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HISTORIQUE ALLEMANDE ÉCOLE

Le raisonnement économique fondé sur l'intérêt, la concurrence et le marché qui s'affirme au xviiie siècle se heurte d'emblée, en terre germanique, à une pensée économique originale. Face aux physiocrates, les caméralistes se font les défenseurs de l'efficacité de la politique économique fixée par le Prince dans la pièce (kammer en allemand) où il réunit ses conseillers.

Le philosophe Johann Gottlieb Fichte écrit en 1799 L'État commercial fermé, ouvrage dans lequel il donne un contenu économique à la notion de « frontières naturelles » chère aux révolutionnaires français. Les frontières naturelles sont celles qui autorisent l'autarcie. Friedrich List (1789-1846) publie en 1841 son Système national d'économie politique, un manifeste protectionniste qui accuse les libre-échangistes de n'avoir d'autre but que de consolider la suprématie économique anglaise.

Pour Fichte comme pour List, l'économie politique libérale n'est pas une science, mais une analyse orientée tendant à sauvegarder l'avance économique de l'Angleterre et de la France. D'où l'idée que chaque pays doit réfléchir à son histoire, ses traditions, ses structures politiques pour concevoir une économie politique en phase avec sa réalité nationale. C'est sur cette idée que se construit l'École historique allemande. L'ensemble des penseurs qui la constituent vont dominer la production intellectuelle économique en Allemagne au xixe siècle, en deux vagues, l'une dans les années précédant la révolution de 1848, l'autre s'affirmant après le traité de Francfort de 1871 et l'Unité allemande.

La première école historique allemande

Trois noms l'illustrent : ceux de Wilhelm Roscher (1817-1894), Bruno Hildebrand (1812-1878) et Karl Gustav Knies (1821-1898).

Trois principes peuvent résumer leur doctrine : le premier est que, par sa nature même, l'économie politique ne peut être la même dans le temps et dans l'espace. Les conclusions que l'on tire de l'étude d'une société rurale ne s'appliquent pas à une société industrielle. Ainsi, les économistes ricardiens qui fondent leurs théories sur les méfaits de la rente foncière produisent une pensée datée et localisée. Un phénomène ne peut s'analyser en termes scientifiques que s'il est reproductible. Or l'économie obéit à une logique historique dont l'objectif est de faire en sorte que demain ne soit jamais comme aujourd'hui puisque demain doit accroître les richesses d'aujourd'hui.

Le deuxième est que la vision de la société comme une collection d'individus mus par leur intérêt est erronée, car elle ignore l'existence d'une identité collective qui ne se construit pas dans la somme des intérêts individuels. L'État a en particulier des objectifs qui lui sont propres. Celui qui développe le plus cet aspect est Knies. Il s'est rendu célèbre pour avoir étudié ce qu'il appelle « Das Adam Smith Problem », c'est-à-dire les contradictions d'Adam Smith. Pour Knies, la conception développée dans La Richesse des nations (1776) d'une humanité n'agissant que selon son intérêt est une fiction et Adam Smith lui-même en a conscience. En effet, dans son Traité des sentiments moraux (1759), il ne limite pas les mobiles de l'action des hommes à la seule satisfaction de leurs intérêts.

Le troisième est que la dynamique économique repose moins sur la concurrence que sur la volonté des entrepreneurs. Le capitalisme existe parce qu'il y a des capitalistes. En formant cadres et ingénieurs, l'État compte autant que le marché pour faire émerger la richesse. Une des conséquences de ces théories est que le libre-échange, dont le but est de mettre sur un pied d'égalité des pays qui n'ont pas la même histoire, perturbe[...]

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Pour citer cet article

Jean-Marc DANIEL. HISTORIQUE ALLEMANDE ÉCOLE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • BÜCHER KARL (1847-1930)

    • Écrit par Raymond ECHES
    • 284 mots

    Professeur d'économie politique à Dorpat, à Munich, à Bâle, à Karlsruhe et à Leipzig, Karl Bücher fut un des principaux animateurs de l'école historique d'économie politique nationale. Il fonda et dirigea, à Leipzig, l'important institut pour l'étude de la presse....

  • ÉCONOMIE (Définition et nature) - Objets et méthodes

    • Écrit par Henri GUITTON
    • 6 478 mots
    ...explicitement cette science pure ; ils dégagent des lois économiques, énoncées sous forme de théorèmes. Là précisément surgit une querelle : elle naît avec l'école dite historique ou historiciste, dont les représentants, dès le milieu du xixe siècle, sont en majorité de langue germanique (Roscher,...
  • ÉCONOMIE SOCIOLOGIE DE L'

    • Écrit par Frédéric LEBARON
    • 4 595 mots
    • 1 média
    ..., etc.), dans une période de crise et de remise en cause de la théorie économique dominante, marquée par la querelle des méthodes (Methodenstreit) entre l'école historique allemande et la théorie néoclassique et par le développement d'une économie « marxiste ». Pour les promoteurs d'une économie...
  • ÉCONOMIE (Histoire de la pensée économique) - Les grands courants

    • Écrit par Jérôme de BOYER
    • 8 689 mots
    • 10 médias
    La théorie néoclassique n'a pas remplacé la théorie classique sans difficulté, notamment en dehors de l'Angleterre. En Allemagne, l'école historique souligne les dimensions institutionnelle, politique et sociale des phénomènes économiques. Plutôt que privilégier la notion d'équilibre, l'analyse...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi