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DEGAS EDGAR (1834-1917)

« Illustre et inconnu » (1886-1917)

La célébrité

Degas exposa très irrégulièrement après 1886. Or, paradoxalement, sa réputation, qui n'avait cessé de grandir, ira en s'amplifiant : en 1911, le legs du comte Moïse de Camondo fait entrer au Louvre un considérable ensemble de ses peintures et de ses pastels et, un an plus tard, lors de la vente Rouart, ses Danseuses à la barre (1876-1877, The Metropolitan Museum, New York), étaient achetées par Durand-Ruel pour le collectionneur américain H. O. Havemeyer pour la somme considérable de 435 000 francs. Cela laissait le peintre relativement indifférent : seul le passionnait le travail en cours, travail qu'il mena tant que ses forces le lui permirent. Sa vue baissait, il avançait en âge. Certes il ne manquait pas de soutien, moins dans sa famille que chez des amis fidèles. S'il coupa toute relation avec ses très chers Halévy (et avec Pissarro) à l'occasion de l'affaire Dreyfus, où il prit le parti de l'armée, il conserva en revanche des liens étroits avec le sculpteur Paul-Albert Bartholomé, ou avec la famille de l'industriel Henri Rouart, qui collectionnait ses œuvres depuis longtemps. Le dernier dessin de Degas précisément daté est de 1903, mais il est probable qu'il n'est pas le dernier à avoir été exécuté par le peintre. Celui-ci a dû définitivement interrompre son travail plus tard, en 1912, lorsque la maison qu'il habitait depuis 1890 et où était situé son atelier fut démolie, ce qui l'obligea à déménager. Il en fut moralement très éprouvé, et cessa alors sans doute tout travail, son état physique de plus en plus déclinant jusqu'à sa mort, en 1917, restreignant progressivement son activité.

Pastels, sculptures, photographies

<it>Danseuses bleues</it>, E. Degas - crédits :  Bridgeman Images

Danseuses bleues, E. Degas

Les années 1890 et le début des années 1900 avaient toutefois été fort productives, moins dans la recherche de nouveaux thèmes que dans celle de nouvelles formes, y compris dans des techniques antérieurement expérimentées. Degas, qui aime reprendre des compositions antérieures (Jockey blessé, vers 1896-1898, Kunstmuseum, Bâle) continue à peindre ou à dessiner scènes de courses, danseuses, blanchisseuses, repasseuses, modistes et femmes au bain. La seule véritable nouveauté réside dans les paysages exécutés en 1890-1892, qui, quoique fondés sur l'observation de sites reconnus par Degas lors de voyages ou de séjours de vacances, ont été faits en atelier, de souvenir : « Vous ne reproduisez que ce qui vous a frappé, c'est-à-dire le nécessaire », aurait dit Degas à leur sujet. « Là vos souvenirs et votre fantaisie sont libérés de la tyrannie qu'exerce la nature. » Il s'y manifeste une tendance certaine à l'abstraction. Les pastels de Danseuses russes que l'on peut dater de 1899 en sont un autre exemple : Degas en parlait comme de ses « orgies de couleur », et il est vrai qu'il en joue dans l'absolu, pour elles-mêmes, et plus seulement dans le souci d'un rendu strictement réaliste. Le trait, qui subsiste, au moins dans la construction et la composition des formes, tend en même temps à s'effacer devant le volume procuré par la matière colorée. Degas utilise ainsi beaucoup le pastel, mais pratique également durant ces années la peinture à l'huile, contrairement à ce que pensaient nombre de ses contemporains.

Il sculpte encore, il lithographie (Après le bain, sa dernière estampe, est datée de 1891-1892), mais c'est une technique nouvelle pour lui, la photographie, qui concentre son attention dans les années 1895-1900. Ce domaine ne lui était pas étranger, et depuis longtemps : il avait ainsi été profondément marqué par les publications d'Eadweard Muybridge, dont Animal Locomotion, en 1887, est à la source de nombreux dessins et sculptures. Mais c'est vers 1895 que la photographie prend pour lui une importance considérable[...]

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Écrit par

  • : ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-IV-Sorbonne

Classification

Pour citer cet article

Barthélémy JOBERT. DEGAS EDGAR (1834-1917) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

<em>La Leçon de danse</em>, E. Degas
 - crédits : Courtesy National Gallery of Art, Washington

La Leçon de danse, E. Degas

L'Orchestre de l'Opéra, E. Degas. - crédits : AKG-images

L'Orchestre de l'Opéra, E. Degas.

Mélancolie, E. Degas - crédits : AKG-images

Mélancolie, E. Degas

Autres références

  • DEGAS ET LE NU (exposition)

    • Écrit par Robert FOHR
    • 1 084 mots
    • 2 médias

    La place éminente qu'occupe la représentation du nu dans l'œuvre d'Edgar Degas (1834-1917) a fait l'objet pour la première fois, au musée d'Orsay à Paris (du 13 mars au 1er juillet 2012), d'une exposition conçue par George T. M. Shackelford, alors conservateur au Museum...

  • EDGAR DEGAS ET LE SPECTACLE - (repères chronologiques)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 622 mots

    1868 Degas expose au Salon, pour la première fois, une scène de ballet : Portrait de Mlle Eugénie Fiocre : à propos du ballet « La Source » (the Brooklyn Museum, New York). Le tableau, qui n'évoque d'ailleurs que très lointainement la scène, n'obtient que peu d'écho....

  • PETITE DANSEUSE DE QUATORZE ANS (E. Degas)

    • Écrit par Barthélémy JOBERT
    • 218 mots

    La Petite Danseuse de quatorze ans (National Gallery, Washington), unique sculpture exposée par Edgar Degas (1834-1917) de son vivant (à la sixième exposition impressionniste, en 1881) est l'une de ses œuvres les plus importantes. Elle reprend en effet un sujet abordé depuis longtemps par l'artiste...

  • CASSATT MARY (1844-1926)

    • Écrit par Universalis
    • 536 mots
    • 3 médias

    L’artiste américaine Mary Cassatt, connue pour ses tableaux et ses gravures, fit partie du groupe des impressionnistes et travailla à Paris et dans ses environs. Elle prit pour sujet presque exclusivement des femmes et des enfants.

    Fille d’un banquier, elle naît le 22 mai 1844 à Allegheny City...

  • ENCADREMENT DES ŒUVRES, histoire de l'art occidental

    • Écrit par Adrien GOETZ
    • 2 362 mots
    ...Proust (1913), aurait pensé que « sans le cadre, la peinture perd cent pour cent ». Le cadre est le signe de l'achèvement de l'œuvre. Pour Degas, « le cadre est le maquereau de la peinture ; il la met en valeur mais ne doit jamais briller à ses dépens ». Degas, refusant les cadres dorés...
  • ESPACE, architecture et esthétique

    • Écrit par Françoise CHOAY, Universalis, Jean GUIRAUD
    • 12 347 mots
    • 4 médias
    Le Degas des derniers dessins est presque aveugle. Mais plus les objets distants lui échappent, plus s'impose à lui la proximité de son corps. C'est au travers de ses articulations qu'il restitue celles du réel. Ses dessins n'expriment pas ce qu'il voit, mais ce qu'il éprouve et ce qu'il souffre ; non...
  • IMPRESSIONNISME

    • Écrit par Jean CASSOU
    • 9 484 mots
    • 32 médias
    ...intestines du groupe constate tout d'abord qu'elles sont dues à des différences de tempérament et croit devoir distinguer la plus vive de ces différences en la personne de Degas. Celui-ci s'est toujours montré réticent devant l'opinion générale du groupe, réfractaire à ses plans et ses intentions. Peut-être...
  • Afficher les 14 références

Voir aussi