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FICHTE JOHANN GOTTLIEB (1762-1814)

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La fondation du système

Bien que la plupart des interprètes s'orientent vers l'analyse de ses derniers travaux, « l'influence historique, sinon la stature philosophique de Fichte, est liée à jamais à la période d'Iéna, à son enseignement révolutionnaire ».

L'intersubjectivité

C'est dans les Contributions qu'apparaissent plusieurs éléments de la future Doctrine de la science et, en premier lieu, l'idée dialectique : Fichte conçoit le mouvement de l'histoire humaine comme l'opposition du despotisme et de la liberté, de la monarchie et de la république ; ce mouvement tend à restaurer un état de paix, conciliant les opposés dans la victoire d'une idée. Préoccupé par l'idée de peuple et par la notion de volonté générale de Rousseau, Fichte est entraîné dans la problématique de l'intersubjectivité : comment une conscience peut-elle être pour une autre ? Idée de la dialectique (dans la lutte de la monarchie et de la liberté), problème de l'intersubjectivité, ces deux thèmes prennent chez lui une ampleur considérable : ils soulignent (notamment celui de l'intersubjectivité) les insuffisances de la pensée kantienne. Plus que les attaques sceptiques de la philosophie transcendantale, plus que les défauts de la systématique kantienne, ce sont les questions politiques qui vont conduire Fichte à se séparer de Kant et à entreprendre la construction d'une nouvelle philosophie : à ses yeux, philosophie et politique sont indissociables, et la politique kantienne est inacceptable.

De la politique à la philosophie

Les questions que suscite la politique sont aussi théoriques et transcendantales. Que l'on considère le problème de l'existence d'autrui, dont Fichte, dans les Leçons sur la destination du savant (Einige Vorlesungen über die Bestimmung des Gelehrten, 1794), souligne la portée systématique. Si ce problème n'est pas résolu, le fondement de la politique ne peut être assuré. Mais le résoudre, c'est aussi résoudre celui du sens du monde, c'est s'engager à répondre aux questions de l'existence et envisager la construction d'une théorie du droit et d'une théorie de la morale. Le génie de Fichte a sans doute consisté à relier de multiples problématiques en partant d'une question déterminée. Les dialectiques théoriques ont été intégrées dans un mouvement général concernant l'existence humaine.

Du même coup se dévoile la tâche primordiale de la philosophie : dépassant les rêveries métaphysiques, elle doit justifier la conscience commune qui croit à l'existence du monde, qui veut une théorie du droit et une morale. La philosophie fichtéenne n'a pu être un idéalisme visionnaire, qui transforme les choses en idées, ainsi que l'entendirent toutefois la plupart de ses lecteurs et des historiens. Il n'est pas de contresens plus grand sur la Doctrine de la science que de croire qu'elle finit par ramener la totalité de ce qui « est » aux représentations du moi, comme si Fichte avait enseigné un idéalisme absolu. « Nombreux furent ceux, explique un commentateur, qui virent, dans la Doctrine de la science, un idéalisme dogmatique, un subjectivisme ou un individualisme, et Schelling lui-même alla jusqu'à prétendre que, pour Fichte, chaque moi était l'absolue substance. » La doctrine fichtéenne fut mal entendue, dès l'origine, et sa problématique fondamentale, l'intersubjectivité, écartée ; on y vit les éléments d'un idéalisme ontologique, qui ramène finalement le monde à la conscience, de telle sorte que la question de l'existence d'autrui, mieux de l'autre, quoique fondamentale, s'évanouit. C'est méconnaître la tentative de Fichte : élaborer un idéalisme sémantique, c'est-à-dire une doctrine justifiant l'existence du monde à partir de la conscience et rendant ainsi possibles[...]

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Pour citer cet article

Encyclopædia Universalis et Alexis PHILONENKO. FICHTE JOHANN GOTTLIEB (1762-1814) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Média

Johann Gottlieb Fichte - crédits : Fine Art Images/ Heritage Images/ Getty Images

Johann Gottlieb Fichte

Autres références

  • LA DESTINATION DE L'HOMME, Johann Gottlieb Fichte - Fiche de lecture

    • Écrit par
    • 857 mots
    • 1 média

    C'est humilié, poussé à quitter l'université de Iéna, à la suite de fâcheuses accusations d'athéisme, que J. G. Fichte (1762-1814), réfugié à Berlin, trouve le temps de rédiger, de juillet à novembre 1799, ce qu'il veut être un écrit « populaire » : La Destination...

  • ROMANTISME

    • Écrit par et
    • 22 170 mots
    • 24 médias
    L'aspect proprement philosophique en fut dégagé par Fichte, dont toute la pensée est fondée sur l'opposition du moi au non-moi. Tous les rapports entre l'individu et le monde extérieur sont ainsi mis en cause et envisagés de façon toute neuve par rapport à la philosophie kantienne. Dans cette difficulté...
  • DÉTERMINISME

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    • 9 713 mots
    ...aux phénomènes. Confondant volontairement, dans une même réfutation, l'organicisme des philosophies de la nature et le mécanisme (ou le matérialisme), Fichte peut écrire (dans sa Staatslehre de 1813) : « Pour ouvrir la voie à notre doctrine de la liberté, il faut la distinguer rigoureusement du système...
  • HISTORIQUE ALLEMANDE ÉCOLE

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    Le raisonnement économique fondé sur l'intérêt, la concurrence et le marché qui s'affirme au xviiie siècle se heurte d'emblée, en terre germanique, à une pensée économique originale. Face aux physiocrates, les caméralistes se font les défenseurs de l'efficacité de la politique...

  • IDÉALISME ALLEMAND

    • Écrit par
    • 7 102 mots
    Après quoi J. G. Fichte (1762-1814) métamorphosa sa doctrine en un idéalisme plus authentique et plus hardi, proche du subjectivisme, et même du solipsisme (« Tout est par le moi, pour le moi ! »), qui s'accompagne d'une dépréciation du monde extérieur, de la nature tenue pour secondaire et...
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