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EXÉGÈSE ALLÉGORIQUE

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L'exégèse allégorique de la Bible

Or, au moment où Virgile écrivait, l'exégèse allégorique commençait à être appliquée à des textes fort éloignés de la tradition gréco-romaine : les livres bibliques. Bientôt, l'œuvre de Philon d'Alexandrie (env. 20 av. J.-C. - env. 50 apr. J.-C.) donnait l'exemple éclatant d'une telle entreprise. Mais ce nouveau champ d'exploration allait imprimer à l'allégorèse une direction nouvelle. Si l'on excepte un certain nombre d'interpolations, l'Iliade et l'Odyssée sont à peu près contemporaines : quelques décennies au plus les séparent. La Bible, au contraire, réunit un ensemble de textes dont la composition s'étend sur une longue durée : environ quatre siècles pour le seul Pentateuque, et sept siècles pour l'ensemble de la Bible hébraïque. Il en résulte que les textes les plus récents de cette suite renferment une réinterprétation des plus anciens et font découvrir en ceux-ci des significations jusqu'alors inaperçues. Le phénomène est bien plus marqué si l'on sort des limites de la Bible hébraïque et si l'on se place dans la perspective du Nouveau Testament. Dans un récit célèbre de l'Évangile selon saint Luc, on voit Jésus expliquer à deux disciples, qui ne l'ont pas reconnu et ne le savent pas ressuscité, tout ce qui le concerne dans les livres de Moïse et dans les Prophètes. On trouve dans les quatre Évangiles et dans les épîtres de saint Paul de nombreux exemples d'une telle réinterprétation.

L'exégèse allégorique était donc déjà inhérente à la Bible, surtout à la Bible chrétienne s'étendant de la Genèse à l'Apocalypse. Elle y prenait, il est vrai, une forme essentiellement diachronique : elle éclairait le passé par le présent, faisant découvrir dans les événements de jadis, outre leur sens propre , une signification longtemps inaperçue, orientée vers l'avenir, prospective. Mais bien des passages des Écritures résistaient à cette transfiguration et se réduisaient à leur sens obvie, qui paraissait souvent cru ou indigent. Or, la Bible étant la parole de Dieu, rien de choquant, rien même d'insignifiant ne devait s'y rencontrer. On allait donc recourir à la méthode qui s'était formée et affinée dans l'explication d'Homère.

C'est avec Origène que l'on trouve, pour la première fois, le souci d'organiser un système cohérent d'exégèse allégorique appliquée à l'Écriture. Avec des nuances et des exceptions, cette méthode d' interprétation va devenir le bien commun de l'exégèse des Pères de l'Église. À leurs yeux, puisque la Bible est la parole de Dieu, tout en elle devait avoir un sens – et un sens digne de son auteur. Réciproquement, tout ce qui avait un sens, toute connaissance utile à l'homme devait être contenu dans la Bible. Il s'ensuivait deux corollaires. En premier lieu, l'Écriture comprenait deux niveaux de signification : le « sens littéral » et le « sens spirituel ». Dans les cas d'absurdité ou d'inconvenance, le sens littéral n'avait pas de consistance propre et n'était qu'une pure allégorie ; ailleurs, et le plus souvent, le sens littéral avait sa vérité autonome, mais, en outre, il était l'allégorie d'un sens plus profond. Ainsi Abraham avait réellement eu deux femmes, qui lui avaient donné deux fils. C'étaient là des faits historiques que ni saint Paul ni les Pères ne mettaient en doute, mais c'étaient, en outre, les allégories de réalités infiniment plus importantes : les relations de l'ancienne et de la nouvelle alliance. En second lieu, tout ce qu'il y avait de vrai et d'utile dans les enseignements des philosophes – sur Dieu, sur l'univers, sur le bien et le mal – devait se[...]

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Écrit par

  • : docteur ès lettres, professeur à l'Université libre de Bruxelles

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Pour citer cet article

Hervé SAVON. EXÉGÈSE ALLÉGORIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • ALLÉGORIE

    • Écrit par , , , , et
    • 11 594 mots
    • 5 médias
    Mais c'est évidemment le Nouveau Testament qui donne sa caution à cette étrange aventure spirituelle qu'est l'exégèse allégorique. La typologie de saint Paul a présenté l'Ancien Testament comme un message destiné aux chrétiens, et les paraboles évangéliques ont donné l'exemple d'une présentation...
  • CORAN (AL-QURĀN)

    • Écrit par et
    • 13 315 mots
    • 1 média
    ...aux idées venant du shī‘isme. Un commentaire comme celui d'al-Tustarī (mort en 283/896) s'appuie sur l'opposition entre ẓāhir et bāṭin (historia/allegoria). Environ mille versets, sur six mille deux cents que compte le Coran, sont traités selon cette méthode. Mais l'exégèse allégorique ne se limite...
  • MOYEN ÂGE - La pensée médiévale

    • Écrit par
    • 22 212 mots
    ...sens littéral et le présuppose, avant d'être lui-même subdivisé – conformément à la doctrine des « quatre sens de l' Écriture » (H. de Lubac) – en sens allégorique (les choses de l'« ancienne loi » signifient celles de la loi nouvelle), moral (les choses réalisées dans le Christ ou dans ce qui signifie...
  • PHILOLOGIE

    • Écrit par
    • 4 795 mots
    • 1 média
    ...information sur l'auteur et les circonstances de la genèse de l'œuvre, jugement qualitatif sur celle-ci. Cependant, très tôt, se posa la question de la pluralité possible des sens : d'où une tendance à l' exégèseallégorique, en particulier chez les stoïciens hellénistiques.
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