- 1. Deux modèles : Burckhardt, Guizot
- 2. Le monogramme de sociabilité et sa manifestation
- 3. Civilisation et culture littéraire : le vulgaire « illustre »
- 4. Civilité et relativité culturelle. Le pacte social
- 5. Ordre politique, Lumières et « Kultur »
- 6. La civilisation conçue comme actualisation de la culture
- 7. L'exemple de l'art
- 8. Rayonnement et « agalma »
- 9. Le for intérieur du social, foyer latent du rayonnement des civilisations
- 10. Origine de la brillance
- 11. Bibliographie
CULTURE Culture et civilisation
Ordre politique, Lumières et « Kultur »
Au regard de Hobbes, la satisfaction que l'individu trouve dans la société ne consacre pas la jouissance de certains biens, mais l'assurance d'en pouvoir éventuellement disposer. Ainsi entre l'impulsion et le pouvoir politique n'y a-t-il pas incompatibilité. Le désir de puissance s'est converti en une puissance garante du désir – à la limite la puissance de l'État – et la rationalité du pacte traduit cet accord.
On ne saurait donc s'étonner de rencontrer, dans la postérité de Hobbes, un précurseur des Lumières en la personne de Pufendorf. Son originalité est d'envisager la culture en tant que processus, disons plus simplement l'acculturation, en une position intermédiaire entre l'exigence originelle de socialisation et l'organisation effective de la société. Au départ est donnée l'impulsion de l'homme à vivre en société. Non qu'il s'agisse d'une tendance à l'association quasi instinctive, selon la conception de l'appetitus societatis de Grotius (Prolégomènes du De jure belli et pacis, 1625). C'est de la carence de l'individu qu'est issue sa propension à s'assurer du concours d'autrui. Cette impulsion trouve dans la perfectibilité de la nature, c'est-à-dire dans l'acculturation, ses moyens de réalisation. Et grâce au développement de la culture, les virtualités de l'existence sociale s'accomplissent en des organisations sociales qui garantissent à leur tour, rétroactivement, l'expansion de la culture – pacte social et institutions politiques. Déjà, le groupe familial a rendu possible une transformation de la vie naturelle : « La vie était susceptible d'une certaine acculturation (écrit Pufendorf dans le De officio hominis, 1672) chez des hommes vivant en des familles isolées » (Paulo cultior vita potuit esse inter eos qui in familiis segregibus degebant). Mais cette vie ne peut être assimilée à l'existence dans un État : « Ici règnent la raison, la paix, la sécurité, la propriété, la sociabilité, l'élégance, la science, la bienveillance, les agréments et les commodités. » Dans cette promotion de la culture, l'usage de la monnaie, en particulier, joue un rôle important.
L' État apparaît donc comme le garant de pérennité d'un ordre « civil » protecteur, voire incitateur, du développement de la « culture », c'est-à-dire de la production, de la circulation et de la représentation de choses échangeables. De là, trois ordres de problèmes, appelés à commander l'évolution ultérieure des concepts. En premier lieu, la fonction de l'État étant diversifiée, comme le montrait déjà Bodin, au gré des contraintes naturelles ou sociales, on pourra se demander à quel titre ou sous quels rapports ses vicissitudes relèvent du processus de « civilisation », et non pas de la sphère de la culture. Corrélativement, dans la mesure même où les normes qu'il instaure se trouveraient imputées à la culture, l'État est dessaisi de son statut idéal et de son rôle suprême de régulation, comme l'avait été l'amour universel dans le modèle théologique de Dante. Une réflexion critique devra donc intervenir conjointement sur la relativité du processus de « civilisation », et des processus de culture. Mais nous venons de passer subrepticement de l'ordre « civil » à la « civilisation », de même que nous avons accepté de traiter dans sa généralité de la culture, sans nous préoccuper de la genèse et de l'évolution des termes. Les travaux de Lucien Febvre et de Niedermann, au premier chef, suffisent à nous avertir de leur importance quant à l'élaboration même des concepts.
Un siècle après Pufendorf, la philosophie écossaise retient encore le principe de la fonction[...]
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Écrit par
- Pierre KAUFMANN : professeur honoraire de philosophie à l'université de Paris-X-Nanterre
Classification
Médias
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