Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

CANAUX IONIQUES

Les mécanismes moléculaires du fonctionnement des canaux ioniques ; le cas du canal potassique KcsA

Modélisation du canal KcsA - crédits : Encyclopædia Universalis France

Modélisation du canal KcsA

Pour transporter les ions à des vitesses impressionnantes (de l'ordre de la centaine de millions d'ions par seconde et par canal), les canaux doivent être capables de leur proposer un cheminement où la barrière énergétique due à l'hydrophobicité des phospholipides membranaires est fortement abaissée. Parallèlement, les canaux sont capables d'être très sélectifs pour les ions qu'ils transportent. Ils ne peuvent donc pas être de simples pores, mais doivent posséder un dispositif permettant, pour une dépense énergétique minimale, de trier sélectivement les ions.

L'analyse de la structure du canal potassique procaryote KcsA, l'un des deux seuls canaux pour lesquels nous disposons d'informations structurales à haute résolution, a permis récemment d'élucider, pour un canal cationique, les bases moléculaires de ces caractéristiques remarquables.

Comme nous pouvons le voir sur la fig. 7a, la majeure partie du pore du canal KcsA est constituée d'un vestibule tapissé de résidus hydrophobes, qui communique librement avec les espaces intracellulaires. Pour des raisons que nous ne détaillerons pas ici, la diffusion des ions potassium hydratés est thermodynamiquement et électrostatiquement facilitée vers l'intérieur de ce vestibule. Les ions s'accumulent alors dans une poche située près de la sortie du canal. Ce dispositif permet donc aux ions de traverser la quasi-totalité du plan de la membrane, sans se heurter à la barrière énergétique constituée par la partie hydrophobe des lipides. Parallèlement, la sélectivité du canal est assurée par la boucle connectant les deux segments transmembranaires de chacune des quatre sous-unités. Cette boucle, ou domaine P, est retrouvée presque à l'identique dans tous les canaux potassiques, et des structures similaires sont très probablement présentes dans les autres canaux cationiques. Comme cela est indiqué sur la figure 7b, les quatre domaines P (un par monomère) sont positionnés de façon que les régions GTG (succession des acides aminés Glycine, Tyrosine, Glycine dans la chaîne polypeptidique) de chaque domaine P soient situés face à face, et forment ainsi le filtre de sélectivité du canal. Le tunnel formé par l'association de quatre régions GTG est tapissé par les atomes d'oxygène des groupements C = O de la chaîne polypeptidique, qui sont à la distance optimale pour se substituer aux atomes d'oxygène de l'eau associés aux ions potassiques, et ainsi les déshydrater. Une fois dans le filtre de sélectivité, les ions cheminent de proche en proche jusqu'à la sortie du canal par répulsion électrostatique. L'efficacité de ce dispositif tient à l'extrême précision de la géométrie de coordination des ions potassiques déshydratés, assurée par l'association optimale des quatre domaines P. Les autres cations, comme les ions sodium, ont un diamètre différent, et leur prise en charge par le filtre de sélectivité est thermodynamiquement défavorisée, à tel point qu'environ un seul ion sodium passe par le canal pour 100 000 ions potassium transportés.

— Laurent COUNILLON

— Mallorie POËT

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : docteur, maître de conférences, université de Nice-Sophia-Antipolis
  • : chargée de recherche au C.N.R.S., laboratoire Transport ionique, aspects normaux et pathologiques, université de Nice-Sophia Antipolis

Classification

Pour citer cet article

Laurent COUNILLON et Mallorie POËT. CANAUX IONIQUES [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Protéines responsables des gradients ioniques transmembranaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Protéines responsables des gradients ioniques transmembranaires

Canaux et transporteurs membranaires - crédits : Encyclopædia Universalis France

Canaux et transporteurs membranaires

Courants unitaires enregistrés en patch - crédits : Encyclopædia Universalis France

Courants unitaires enregistrés en patch

Autres références

  • ABSORPTION VÉGÉTALE

    • Écrit par René HELLER, Jean-Pierre RONA
    • 4 440 mots
    • 6 médias
    ...vis-à-vis des ions peuvent être augmentées par la présence de canaux (ions, eau) et de transporteurs de nature protéique (uniports, symports, antiports). Les canaux ioniques sont des pores membranaires qui laissent passer les ions dans le sens de leur gradient électrochimique. De nombreuses familles sont...
  • AQUAPORINES

    • Écrit par Pierre LASZLO
    • 2 344 mots
    En outre, l'existence de canaux transmembranaires pour la traversée d'ions tels que le sodium et le potassium, déterminants entre autres de l'influx nerveux qui se propage le long des neurones, était bien établie. Ces canaux, ainsi que des pompes à protons H+ contrôlant l'acidité cellulaire,...
  • AUDITION - Acoustique physiologique

    • Écrit par Pierre BONFILS, Yves GALIFRET, Didier LAVERGNE
    • 14 809 mots
    • 17 médias
    La première indication concernant la localisation des canaux potassium à l'extrémité des stéréocils a été fournie par Hudspeth (1982) sur les cellules ciliées du saccule de Grenouille. Avec une très fine tige de verre, il provoquait l'inclinaison des cils et recueillait le potentiel de récepteur avec...
  • BIOCHIMIE

    • Écrit par Pierre KAMOUN
    • 3 880 mots
    • 5 médias
    ...présence sur la membrane cellulaire de récepteurs spécialisés (par exemple, le récepteur pour le glutamate, qui est un acide aminé neuroexcitateur) ou de canaux ioniques. La pathologie (par exemple, l'anomalie du canal chlore dans la mucoviscidose) ou la thérapeutique (les modificateurs de canaux calciques...
  • Afficher les 21 références

Voir aussi