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EULER LEONHARD (1707-1783)

Mathématiques

Euler est l'auteur de trois grands traités didactiques sur l'analyse infinitésimale, dans lesquels il a exposé sa conception nouvelle du calcul différentiel et intégral et ses rapports avec la géométrie : l'Introductio in analysininfinitorum(1748), les Institutionescalculidifferentialis(1755) et les Institutionescalculiintegralis(3 vol., 1768-1770). Le premier de ces traités opère une refonte dans le mode d'exposition de ces questions : il met au premier plan le concept de fonction, défini de façon formelle comme « une expression analytique composée d'une manière quelconque d'une quantité variable et de nombres ou de quantités constantes ». Cette définition reprend celle que Jean Bernoulli avait déjà donnée (le terme avait été introduit par Leibniz) ; l'originalité d'Euler tient dans le rôle fondamental qu'il fait jouer à ce concept, qui n'était que marginal avant lui. Le premier livre de l'Introductio est consacré au calcul « algébrique » sur les fonctions, étant entendu qu'Euler considère encore comme algébriques les procédures infinies qui étendent les opérations usuelles : séries et produits infinis, fractions continues ; au second livre, il applique les méthodes et les résultats du premier livre à des problèmes de géométrie (étude des courbes algébriques ou transcendantes, surfaces, changements d'axes de coordonnées). Il y a là un renversement très important par rapport aux traités antérieurs dans lesquels le calcul était au contraire tributaire de la géométrie. Euler donne dans l'Introductio( chap. vi à viii) un exposé des fonctions transcendantes élémentaires : la fonction exponentielle, le logarithme et les fonctions trigonométriques, qui sont envisagées ainsi pour la première fois. L'exponentielle az (où a > 0 est une constante) est définie par interpolation pour z réel, entre les valeurs rationnelles de z, et le logarithme est défini comme fonction inverse de l'exponentielle (ce qui est nouveau) ; les fonctions circulaires sin et cos sont, pour la première fois, considérées comme des fonctions d'une variable réelle (ou même complexe) et non plus comme des lignes qui dépendent d'un angle ; elles sont liées à l'exponentielle par les célèbres formules d'Euler :

où se trouvent le nombre e, base des logarithmes népériens (la notation e pour ce nombre est due à Euler, qui l'employait depuis 1728), et l'unité imaginaire − 1, notée ici i comme Euler l'a fait plus tard, en 1777. Un autre nombre célèbre, le rapport de la circonférence au diamètre, avait été noté π par W. Jones en 1706, mais c'est Euler qui a imposé cette notation à l'usage des mathématiciens ; il est lié aux précédents par la célèbre formule eiπ = − 1 écrite par Euler. Cette formule attribue le logarithme imaginaire iπ au nombre − 1, contrairement à ceux qui croyaient pouvoir déduire de l'égalité lg(− 1)2 = lg(+ 1)2 celle des logarithmes de 1 et de − 1. Le paradoxe précédent avait été résolu par Euler, qui avait montré que chaque nombre (réel ou complexe) a une infinité de logarithmes qui diffèrent entre eux par un multiple entier arbitraire de 2iπ ; dans le cas d'un nombre réel positif, un seul des logarithmes a une valeur réelle. À propos des logarithmes, Euler remarque que, lorsque a et b sont rationnels, lgab n'est ni rationnel (sauf si b est une puissance entière de a), ni la racine carrée d'un nombre rationnel ; c'est la base du septième problème de Hilbert, résolu en 1934 par Gelfond et Schneider (cf.  hilbert).

Euler était exceptionnellement doué pour le calcul, aussi bien numérique que formel. Dans l'Introductio, il manipule les séries et les produits infinis d'une façon prodigieuse et il trouve des résultats[...]

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Écrit par

  • : directeur de recherche au C.N.R.S., professeur à l'université de Paris-VIII-Denis-Diderot
  • : agrégé de l'Université, membre correspondant de l'Académie internationale d'histoire des sciences

Classification

Pour citer cet article

Christian HOUZEL et Jean ITARD. EULER LEONHARD (1707-1783) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Leonhard Euler - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Leonhard Euler

Autres références

  • EULER (CONJECTURE D')

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 658 mots

    En 1769, le génial mathématicien suisse Leonhard Euler (1707-1783) proposait une conjecture généralisant le dernier théorème de Fermat. En 1966, les informaticiens américains Leon J. Lander et Thomas R. Parkin de la compagnie Aerospace à El Segundo (Californie) utilisèrent un ordinateur pour démontrer...

  • INTRODUCTIO IN ANALYSIN INFINITORUM (L. Euler)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 194 mots
    • 1 média

    C'est à l'Académie des sciences de Berlin que Leonhard Euler (1707-1783) publie en 1748 le premier des trois grands traités didactiques où il expose sa conception du calcul différentiel et intégral. L'Introductio in analysin infinitorum met au premier plan le concept de fonction...

  • THÉORIE DU MOUVEMENT DES CORPS SOLIDES OU RIGIDES (L. Euler)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 350 mots
    • 1 média

    Le mathématicien suisse Leonhard Euler (1707-1783) pose les fondements de la mécanique analytique en publiant en 1765 un volumineux ouvrage de plus de 500 pages titré Theoria motus corporumsolidorumseurigidorum (Théorie du mouvement des corps solides ou rigides). Depuis vingt-cinq ans,...

  • AIRE MINIMALE SURFACES D'

    • Écrit par Cyril ISENBERG
    • 3 358 mots
    • 20 médias
    Leonhard Euler a montré, au xviiie siècle, que la solution du premier problème était, à la condition que les anneaux fussent suffisamment proches l'un de l'autre, une caténoïde, c'est-à-dire une surface de révolution dont la méridienne est une chaînette, courbe formée par une chaîne suspendue en deux...
  • CALCUL INFINITÉSIMAL - Histoire

    • Écrit par René TATON
    • 11 465 mots
    • 3 médias
    ...mathématiciens de valeur et la féconde rivalité qui les conduisit à participer au progrès de l'ensemble des branches de l'analyse. Jean et Daniel Bernoulli, Euler, Clairaut, d'Alembert, Lagrange, Laplace et Legendre sont les principaux artisans de cette extension et de ce développement du champ du calcul infinitésimal....
  • CALCUL INFINITÉSIMAL - Calcul à plusieurs variables

    • Écrit par Georges GLAESER
    • 5 442 mots
    Les dérivées partielles apparaissent, en 1755, dans le traité Institutiones calculi differentialis d'Euler, et, en 1747, chez A.  Clairaut. Ils y ont reconnu l'outil de base du calcul différentiel à plusieurs variables. Malheureusement, cette notion est essentiellement liée au choix d'un système...
  • COMBINATOIRE ANALYSE

    • Écrit par Dominique FOATA
    • 5 426 mots
    • 2 médias
    ...nombre de modèles ont été tout particulièrement étudiés, c'est le cas des carrés latins, sans doute parce qu'un mathématicien célèbre comme Euler fit à leur sujet une conjecture malheureuse et qu'il fallut attendre 177 ans pour prouver son inexactitude. En introduisant des notions comme celle...
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