Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ENCÉPHALOPATHIES SPONGIFORMES

La nature des agents transmissibles non conventionnels

Deux grandes séries d'hypothèses ont été envisagées par la communauté scientifique : les hypothèses dites « virales » et les hypothèses dites « protéiques ». Bien que les théories protéiques ne puissent pas expliquer l'ensemble des observations et des résultats expérimentaux, la présence d'un virus conventionnel est considérée comme hautement improbable par la majorité des scientifiques. Néanmoins, des particules d'allure pseudovirales ont été observées dans les cerveaux des hamsters infectés par l'agent de la tremblante et dans le cerveau de patients atteints de maladie de Creutzfeldt-Jakob : ces particules ont un diamètre de 10 à 12 nm, ce qui est compatible avec les résultats de l'appréciation de la taille des unités infectieuses obtenus par ultrafiltration.

La présence de souches distinctes d'ATNC pose un certain nombre de problèmes et milite plutôt en faveur d'une étiologie virologique classique. Ce phénomène de souche est caractérisé par la reproductibilité d'un certain nombre de paramètres lors des passages successifs chez un même hôte : temps d'incubation, signes cliniques, neuropathologie, distribution spatio-temporelle de la PrP, propriétés physico-chimiques de l'agent, transmissibilité. La PrP est spécifique de l'hôte : pour expliquer le phénomène de souche dans une optique protéique, il faudrait admettre qu'une même protéine PrP puisse adopter de nombreuses conformations stables et que ces conformations puissent se transmettre d'un animal à l'autre, y compris par voie orale.

La grande majorité des données de la biologie moderne va dans le sens d'une composition quasi exclusivement protéique de l'agent transmissible (cf. encadré). Le concept de prion a été proposé par Stanley B. Prusiner. Dans cette hypothèse, les ESST seraient la conséquence d'une transconformation de la protéine PrP conduisant à l'accumulation de la protéine anormale dans le système nerveux central. Le facteur initiateur de cette anomalie est post-transcriptionnel, et résulterait de la possibilité d'interaction protéine/protéine entre une molécule de PrPc et une molécule de PrPres : la formation d'un tel hétérodimère PrPc/ PrPres aurait pour conséquence la transmission du caractère pathologique de la PrPres à la PrPc, c'est-à-dire la transconformation de la molécule de PrPc en PrPres. Une fois la conversion obtenue, chacun des monomères anormaux pourrait interagir avec d'autres molécules de PrPc et assurer leur transconformation. Le processus de transconformation par hétérodimérisation serait ainsi d'allure autocatalytique à l'échelon de la population de molécules de PrP, conduisant alors à l'accumulation de PrPres, donc à la mort neuronale. Récemment, grâce à l'utilisation de souris « knock-out » reconstituées avec des transgènes PrP humains ou murins, les auteurs américains ont montré que l'infection nécessitait aussi la présence de facteurs cellulaires capables d'interagir avec la protéine PrPres de l'inoculum : ces facteurs sont probablement d'origine protéique et pourraient assurer des fonctions de chaperonne (« protéine X »).

J.-P. Liautard a proposé, au début des années 1990, que les ESST étaient des maladies des protéines chaperonnes ; partant de la constatation que deux chaperonnes différentes pouvaient induire des conformations différentes du même polypeptide d'une part, et que, d'autre part, une protéine pouvait être sa propre chaperonne, il a proposé que la PrP pourrait être sa propre chaperonne : lorsqu'elle est mal repliée (PrPres), elle oriente le repliement de la protéine native vers des structures identiques riches en feuillets bêta, et donc à fort potentiel d'agrégation[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Dominique DORMONT. ENCÉPHALOPATHIES SPONGIFORMES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Protéine du prion - crédits : Encyclopædia Universalis France

Protéine du prion

Encéphalopathie spongiforme bovine (E.S.B.) : l'épizootie - crédits : Encyclopædia Universalis France

Encéphalopathie spongiforme bovine (E.S.B.) : l'épizootie

Encéphalopathies spongiformes subaiguës - crédits : Encyclopædia Universalis France

Encéphalopathies spongiformes subaiguës

Autres références

  • BARRIÈRE D'ESPÈCE, épidémiologie

    • Écrit par Jeanne BRUGÈRE-PICOUX
    • 694 mots

    Toute maladie infectieuse résulte d'une contamination microbienne de l'organisme affecté par cette maladie. Ce dogme épidémiologique n'a jamais été mis en défaut depuis les recherches dont Robert Koch et Louis Pasteur ont été les protagonistes.

    La méthodologie scientifique...

  • DÉCOUVERTE DU PRION

    • Écrit par Gabriel GACHELIN
    • 365 mots

    On doit au neurologue américain Stanley Ben Prusiner (né le 28 mai 1942) la découverte d’une classe d'agents infectieux responsable de maladies neurodégératives, les prions. Sa publication princeps décrivant les prions paraît dans la revue Science en 1982. Cette mise au jour vaut...

  • DÉMENCE

    • Écrit par Raymond ESCOUROLLE, Universalis, Joël GREGOGNA
    • 5 189 mots
    ...mais l'importance de cette dernière dans la variété occipitale d'Heidenhaim (démence avec cécité et myoclonies) est à l'origine des discussions concernant les rapports avec l'encéphalopathie spongiforme subaiguë de Jones et Nevin. Le rôle des lésions thalamiques a été souligné dans certains cas.
  • FARINES ANIMALES

    • Écrit par Alain BLOGOWSKI
    • 4 470 mots
    • 3 médias
    La maladie de la « vache folle » (ou E.S.B.) est incurable chez les bovins. Les premiers cas ont été officiellement rapportés en 1986 au Royaume-Uni. Cette maladie s'est ensuite déclarée en France (premier cas détecté en février 1991) et dans plusieurs pays de l'Union européenne, allant même jusqu'au...
  • Afficher les 10 références

Voir aussi