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CANAUX IONIQUES

Bien que la possibilité d'une forme d'énergie électrique intervenant dans le fonctionnement du système nerveux ait déjà été évoquée par Newton dans ses Principia mathematica en 1713, il faut attendre la fin du xviiie siècle pour que Luigi Galvani montre que la contraction du muscle gastrocnémien de grenouille peut être provoquée par la mise en contact du nerf sciatique avec la moelle épinière, et ce sans aucun contact avec d'autres éléments susceptibles de générer un courant électrique. Cette expérience fondatrice de l'électrophysiologie montre que « l'électricité animale » capable d'activer les muscles est directement présente dans l'organisme. Contrairement à ce que pensait Galvani, pour lequel le générateur de cette activité électrique était le cerveau, c'est en fait la pompe à sodium (Na+), la Na/K ATPase, présente dans chacune de nos cellules, qui est responsable de la création d'un gradient de charges de part et d'autre de la membrane plasmique. L'origine de l'énergie électrique responsable des potentiels d'action nerveux devient donc cellulaire. Il a ensuite fallu attendre, après la Seconde Guerre mondiale, les travaux pionniers d'Hodgkin et Huxley sur l'axone géant de calmar pour que ces affaissements explosifs et transitoires de la barrière de perméabilité membranaire aux ions soient clairement attribués à des entités moléculaires ayant une existence propre. Il s'agit de pores sélectifs aux ions, capables de s'ouvrir dans la membrane en réponse à des signaux très variés : les canaux ioniques. Grâce aux techniques de patch-clamp, de purification des protéines, et de biologie moléculaire, les connaissances concernant ces véritables prodiges d'ingénierie biologique ont alors progressé de façon exponentielle.

Protéines responsables des gradients ioniques transmembranaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Protéines responsables des gradients ioniques transmembranaires

Comme nous venons de le rappeler, la Na/K ATPase utilise l'énergie fournie par l'hydrolyse de l'ATP pour expulser activement les ions Na+ du cytoplasme et accumuler en contrepartie les ions K+ dans les espaces intracellulaires (fig. 1). Du fait de l'activité de cette pompe à sodium, les cellules peuvent donc être comparées à de petites batteries électriques, dont le potentiel est régulé de façon extrêmement fine. Pour ce faire, les cellules disposent des canaux ioniques, qui sont des protéines membranaires capables, lorsqu'ils sont ouverts, de laisser passer avec une très grande efficacité les ions selon leur gradient de concentration. De façon simplifiée, la valeur de ce potentiel membranaire est déterminée à chaque instant par l'état d'ouverture des différents canaux présents dans la membrane. Dans les organismes complexes, les différents types cellulaires sont capables, selon les stimuli externes, de reprogrammer en quelques millisecondes la valeur de leur potentiel de membrane, par la modulation de l'état d'ouverture de leurs canaux. Ce phénomène est responsable de fonctions physiologiques vitales, comme le fonctionnement du système nerveux, la rythmicité des battements cardiaques ou encore la sécrétion de certaines hormones, par exemple l'insuline. De plus, des ions tels que le calcium, dont les variations de concentration dans les cellules sont finement contrôlées par des canaux et des transporteurs spécifiques, ont un rôle important en tant que « seconds messagers ». En effet, le calcium ionisé a de très nombreux effets sur la signalisation cellulaire notamment via l'activation de la calmoduline, de kinases, de phosphatases, de l'adénylate cyclase, ou encore d'autres canaux. Le présent article donne un aperçu de nos connaissances sur le fonctionnement et la structure des canaux ioniques équipant les différents types cellulaires, mais le lecteur se reportera, pour ce qui concerne les conséquences pathologiques des dysfonctionnements canalaires à l'article [...]

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Écrit par

  • : docteur, maître de conférences, université de Nice-Sophia-Antipolis
  • : chargée de recherche au C.N.R.S., laboratoire Transport ionique, aspects normaux et pathologiques, université de Nice-Sophia Antipolis

Classification

Pour citer cet article

Laurent COUNILLON et Mallorie POËT. CANAUX IONIQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Protéines responsables des gradients ioniques transmembranaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Protéines responsables des gradients ioniques transmembranaires

Canaux et transporteurs membranaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Canaux et transporteurs membranaires

Courants unitaires enregistrés en patch - crédits : Encyclopædia Universalis France

Courants unitaires enregistrés en patch

Autres références

  • ABSORPTION VÉGÉTALE

    • Écrit par René HELLER, Jean-Pierre RONA
    • 4 440 mots
    • 6 médias
    ...vis-à-vis des ions peuvent être augmentées par la présence de canaux (ions, eau) et de transporteurs de nature protéique (uniports, symports, antiports). Les canaux ioniques sont des pores membranaires qui laissent passer les ions dans le sens de leur gradient électrochimique. De nombreuses familles sont...
  • AQUAPORINES

    • Écrit par Pierre LASZLO
    • 2 344 mots
    En outre, l'existence de canaux transmembranaires pour la traversée d'ions tels que le sodium et le potassium, déterminants entre autres de l'influx nerveux qui se propage le long des neurones, était bien établie. Ces canaux, ainsi que des pompes à protons H+ contrôlant l'acidité cellulaire,...
  • AUDITION - Acoustique physiologique

    • Écrit par Pierre BONFILS, Yves GALIFRET, Didier LAVERGNE
    • 14 809 mots
    • 17 médias
    La première indication concernant la localisation des canaux potassium à l'extrémité des stéréocils a été fournie par Hudspeth (1982) sur les cellules ciliées du saccule de Grenouille. Avec une très fine tige de verre, il provoquait l'inclinaison des cils et recueillait le potentiel de récepteur avec...
  • BIOCHIMIE

    • Écrit par Pierre KAMOUN
    • 3 880 mots
    • 5 médias
    ...présence sur la membrane cellulaire de récepteurs spécialisés (par exemple, le récepteur pour le glutamate, qui est un acide aminé neuroexcitateur) ou de canaux ioniques. La pathologie (par exemple, l'anomalie du canal chlore dans la mucoviscidose) ou la thérapeutique (les modificateurs de canaux calciques...
  • Afficher les 21 références

Voir aussi