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ACCULTURATION

Formé à partir du latin ad, qui exprime le rapprochement, le terme acculturation a été proposé dès 1880 par les anthropologues nord-américains. Les Anglais lui préfèrent celui de cultural change (moins chargé de valeurs ethnocentriques liées à la colonisation : Malinowski), les Espagnols celui de transculturation (F. Ortiz), et les Français l'expression d'interpénétration des civilisations. Mais le vocable nord-américain finit par s'imposer.

Le mot acculturation a d'ailleurs été pris en deux sens différents. D'une part, en psychologie sociale, il désigne le processus d'apprentissage par lequel l'enfant reçoit la culture de l'ethnie ou du milieu auquel il appartient (il vaudrait mieux, pour éviter toute ambiguïté avec le second sens, appeler ce phénomène « enculturation », ou socialisation). D'autre part, en anthropologie culturelle, il désigne les phénomènes de contacts et d'interpénétration entre civilisations différentes (c'est le sens ici retenu).

Ainsi, l'acculturation est l'étude des processus qui se produisent lorsque deux cultures se trouvent en contact et agissent et réagissent l'une sur l'autre. Les principaux processus étudiés ont été ceux de conflits, d'ajustement  et de syncrétisation, d'assimilation ou de contre-acculturation, qui peuvent être mis en rapport avec les processus sociologiques de compétition, d'adaptation et d'intégration, tout en étant parfois distincts. L'acculturation a été étudiée selon des points de vue différents ; ceux de l'anthropologie culturelle, de la psychologie sociale, de la sociologie ou anthropologie sociale. Aujourd'hui, les recherches tendent à se cantonner dans le domaine de l'acculturation planifiée.

Ce sont les historiens qui, les premiers, ont mis en lumière les phénomènes de contacts et d'interpénétrations des civilisations ; mais les historiens s'attachent aux faits, dans leurs singularités propres, sans aboutir à des concepts généraux, que seule la méthode comparative peut permettre d'élaborer. Malheureusement, la sociologie, qui aurait pu fournir cette conceptualisation, parce que née de la Révolution de 1789 et de l'avènement de la société industrielle, s'orientait alors dans d'autres voies ; il a fallu attendre la constitution d'une ethnologie scientifique pour qu'une théorie des contacts entre civilisations différentes puisse naître. À partir de F. Boas (1858-1942), puis de l'École des cercles culturels au début du xxe siècle, une grande place est donnée, dans cette science naissante, aux phénomènes de diffusion, c'est-à-dire aux passages d'un trait culturel (forme de flèche, thèmes de mythes, etc.) d'une culture à une autre. Mais la diffusion constate, après coup, ce qui résulte des échanges vécus ; restait encore à étudier ces échanges en tant que réalités « en train de se faire ». « Le contact culturel, écrit Fortes, ne doit pas être regardé comme le transfert d'un élément d'une culture à une autre, mais comme un processus continu d'interactions entre groupes de cultures différentes. » Le terme d'acculturation a été inventé justement pour désigner cet ensemble d'interactions réciproques, dans leurs déroulements et leurs effets. Le Memorandum de Redfield, Linton et Herskovits (1936) le définit comme l'« ensemble des phénomènes qui résultent du contact direct et continu entre des groupes d'individus de cultures différentes avec des changements subséquents dans les types culturels de l'un ou des autres groupes ». Ainsi, c'est l'anthropologie dite culturelle, valorisant la notion de « culture » au détriment de celle de « société », qui prend en charge dès le début l'étude des faits d'acculturation. De là un certain nombre de limites : l'absence de comparaison[...]

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Écrit par

  • : professeur honoraire à l'université de Paris-I

Classification

Pour citer cet article

Roger BASTIDE. ACCULTURATION [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Candomblé - crédits : Jan Sochor/ Latincontent/ Getty Images

Candomblé

Autres références

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