ÉVANGILES
Les évangiles se rangent parmi les œuvres littéraires qui font connaître et valoir le fondateur d'une religion, tels les gathas (Zarathoustra), les écrits manichéens (Mani) ou le Coran (Mahomet). Toutefois, « ils ouvrent et forment à eux seuls une variété nouvelle à laquelle rien ne ressemble » (L. de Grandmaison). Selon leur genre, ils ne s'apparentent pas à la littérature des « mémoires » (Socrate, par Xénophon) ou des « vies » édifiantes (Plutarque) ou romanesques (Apollonius de Tyane) : « Ils ne visent pas directement à retracer la biographie d'un héros, mais à susciter la foi du lecteur en Jésus » (G. Bornkamm). Si, par exemple, la littérature bouddhique raconte la vie de Śakyamuni, « le meilleur des hommes », « l'Éveillé » qui, ayant enseigné la voie de la délivrance, déclare enfin : « Soyez à vous-même votre propre lumière », les évangiles ont une prétention autre ; ils n'indiquent pas seulement la voie à suivre, mais annoncent la « bonne nouvelle » du salut en Jésus-Christ, l'homme unique, la lumière éternelle en qui les hommes voient la lumière. Les évangélistes eux-mêmes sont des écrivains uniques : ce ne sont pas des auteurs dans le genre de Platon rédigeant l'Apologie de Socrate, ils ne prétendent pas davantage, comme le Coran, transmettre une autobiographie miraculeusement dictée par Dieu au Prophète, ils disent en paroles humaines la Parole même de Dieu.
Les textes évangéliques
Dans leur texte grec original, le seul que nous possédions, les évangiles reconnus officiellement comme canoniques par l'Église dès le iie siècle s'étendent sur 319 pages du texte grec de l'édition Nestle (petit format), ou encore 194 pages de la « Bible de Jérusalem » (petit format) : autrement dit, c'est un livre de poche. Pour en établir le texte, les critiques disposent, selon les données de K. Aland, de 43 papyrus datant ordinairement du iie siècle au ive siècle et de 130 manuscrits « majuscules » rédigés avant le ixe siècle, pour ne point parler des nombreux témoins postérieurs à cette date, ni des versions en latin, syriaque, copte, arménien, etc.
Une telle richesse s'avère extraordinaire si, en comparaison de ces milliers de témoins, on examine la situation des auteurs classiques de l'Antiquité. Ainsi, sur les cinquante manuscrits d'Eschyle, aucun n'est complet ; de Sophocle, sept seulement sur cent ont valeur indépendante ; de Tacite, on n'en connaît qu'un seul reproduisant une grande partie des Annales ; les trois de Catulle dérivent d'un archétype du xive siècle ; Euripide, Cicéron, Ovide et Virgile sont plus favorisés puisqu'on en possède quelque cent témoins. Qu'est-ce toutefois en comparaison des innombrables textes évangéliques ? D'autre part, l'antiquité de ceux-ci est remarquable si l'on songe qu'une centaine d'années seulement s'écoule entre la rédaction définitive du quatrième évangile et l'édition complète qu'en offre le papyrus Bodmer II (publié en 1956), alors que l'écart est pour Virgile de quatre siècles, pour Platon de treize, pour Démosthène de douze, pour Euripide de seize.
Si, en raison du grand nombre de témoins, la quantité des variantes textuelles est considérable, une vingtaine seulement méritent considération dans les évangiles : Matth., ix, 34 ; xii, 47 ; xvi, 2-3 ; xvii, 21 ; xviii, 11 ; xxi, 44 ; Marc, vii, 16 ; xv, 28 ; xvi, 9-20 ; Luc, xxii, 19b-20 ; xxii, 43-44 ; xxii, 62 ; xxiii, 17 ; xxiii, 34 ; xxiv, 12 ; xxiv, 40 ; xxiv, 51 ; Jean, v, 3b-4 ; vii, 53 à viii, 11. Aucune, sinon Luc, xxii, 19b-20, n'intéresse vraiment la substance du message. La condition du texte évangélique est donc excellente, même si l'on ne peut en assurer sans discussion la teneur verbale en tous points.[...]
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Écrit par
- Xavier LÉON-DUFOUR : professeur d'exégèse biblique au centre Sèvres, Paris
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