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MOSAN ART

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L'art mosan est né sur une Lotharingie réduite, après la dislocation de l'Empire carolingien, au bassin de la Meuse et de la Moselle. La Haute-Lorraine avait pour centres spirituels Verdun et l'abbaye de Gorze, qui joua au xie siècle dans la réforme monastique et la résistance à l'émiettement féodal un rôle comparable en influence civilisatrice à celui de Cluny. La Basse-Lorraine, ou Lothier, coïncide avec le vaste évêché de Liège qui, défendu par les Ardennes au sud, s'étend jusqu'à Aix-la-Chapelle et la haute vallée de la Sambre, et se prolonge vers Cologne, Utrecht et la mer du Nord. Sous Richard de Saint-Vanne (1004-1046), le monastère de Saint-Vanne à Verdun était déjà devenu un atelier de toreutique, d'orfèvrerie et d'émaillerie éclipsant celui de Trèves. Sous l'épiscopat de Notger à Liège (972-1008), qui fait émettre ses monnaies au type du buste impérial, renaît une culture classique, d'accent proprement mosan, placée sous le mot d'ordre d'humanitas. Alors qu'à Orléans, sous Robert le Pieux, s'allument les premiers bûchers des manichéens cathares, l'évêque Wazon (mort en 1031) condamne la répression des hérétiques par la violence et Gozechin, qui enseigna à Mayence, salue Liège du titre d'« Athènes du Nord ». L'écolâtre Alger écrit un Liber de justitia et misericordia sur le thème de la tempérance de la Justice par la Pitié, dont la dialectique annonce l'interprétation allégorique du Jugement dernier sur les staurothèques, ou reliquaires de la Vraie Croix, du troisième quart du xiie siècle (trésor de l'église Sainte-Croix de Liège, au Petit Palais de Paris, aux Cloisters de New York et au Victoria and Albert Museum de Londres). L'hellénisme de l'art mosan se définit dès les ivoires dits « aux petites figures » du milieu du xie siècle (Crucifixion de Notre-Dame de Tongres et des musées royaux de Bruxelles ; les trois Résurrection de la cathédrale de Liège). Comme la plaque qui représente la Majesté du Christ et la repentance de Notger (musée Curtius, Liège), ils prolongent les ivoires de la seconde école de Metz, avec un sens exquis du corps humain et des jetés de draperie plus gracieux. Autour des fonts baptismaux en laiton de Renier de Huy (1107-1118) les scènes sont rythmiquement distribuées, sans division architecturale, avec un sens tout classique pour les intervalles calmes et la mise en place harmonieuse des figures sur l'espace-fond, comme dans les meilleurs ivoires du second âge d'or byzantin et comme dans les enluminures de l'Évangéliaire d'Egbert à Trèves. L'esprit de la frise ionique y revit. La pureté et la concision du dessin, une introspection qui libère la figure de l'homme de son écrasement par le divin et subsume le transcendantal dans l'autonomie des rapports entre le corps et l'âme, marquent encore les émaux exécutés par Godefroid de Huy pour l'abbaye de Stavelot (médaillons conservés au musée des Arts décoratifs de Francfort-sur-le-Main et dans la collection von Hirsch à Bâle). Ces traits, qui seront ceux de l'art gothique dans sa période préscolastique, passeront dans la sculpture française (à Saint-Remi de Reims, vers 1170, puis sur le portail du Jugement dernier de la cathédrale de Laon) par l'intermédiaire de Reims, qui fut la métropole religieuse de la Belgique seconde, et des monastères de Laon et du Laonnois.

Conjoncture historique

Les premiers manuscrits furent décorés sous le signe de l'amalgame des écoles d' enluminure carolingiennes, soit par la juxtaposition, comme dans les Évangiles de Sainte-Catherine de Maeseyck, du style décoratif transmis par l'Italie et du style abstrait d'origine anglaise (northumbrien), soit par la domination dans les commandes du style tardif de Reims (période de Hincmar,[...]

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Écrit par

  • : professeur émérite, université de Montréal, Kress Fellow, Galerie nationale, Washington, membre de la Société royale du Canada

Classification

Pour citer cet article

Philippe VERDIER. MOSAN ART [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Article mis en ligne le et modifié le 14/03/2009

Autres références

  • EILBERT DE COLOGNE (XIIe s.)

    • Écrit par
    • 369 mots

    Orfèvre colonais, connu par une inscription placée sur la paroi du fond de l'autel portatif provenant du trésor des Guelfes : EILBERTVS COLONIENSIS ME FECIT. En se fondant sur cette inscription et sur des considérations stylistiques, O. von Falke (ainsi que H. Frauberger, Deutsche Schmelzarbeiten...

  • GODEFROY DE HUY (1100 env.-env. 1173)

    • Écrit par
    • 454 mots

    Godefroy de Huy fait partie du tout petit nombre d'orfèvres médiévaux dont le nom a survécu. Le chroniqueur Gilles d'Orval mentionne, dans son ouvrage Gesta pontificum, un certain « Godefroy appedain de Huy à maistre d'orfeivrie, li miedre et li plus expers et subtils ovriers que ons...

  • ROMAN ART

    • Écrit par
    • 20 556 mots
    • 19 médias
    Aux origines du grand art mosan des métaux se trouve un monument universellement admiré, les fonts baptismaux conservés aujourd'hui à Saint-Barthélemy de Liège, mais qui furent exécutés pour l'église Notre-Dame-aux-Fonts, à l'époque de l'abbé Hellin (1107-1118). L'attribution à Renier de Huy ne date...
  • STYLE 1200

    • Écrit par
    • 3 723 mots
    • 1 média
    ...l'art roman ; dès 1118, les fonts baptismaux fondus par Renier de Huy à Liège donnaient un étonnant exemple de formes antiquisantes d'une grande pureté. Vers 1140-1150, l'art de l'émaillerie mosane et rhénane, et notamment l'atelier de Godefroi de Huy, multiplie des œuvres étonnantes de liberté d'invention,...