Abonnez-vous à Universalis pour 1 euro

ART (L'art et son objet) Le faux en art

Premiers faux en peinture

La première falsification en peinture, exécutée avec une nette intention frauduleuse, fut la copie du Portrait de Léon X de Raphaël, réalisée au xvie siècle par Andrea del Sarto pour être offerte à Frédéric II de Gonzague. Elle avait été commandée par le pape Clément VII pour satisfaire le désir du marquis de posséder ce tableau, sans se séparer lui-même du chef-d'œuvre.

C'est au xviie siècle que commence vraiment le trafic des faux tableaux, à une époque où le prestige des maîtres de la Renaissance entraîne une demande accrue de leurs œuvres. Dans le Nord, on se dispute les dessins de Dürer et, dès la fin du xviie siècle, des artistes comme Hans Hofmann en exécutent d'habiles imitations pourvues du monogramme. De son vivant même, Albrecht Dürer avait été victime des faussaires. Sa principale ressource était la vente de ses gravures et, toute sa vie, il dut se défendre contre ces fabrications, allant même jusqu'à entreprendre un voyage à Venise, en 1505, pour faire cesser les contrefaçons de Marcantonio Raimondi. Aujourd'hui, ces copies vénitiennes sont recherchées à l'égal des originaux.

Les critiques d'art de l'époque, Mancini, Baglione, Bellori, Boschini, mentionnent les pratiques des faussaires contemporains. À Venise, ses imitations de Giorgione valent à Piero Vecchia le surnom de « la scimmia [singe] del Zorzon », tandis qu'à Rome Terenzio da Urbino imite à la perfection Raphaël. C'est d'ailleurs à l'occasion d'un de ces faux Raphaël, vendu au cardinal Montalto, que fut créé le mot pastiche (pasticcio), qui, au sens premier, veut dire « mauvais pâté ».

Les contrefacteurs cherchaient déjà à employer des matériaux anciens (vieux bois, vieilles toiles) et à donner à la peinture l'apparence de la vétusté (fumigations, adjonctions de vernis teintés). Ce trafic était facilité par le fait que le commerce d'art était tenu par des peintres ; certains devenaient restaurateurs, et de restaurateur à pasticheur, il n'y a qu'un pas. À Paris, Claude Vignon (1593-1670), Sébastien Bourdon (1616-1671) exercent le métier de marchand, restaurateur et expert. À Venise, c'est un peintre français, Renier, qui tient le marché. À Naples, Luca Giordano (1632-1705), le peintre virtuose, exécute d'extraordinaires pastiches – dont l'un d'Albrecht Dürer –, mais dans une intention de mystification, puisqu'il les signe en caractères minuscules, et parfois à côté d'une fausse signature. En Hollande, Houbraken signale de nombreux pasticheurs, qui n'étaient pas tous des peintres sans renom, par exemple P. Wouwerman (1619-1668). Ces trafiquants font travailler à des tarifs de misère des peintres faméliques, et, dans les milieux néerlandais de Rome ou d'Anvers, on appelle ce triste métier op de galey schilderen, ce qui veut dire « peindre comme un galérien ». C'est pour se défendre contre les contrefaçons que Claude Lorrain (1600-1682) recopiait ses tableaux dans un livre de raison, le Liber veritatis.

La suite de cet article est accessible aux abonnés

  • Des contenus variés, complets et fiables
  • Accessible sur tous les écrans
  • Pas de publicité

Découvrez nos offres

Déjà abonné ? Se connecter

Écrit par

  • : conservateur en chef au musée du Louvre, ancien élève de l'École normale supérieure, professeur à l'université de Paris-III-Sorbonne nouvelle

Classification

Pour citer cet article

Germain BAZIN. ART (L'art et son objet) - Le faux en art [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ANTHROPOLOGIE DE L'ART

    • Écrit par Brigitte DERLON, Monique JEUDY-BALLINI
    • 3 610 mots
    • 1 média

    L’anthropologie de l’art désigne le domaine, au sein de l’anthropologie sociale et culturelle, qui se consacre principalement à l’étude des expressions plastiques et picturales. L’architecture, la danse, la musique, la littérature, le théâtre et le cinéma n’y sont abordés que marginalement,...

  • ART (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 282 mots

    Les liens qui ont longtemps uni l’art et la religion se sont-ils distendus au fil de l’histoire ? L’art s’est-il émancipé de la religion pour devenir une activité culturelle autonome ? Alain (1868-1951) se serait-il trompé en affirmant que « l’art et la religion ne sont pas deux choses,...

  • FINS DE L'ART (esthétique)

    • Écrit par Danièle COHN
    • 2 835 mots

    L'idée des fins de l'art a depuis plus d'un siècle et demi laissé la place à celle d'une fin de l'art. Or, à regarder l'art contemporain, il apparaît que la fin de l'art est aujourd'hui un motif exsangue, et la question de ses fins une urgence. Pourquoi, comment en est-on arrivé là ?

  • ŒUVRE D'ART

    • Écrit par Mikel DUFRENNE
    • 7 938 mots

    La réflexion du philosophe est sans cesse sollicitée par la notion d'œuvre. Nous vivons dans un monde peuplé des produits de l'homo faber. Mais la théologie s'interroge : ce monde et l'homme ne sont-ils pas eux-mêmes les produits d'une démiurgie transcendante ? Et l'homme anxieux d'un...

  • STRUCTURE & ART

    • Écrit par Hubert DAMISCH
    • 2 874 mots

    La métaphore architecturale occupe une place relativement insoupçonnée dans l'archéologie de la pensée structurale qu'elle aura fournie de modèles le plus souvent mécanistes, fondés sur la distinction, héritée de Viollet-le-Duc, entre la structure et la forme. La notion d'ordre, telle que l'impose la...

  • TECHNIQUE ET ART

    • Écrit par Marc LE BOT
    • 5 572 mots
    • 1 média

    La distinction entre art et technique n'est pas une donnée de nature. C'est un fait social : fait qui a valeur institutionnelle et dont l'événement dans l'histoire des idées est d'ailleurs relativement récent. C'est dire qu'on ne saurait non plus considérer cette distinction comme un pur fait de connaissance...

  • 1848 ET L'ART (expositions)

    • Écrit par Jean-François POIRIER
    • 1 189 mots

    Deux expositions qui se sont déroulées respectivement à Paris du 24 février au 31 mai 1998 au musée d'Orsay, 1848, La République et l'art vivant, et du 4 février au 30 mars 1998 à l'Assemblée nationale, Les Révolutions de 1848, l'Europe des images ont proposé une...

  • ACADÉMISME

    • Écrit par Gerald M. ACKERMAN
    • 3 543 mots
    • 2 médias

    Le terme « académisme » se rapporte aux attitudes et principes enseignés dans des écoles d'art dûment organisées, habituellement appelées académies de peinture, ainsi qu'aux œuvres d'art et jugements critiques, produits conformément à ces principes par des académiciens, c'est-à-dire...

  • ALCHIMIE

    • Écrit par René ALLEAU, Universalis
    • 13 642 mots
    • 2 médias
    ...phénomènes perçus par nos sens et par leurs instruments. Cette hypothèse peut sembler aventureuse. Pourtant, le simple bon sens suffit à la justifier. Tout art, en effet, s'il est génial, nous montre que le « beau est la splendeur du vrai » et que les structures « imaginales » existent éminemment puisqu'elles...
  • ARCHAÏQUE MENTALITÉ

    • Écrit par Jean CAZENEUVE
    • 7 048 mots
    ...le succès correspond peut-être à un besoin accru encore par les progrès de la pensée positive et pour ainsi dire en réaction contre elle. D'autre part, on peut trouver dans la vie artistique, sous toutes ses formes, la recherche d'une harmonie entre le subjectif et l'objectif, en même temps qu'un retour...
  • Afficher les 41 références

Voir aussi