Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

FEBVRE LUCIEN (1878-1956)

Lucien Febvre - crédits : AGIP/ Bridgeman Images

Lucien Febvre

Auteur d’une œuvre considérable, Lucien Febvre a acquis une place centrale dans l’histoire des sciences sociales du xxe siècle en raison surtout de ses engagements collectifs. Historien moderniste, il s’est engagé dans sa discipline, dans les sciences sociales, dans son temps. Animateur et créateur de revues, il a été un « entrepreneur culturel ». Historien « de plaisir et de désir », il avait de son métier une conception très ambitieuse, assignant à l’historien la tâche d’agir sur son époque, sans compromis et sans compromission de l’histoire à « une cause », libre donc, afin de mieux comprendre, à partir d’une connaissance large du passé, le présent, mais aussi les drames à venir. Ses interventions, dans la Revue de synthèse dès 1905, puis dans les Annales d’histoire économique et sociale dès 1929, ne se réduisent ni à des querelles de méthode ni à des controverses d’école ; elles ont été et sont encore autant de propositions concrètes et positives qui ont ouvert et ouvrent de nombreuses voies pour la recherche historique et les sciences sociales.

Un historien enraciné et engagé

Né le 22 juillet 1878 dans la France de l’Est restée française, à Nancy où son père enseignait la grammaire, Lucien Febvre a toujours valorisé ses racines franc-comtoises. Camarade d’Albert Thomas et d’Henri Wallon à l’École normale supérieure, il est agrégé d’histoire en 1903, puis pensionnaire de la fondation Thiers. Il commence alors ses travaux sur la Franche-Comté, qui aboutiront en 1911 à la publication de sa thèse, Philippe II et la Franche-Comté. Étude dhistoire politique, religieuse et sociale. Il publie une monographie sur la Franche-Comté (1912, édition revue en 1920) et consacre de nombreux essais à des figures comtoises, les Granvelle ou Proudhon.

Nommé professeur d’histoire de la Bourgogne et de l’art bourguignon à l’université de Dijon en 1914, il est appelé, après quatre années de guerre, à rejoindre l’université de Strasbourg, où il devient en 1919 titulaire de la chaire d’histoire moderne. Après plusieurs tentatives infructueuses, il est élu à la chaire d’histoire de la civilisation moderne du Collège de France (1933) et s’installe à Paris, mais ne quitte pas le Jura, où il acquiert une résidence secondaire à Saint-Amour, dans laquelle il finira ses jours en 1956.

L’expérience décisive de la guerre, qu’il a vécue dans les tranchées, l’incite à radicaliser le combat contre « l’histoire traditionnelle » dite « historisante » (celle de Charles Seignobos par exemple) et à privilégier la « synthèse historique » (prônée par Henri Berr), en prolongeant celle-ci par une nouvelle conception scientifique de la discipline, placée au cœur des sciences sociales et organisée autour de la notion d’« histoire-problème ». Pour Febvre, l’histoire ne commence pas dans les archives, mais avec la formulation d’un problème le plus souvent identifié dans le présent, à partir duquel l’historien construit ses hypothèses et qui déterminera son enquête dans les archives ou les autres ressources documentaires. En 1920, inaugurant sa nouvelle chaire à l’université de Strasbourg reconquise, il dénonce l’asservissement de l’histoire à toute cause nationaliste ou idéologique et plaide pour une connaissance du passé au service d’une meilleure compréhension du présent. Lucien Febvre considère que l’histoire traverse une crise, non seulement morale, mais aussi d’identité, constituante de la crise plus générale du monde moderne, engendrée par les formes nouvelles de la représentation (art abstrait, fin de la perspective), par une nouvelle conception de la science (théorie de la relativité et physique quantique) et par les conséquences de la Première Guerre mondiale.

Le génie de Febvre est d’avoir compris le sens de cette crise et de lui avoir apporté[...]

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

Classification

Pour citer cet article

Bertrand MÜLLER. FEBVRE LUCIEN (1878-1956) [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Lucien Febvre - crédits : AGIP/ Bridgeman Images

Lucien Febvre

Autres références

  • ANACHRONISME, histoire

    • Écrit par Olivier LÉVY-DUMOULIN
    • 1 413 mots
    ...aurait raison de critiquer plus sévèrement un anachronisme dans les sentiments et dans les pensées que dans les dates » (De l'Allemagne, t. 2, 1810). Lucien Febvre en donne la théorie dans Le Problème de l'incroyance au XVIe siècle, la religion de Rabelais (1942) ; l'ouvrage, qui sape la thèse...
  • ANNALES ÉCOLE DES

    • Écrit par Bertrand MÜLLER
    • 3 324 mots
    • 1 média

    Dans le paysage historiographique contemporain, les Annales représentent l'école historique par excellence. Le label désigne en effet à la fois une communauté scientifique, un programme et une fidélité entre générations qui caractérisent bien un courant intellectuel. Celui-ci a son ...

  • BLOCH MARC (1886-1944)

    • Écrit par Bertrand MÜLLER
    • 2 129 mots
    • 1 média

    Consacrée à l’histoire des économies et des sociétés médiévales, l’œuvre de Marc Bloch a connu à partir des années 1980 une étonnante inflexion propulsant au premier rang ses écrits et ses témoignages sur les deux guerres mondiales. Historien du Moyen Âge, Marc Bloch est en quelque sorte devenu analyste...

  • BRAUDEL FERNAND (1902-1985)

    • Écrit par Bertrand MÜLLER
    • 2 404 mots
    • 1 média
    De retour en France, ses relations intellectuelles deviennent plus étroites avec l’école des Annales, en particulier Lucien Febvre avec qui il entame une correspondance suivie. Il est nommé dès 1937 à la IVe section de l’École pratique des hautes études (EPHE), mais la guerre interrompt son...
  • Afficher les 23 références

Voir aussi