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IMAGE ANIMÉE

Naissance du cinématographe

À quand la projection sur grand écran des images chronophotographiques, se demandent alors certains contemporains ? Demenÿ et Anschütz tentent de répondre à cette question avec le phonoscope (1892) et l’électrotachyscope (1894). Le phonoscope de Georges Demenÿ est le premier projecteur chronophotographique à être commercialisé en 1895, par Léon Gaumont, mais sans succès en raison du peu d’images utilisées (24 clichés successifs répartis sur la circonférence d’un disque de verre).

L’émergence de l’industrie des photographies animées démarre véritablement avec la présentation, en 1894, du kinétoscope de l’Américain Thomas Edison, breveté dès 1891. Il faut introduire une pièce de monnaie dans la fente de la machine et se pencher sur l’œilleton placé en haut de la boîte pour voir défiler à l’intérieur de l’appareil, durant une minute, un film 35 mm en celluloïd perforé représentant une saynète constituée d’images photographiques successives. Pour alimenter la demande, cent quarante-huit films ont été réalisés de 1890 à septembre 1895 par Edison et son assistant William Dickson à la Black Maria (le studio de prise de vues installé à West Orange, dans le New Jersey) ou en extérieur. Des tireurs à la carabine, des contorsionnistes, des dresseurs d'animaux et la troupe de Buffalo Bill ont joué devant le kinétographe, la caméra mise au point par Edison. Les danseuses sont très demandées, surtout lorsqu'elles montrent leurs dessous (Carmencita, 1894). Il existe des scènes dramatiques, comme FireRescue, avec effets de fumée et de couleurs (le film est peint à la main). Le genre comique n'est pas oublié (TrilbyDeathScene, 1895), les scènes historiques non plus : Execution of Mary,Queen of Scots, par exemple, réalisé en août 1895 par William Heise, et qui utilise le trucage par arrêt de caméra, avant que Méliès ne l’emploie plus tard. Les films de boxe remportent tous les suffrages, du moins de la part du public américain.

La chronophotographie de Marey, entre les mains d’Edison, cesse donc d’être purement scientifique pour devenir un spectacle populaire et la source de revenus importants. Et le film 35 mm perforé d’Edison permet en théorie une projection régulière, au contraire des films chronophotographiques de Marey qui sont non perforés. Mais le kinétoscope n’est pas un projecteur : le spectacle qu’il offre est un plaisir solitaire.

En 1895, beaucoup de « nouveaux venus », expression utilisée par Louis Lumière lui-même, veulent accéder au monde de l’art trompeur : des industriels de la photographie (Auguste et Louis Lumière), des commerçants (Léon Gaumont, George William de Bedts), un fils de charcutier reconverti dans la phonographie (Charles Pathé), des photographes (Birt Acres, Paul Nadar), des opticiens (Robert William Paul), des montreurs de lanternes magiques (les frères Skladanowsky), des prestidigitateurs (Georges Méliès), des ingénieurs (Henri Joly, Jules Carpentier), d’anciens exploitants du kinétoscope (Charles Urban, les frères Werner)… Ces entrepreneurs audacieux ont découvert la méthode chronophotographique de Marey ou Demenÿ grâce à la presse, les appareils de prise de vues et de visionnement d'Edison grâce aux kinetoscopeparlors, les salles destinées à l’exploitation de l’appareil américain. Ils ont saisi l'avenir commercial des photographies animées. Cependant, très peu d'entre eux ont eu une vision claire du futur spectacle cinématographique, c'est-à-dire la projection publique et payante de films sur écran, qui ne pouvait naître qu'après une ultime fusion entre la lanterne magique, le disque stroboscopique et les techniques modernes de Marey et Edison.

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Écrit par

  • : directeur scientifique du patrimoine à la Cinémathèque française

Classification

Pour citer cet article

Laurent MANNONI. IMAGE ANIMÉE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Musée Méliès, Paris - crédits : La Cinémathèque française

Musée Méliès, Paris

La lanterne magique - crédits : Cinémathèque française

La lanterne magique

Phénakistiscope de Joseph Plateau - crédits : Stéphane Dabrowski/ Cinémathèque française

Phénakistiscope de Joseph Plateau

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE VISUELLE

    • Écrit par Damien MOTTIER
    • 4 464 mots
    ...des séquences spécifiques de l’activité humaine pour en favoriser l’étude. Puis il a élaboré un programme d’anthropologie visuelle avant l’heure (Piault, 2000), faisantdes images animées une source d’analyse comparée du mouvement des corps, selon une théorie où la différence raciale prévalait.
  • CINÉMA (Aspects généraux) - Les techniques du cinéma

    • Écrit par Michel BAPTISTE, Pierre BRARD, Jean COLLET, Michel FAVREAU, Tony GAUTHIER
    • 17 534 mots
    • 17 médias
    Au cours du xxie siècle, des évolutions dans les techniques de restitution d'images animées en relief pourront permettre d'éviter l'utilisation de lunettes stéréoscopiques. Plusieurs inventeurs ont déjà tenté de mettre au point des procédés de projection stéréoscopique où le relief serait visible...
  • CINÉMA (Cinémas parallèles) - Le cinéma d'animation

    • Écrit par Bernard GÉNIN, André MARTIN
    • 17 657 mots
    • 6 médias
    Depuis les années cinquante, mais seulement dans des laboratoires réservés aux recherches militaire, industrielle et architecturale, le couplage du tube cathodique et de l'ordinateur préparait l'émergence d'un nouveau système de création picturale. Lié à un codage de toutes les valeurs visuelles en...
  • CINÉMA (Réalisation d'un film) - Musique de film

    • Écrit par Alain GAREL
    • 6 489 mots
    • 5 médias
    ...montage, enfin de la seule vertu symphonique de son orchestration visuelle. [...] Mais, dès mon premier film, je déchantai. J'avais aperçu à temps que l'image animée n'a pas, par vertu propre, le pouvoir affectif que je lui attribuais ; que sans musique les images ne parlent pas ; que la musique,...
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Voir aussi