre 3.

Comme le corps Qp est totalement discontinu, on ne peut espérer une théorie globale raisonnable pour les fonctions analytiques au sens habituel, c'est-à-dire définies localement par des développements en série. Il y a cependant une théorie globale pour les fonctions « strictement holomorphes » ; donnons, par exemple, la définition des fonctions strictement holomorphes dans la « couronne » :

Ce sont les fonctions définies par des développements de Laurent :

qui vérifient la condition de convergence suivante : pour tout ρ ∈ [r, R], |ann tend vers 0 lorsque n tend vers ± ∞ ; l'espace L(r, R) de ces développements de Laurent est un espace de Banach sur le corps Qp pour la norme (ultramétrique) :
et on peut y définir une multiplication qui en fait une algèbre de Banach. On démontre que L(r, R) est un anneau principal et que ses éléments irréductibles sont les polynômes unitaires irréductibles dont les racines (dans une clôture algébrique de Qp) ont des valeurs absolues dans l'intervalle[r, R], ainsi que les produits de ces polynômes par des éléments inversibles ; ces derniers sont les développements de la forme :
avec |an|rn < 1 et |an|Rn < 1 pour tout n. M. Lazard a généralisé ces résultats au cas d'une couronne « ouverte » (définie par des inégalités strictes) et a obtenu des théorèmes analogues à ceux de Weierstrass (développement en produit infini d'une fonction strictement méromorphe) et de Mittag-Leffler.

En s'inspirant de la théorie de Jacobi, J.  Tate a élaboré une théorie analytique des fonctions elliptiques sur un corps p-adique. Soit q ∈ Qp tel que 0 < |q| < 1, on considère le corps des fonctions strictement méromorphes dans Qp − {0} (couronne de rayons 0 et ∞) qui sont invariantes par la multiplication par q, c'est-à-dire f (qx) = f (x) ; on peut montrer que c'est un corps de fonctions algébriques d'une variable et que son genre est 1, c'est-à-dire qu'il s'identifie au corps des fonctions rationnelles sur une courbe elliptique. Cette théorie donne l'uniformisation de certaines courbes elliptiques sur Qp ; plus récemment, M. Raynaud et D. Mumford[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'université de Paris-VIII-Denis-Diderot

Classification

Pour citer cet article

Christian HOUZEL. NOMBRES (THÉORIE DES) - Nombres p-adiques [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • PRIX ABEL 2016

    • Écrit par Yves GAUTIER
    • 1 168 mots
    • 2 médias

    Le 15 mars 2016, l’Académie norvégienne des sciences et des lettres a décerné le prix Abel 2016 au mathématicien anglais Andrew John Wiles « pour avoir démontré de manière éclatante le dernier théorème de Fermat par le biais de la conjecture de modularité pour les courbes elliptiques semi-stables,...

  • ARITHMÉTIQUES (Diophante)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 188 mots

    Diophante d'Alexandrie, parfois appelé le « père de l'algèbre », est connu par son ouvrage les Arithmétiques, qui traite des solutions des équations algébriques. On ne sait pratiquement rien de sa vie et ses dates de naissance et de mort sont très controversées. Les Arithmétiques...

  • ARTIN EMIL (1898-1962)

    • Écrit par Jean-Luc VERLEY
    • 1 319 mots
    La part la plus importante de l'œuvre d'Artin concerne l'étude des corps de nombres algébriques etl'application des résultats obtenus à la théorie des nombres. Pour tout corps de nombres algébriques K, on peut considérer une fonction ζk(s), appelée la fonction zêta de Dedekind, qui...
  • BAKER ALAN (1939-2018)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 338 mots

    Alan Baker, mathématicien britannique, lauréat de la médaille Fields en 1970 pour ses travaux en théorie des nombres, est né le 19 août 1939 à Londres. Il a fait ses études supérieures à l'University College de Londres puis au Trinity College de Cambridge où il soutient sa thèse de doctorat en...

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Voir aussi