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PHILOSOPHIQUES SYSTÈMES

Dans tous les domaines de la pensée, de la production et de l'action, les systèmes répondent à l'exigence rationnelle d'unité et de cohérence. Les difficultés propres aux systèmes philosophiques tiennent à ce que, la philosophie ne formant pas un corps unifiable de doctrines, l'exigence de rationalité s'y divise en une pluralité de systèmes irréductibles et même contradictoires dans leurs structures, leur teneur et leur sens. Œuvre de raison, la philosophie est énigme ou scandale pour la raison, qui s'y oppose à elle-même. D'où l'idée de certains historiens de la philosophie, qui, pour respecter à la fois la rationalité et les conflits de la pensée philosophique, ont fondé les principes et les règles de leur discipline sur la notion de système. L'examen de leurs intentions et de leurs méthodes permet une analyse exhaustive de la notion de système philosophique, la mise en évidence des points sur lesquels surgissent divergences ou conflits relatifs à la systématicité en philosophie, et, conjointement, l'appréciation de la teneur et des enjeux de ces débats, où la raison rencontre d'une manière ou d'une autre ses propres limites.

L'aporie

« Un système n'est autre chose que la disposition des différentes parties d'un art ou d'une science dans un ordre où elles se soutiennent mutuellement, et où les dernières s'expliquent par les premières. » La définition de Condillac permet d'apercevoir les principaux débats qui opposent les philosophes sur la systématicité en philosophie :

– Une intention philosophique doit-elle nécessairement s'accomplir en système ? ou bien, pour mener à terme son intention philosophique, la raison doit-elle s'effacer devant un autre mode de connaissance ? La philosophie relève-t-elle, en définitive, d'une pensée discursive ou d'une pensée intuitive ?

– Un système philosophique est-il un système de connaissances, ou bien le système du monde ? L'ordre et la connexion du système sont-ils simplement un ordre des raisons ? ou doivent-ils suivre ou reproduire aussi l'ordre et la connexion des êtres ? À une conception idéaliste des systèmes philosophiques, on peut opposer une conception réaliste.

Ce n'est pas tout, les philosophes se contredisent également :

– sur les principes qui doivent fonder la pensée philosophique ;

– sur la loi interne de développement du système, les méthodes et les démarches qui permettent de passer des principes à leurs conséquences, d'en garantir la validité, et d'en assurer la cohérence ;

– enfin, sur les fins ou le sens du système de la connaissance philosophique.

Ces débats ne sont pas tranchés. Aucune réponse définitive n'a pu être établie quant aux déterminations fondamentales de la systématicité en philosophie, chaque système appelant et justifiant sa propre systématicité, à moins que ce ne soit l'inverse. La notion de système philosophique n'est pas univoque, et la systématicité philosophique n'est pas simple forme, séparable de son contenu. Tous les systèmes n'accordant pas même pouvoir aux mêmes formes logiques, ils s'opposent sur la logique même. Les contradictions des philosophes sur la notion de système renvoient donc aux contradictions entre leurs systèmes, et la question des questions, quant aux systèmes philosophiques, est celle de leur irréductible multiplicité, de leurs contradictions ; celle de la vérité en philosophie, ni plus ni moins.

Ces contradictions, qui placent le sens commun dans une perplexité inextricable, posent au philosophe la question de l'existence de fait des philosophies, de l'histoire de la philosophie, qui se présente comme un problème inévitable et insoluble : une aporie. Sans doute, les philosophes ont souvent été tentés de la traiter expéditivement,[...]

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Pour citer cet article

Jacques MOUTAUX. PHILOSOPHIQUES SYSTÈMES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • HEGEL GEORG WILHELM FRIEDRICH (1770-1831)

    • Écrit par Jacques d' HONDT, Yves SUAUDEAU
    • 11 852 mots
    • 1 média
    ...différenciation s'effectue par dérivation dialectique, le résultat, ou le produit, ne peut être qu'une sorte d'organisme spirituel, actif en son identité. Le philosophe ne sait l'exprimer que discursivement et abstraitement dans une forme fixe, immobile et articulée : une sorte d'exposition spatiale de ce...
  • PHÉNOMÉNOLOGIE DE L'ESPRIT, Georg Wilhelm Friedrich Hegel - Fiche de lecture

    • Écrit par Francis WYBRANDS
    • 800 mots
    • 1 média
    ...immédiate à la plus complexe, de la « certitude sensible » au « savoir absolu ») ne sont que les moments d'un processus total, englobant, qui, seul, est vrai. Cette totalité est à penser en tant que « système » – « le savoir n'est effectif et ne peut se trouver présenté que comme science ou comme système » –...
  • RATIONALISME

    • Écrit par Gilles Gaston GRANGER
    • 7 634 mots

    Le mot rationalisme, en son sens large, ne désigne pas vraiment une doctrine, comme les mots « idéalisme » « réalisme » ou « empirisme ». Sans doute peut-on en fixer certains traits pour constituer, en un sens étroit, le contenu d'une doctrine qui s'oppose alors à l'...

  • SPINOZA BARUCH (1632-1677)

    • Écrit par Robert MISRAHI
    • 12 159 mots
    • 1 média
    C'est pourquoi le concept de Nature n'est pas suffisant. Le Dieu, c'est-à-dire le monde spinoziste, est un système logique, structuré de telle sorte qu'il puisse effectivement rendre compte du réel. À la limite, on dirait volontiers que le système spinoziste de la Nature est une axiomatique, c'est-à-dire...

Voir aussi