GALAXIES
L'observation à l'œil nu d'un ciel constellé d' étoiles montre que celles-ci ne sont pas réparties au hasard : elles tendent à se regrouper en une longue écharpe laiteuse qui parcourt la voûte céleste d'un bord à l'autre de l'horizon, et que nos ancêtres ont appelée la Voie lactée. Les philosophes grecs déjà déclaraient « qu'elle est formée d'astres tout petits et groupés si étroitement qu'ils nous apparaissent ne faire qu'un, en raison de l'intervalle qui sépare la Terre du ciel, comme si on avait répandu une poudre de grains de sel fins et nombreux ». On sait que depuis la fin du xixe siècle que cette trace blanchâtre de faible luminosité, formée de milliards d'étoiles que notre œil ne peut séparer les unes des autres, constitue un système que l'on nomme la Galaxie. Le Soleil, étoile centrale de notre système planétaire, n'est autre que l'une des cent milliards d'étoiles qui composent ce système (cf. la galaxie).
Grâce aux récits des grands voyageurs, on connaissait l'existence dans le ciel austral de deux nébulosités, comme des fragments échappés de la Voie lactée, les Nuages de Magellan (il s'agit de deux petites galaxies compagnes de notre Galaxie). De même, la nébuleuse d' Andromède (M31) était déjà connue des savants arabes dès le xe siècle. L'utilisation de lunettes et de petits télescopes avait permis de détecter dans le ciel la présence d'objets dits nébuleux, par opposition aux étoiles, qui apparaissent comme des points brillants. Le catalogue établi par Charles Messier et d'après lequel sont nommées, entre autres, les galaxies les plus proches telles M31, M51, M81... date, dans sa forme finale, de 1784 ; les catalogues établis par William Herschel datent eux aussi des années 1780. Dès le milieu du xixe siècle, William Parsons découvre une structure spirale dans les galaxies proches M31, M33 et M101. Certaines nébuleuses sont déjà résolues en étoiles, et l'analyse spectrale de la lumière émise par la nébuleuse d'Andromède laisse à penser que cet objet pourrait être un gigantesque amas d'étoiles, conformément à l'hypothèse des « univers-îles », popularisée au milieu du xixe siècle par Alexander von Humboldt. Mais c'est la mise en service, dans les années 1920, de grands télescopes, en particulier sur le mont Wilson, aux États-Unis, qui a permis d'accéder à l'univers des galaxies.
Aujourd'hui, la recherche dans le domaine extragalactique avance à pas de géant. On a accru le nombre et la taille des grands télescopes au sol. On a placé des télescopes en orbite autour de la Terre. On a élaboré et construit des instruments et des récepteurs de plus en plus performants, tant en sensibilité que par l'étendue du domaine de longueur d'onde qu'ils permettent d'explorer. Ces progrès technologiques ont permis une floraison de découvertes inattendues et suscité l'apparition de nouveaux concepts.
La présentation générale des galaxies est d'abord effectuée : elle introduit au problème de la classification morphologique des galaxies et à celui de la détermination de leurs distances.
Dans une seconde partie, on fera ressortir les avancées dans la compréhension du monde extragalactique qui ont été réalisées depuis le début des années 1970.
Classification et nature des galaxies
Les galaxies comprennent de un à cent milliards d'étoiles chacune, et les grands télescopes permettent d'en distinguer des millions sur la sphère céleste. Leurs dimensions varient de quelques dizaines de milliers à quelques centaines de milliers de parsecs. Leurs formes variées (ellipses, spirales, irrégulières) ont conduit à une première classification connue sous le nom de séquence de Hubble.
Ces différences de forme sont en outre corrélées à des différences de population stellaire et à une plus ou moins grande richesse en matière interstellaire. L'étude de la Galaxie et de la proche galaxie d'Andromède montre que leur forme n'est pas immuable. Les forces gravitationnelles qui assurent la cohésion des galaxies conduisent à des systèmes assez lâches, facilement déformables. Les interactions de marée et les phénomènes de coalescence entre galaxies ont probablement joué un rôle important dans l'établissement des formes actuellement reconnues pour ces objets. Il est plausible aussi que la structure des galaxies est liée aux circonstances de leur formation, que n'explique toutefois à l'heure actuelle aucune théorie satisfaisante. Les galaxies naissent-elles par condensation d'une hypothétique matière intergalactique, naissent-elles avec leurs étoiles ou celles-ci sont-elles formées ultérieurement ? Ou bien ont-elles toutes été formées telles qu'on les observe, dans les premiers instants d'un Univers encore très condensé ? On en est toujours réduit à construire des scénarios divers.
Il est possible de mesurer simplement la vitesse radiale des galaxies. On constate alors qu'elles s'éloignent de nous avec une vitesse qui est proportionnelle à leur distance (loi de Hubble). Cette propriété, qui traduit le fait que l'Univers est en expansion, sert de support à toutes les théories cosmologiques actuelles. On a découvert, au centre de certaines galaxies, la présence d'une source intrinsèquement très lumineuse, appelée noyau actif de galaxie. La manifestation la plus extrême, rencontrée dans les quasars, a permis de sonder l'Univers lointain jusqu'à une époque située il y a 12 milliards d'années environ. Les problèmes de l'origine et de l'évolution de l'Univers constituent un chapitre distinct de l'astronomie galactique et extragalactique.
Classification des galaxies
La séquence de Hubble
La première classification des galaxies, qui est encore la plus usitée, repose sur des considérations purement morphologiques. Elle est due à Edwin P. Hubble et distingue trois grands types de galaxies : les galaxies elliptiques, les galaxies spirales et les galaxies irrégulières.
Les galaxies elliptiques ont la forme d'ellipsoïdes plus ou moins aplatis, avec une répartition d'étoiles augmentant vers le centre, mais ne révèlent aucune structure fine. Suivant leur ellipticité, on les qualifie de E0 (les plus sphériques), E1, E2, ..., ou E7 (les plus aplaties).
Les galaxies spirales ont une forme aplatie, la plupart des étoiles brillantes étant concentrées dans un disque peu épais, et suivant des bras qui dessinent des spirales à partir de la région centrale. Au centre des galaxies spirales se trouve une grande concentration d'étoiles, le bulbe. Les galaxies spirales se divisent elles-mêmes en deux branches : les spirales normales (S), dans lesquelles les bras partent directement du bulbe, et les spirales barrées (SB), dont les bras se détachent à l'extrémité d'une « barre » traversant le bulbe. De plus, les galaxies spirales, normales ou barrées, se différencient entre elles par l'importance relative de leur bulbe et de leurs bras et par l'ouverture de ces bras. On distingue ainsi les Sa et SBa, au bulbe important et dont les bras s'enroulent de façon serrée autour du bulbe, les Sc et SBc, au bulbe ténu et aux bras très ouverts et les Sb et SBb, aux propriétés intermédiaires.
Une nouvelle catégorie, les galaxies lenticulaires (S0), a été introduite pour désigner certaines galaxies elliptiques très aplaties possédant un bulbe très lumineux et, parfois, de la matière interstellaire absorbante esquissant l'ébauche d'un disque.
Enfin, dans les galaxies irrégulières, on ne peut mettre en évidence aucun axe de symétrie. Les Nuages de Magellan ont longtemps servi d'archétype des galaxies irrégulières, mais on s'est aperçu, par l'étude de la répartition de l'hydrogène neutre, que le Grand Nuage était en réalité une galaxie spirale déformée par des effets de marée gravitationnelle avec notre Galaxie. Les galaxies irrégulières sont riches en matière interstellaire et en étoiles jeunes.
Parmi les galaxies de grande taille, le type spiral domine nettement. Par exemple, sur six cents galaxies, Hubble avait identifié 17 p. 100 d'elliptiques, 19 p. 100 du type Sa et SBa, 25 p. 100 de Sb et SBb, 36 p. 100 de Sc et SBc et seulement 3 p. 100 d'irrégulières. Cependant, des études ultérieures de l'amas local et d'autres amas de galaxies proches ont montré que cette statistique était faussée par un effet de sélection. Il existe en particulier une classe d'elliptiques naines intrinsèquement peu lumineuses, donc détectables seulement lorsqu'elles sont proches, et dont le nombre semble supérieur à celui de tous les autres types.
Dénombrement des galaxies
La répartition des galaxies sur la voûte céleste n'est pas uniforme. Il apparaît une zone d'absence quasi totale, de ± 200 de part et d'autre de la Voie lactée, due à l'absorption de la lumière par le gaz et la poussière qui constituent la matière interstellaire de la Galaxie : la densité apparente des galaxies augmente donc quand on s'éloigne du plan galactique.
Si l'on corrige cet effet local, on peut montrer que les galaxies se répartissent d'une manière quasi uniforme sur le ciel, et qu'il n'y a accumulation dans aucune direction privilégiée, comme cela se produirait si l'Univers était fini et la Galaxie située dans une position excentrique.
Cependant, à plus petite échelle, on observe que les galaxies sont groupées en amas dans lesquels on peut en dénombrer parfois des milliers. La dimension caractéristique d'un amas de galaxies peut atteindre plusieurs millions de parsecs. Les amas de galaxies sont eux-mêmes regroupés en superamas et semblent s'aligner le long de filaments ou de parois qui isolent des « vides » cosmiques. Cette organisation hiérarchique des structures dans l'Univers reflète très vraisemblablement les conditions physiques qui y régnaient au moment où les galaxies se sont formées, voire lors d'une phase antérieure. On constate également que tous les amas n'ont pas la même composition : les amas riches montrent un échantillonnage complet des différents types de galaxies, mais certains autres amas, très denses, ne contiennent que des galaxies lenticulaires. En général, les galaxies les plus brillantes sont au centre des amas alors que les plus faibles, animées de vitesses plus grandes, restent sur le pourtour. On trouve à nouveau, dans ce phénomène de « décantation », les effets des forces de gravitation. Parmi tous les amas, il faut citer le Groupe local, auquel appartient la Galaxie, et qui est un petit amas d'une vingtaine de galaxies groupées sur 1 000 kiloparsecs (). Il comprend, en plus de la Galaxie et de ses deux galaxies satellites, le Grand et le Petit Nuage de Magellan, deux autres grandes galaxies spirales : Andromède (M 31, de type Sb), avec ses deux satellites M 32 et NGC 205, et la galaxie du Triangle (M 33, de type Sc). Les galaxies irrégulières y sont peu nombreuses (NGC 6 822, dans le Sagittaire, et IC 1 613, dans la Baleine) ; ce sont les elliptiques naines qui dominent, galaxies de petites dimensions, peu riches en étoiles (quelques dizaines de millions) et dépourvues de gaz et de poussière interstellaires. L'étude du Groupe local a révélé ce fait important que, à côté des galaxies géantes, il existait un grand nombre de galaxies naines peu lumineuses. Dans un amas de galaxies distant, ces galaxies naines ne sont pas détectées car nos instruments ne sont pas assez sensibles. Cela rend incertaines les estimations de la masse totale des amas.
Distance des galaxies
La détermination de la distance des galaxies est l'un des problèmes fondamentaux de l'astronomie, sur lequel reposent toutes les théories concernant l'origine et l'évolution de l'Univers. Le principe de cette détermination consiste à se repérer, à mesure que l'on s'éloigne, sur les astres intrinsèquement de plus en plus lumineux et dont on a « étalonné » la magnitude absolue par recoupement avec des objets de même type plus proches (indicateurs de distance).
Pour les galaxies voisines, on se repère d'abord sur les céphéides, qui sont des étoiles variables périodiques. En analysant les céphéides de notre Galaxie, on a pu montrer qu'il existait une relation simple entre la période T et la magnitude absolue M. En admettant que cette loi est valable pour les céphéides des autres galaxies, une simple mesure de la période d'une céphéide et de sa magnitude apparente m fournira le « module de distance » : m — M = 5 lg d — 5, qui est une expression de la distance réelle d.
Cette étude des céphéides a fourni la distance des galaxies proches et a permis de vérifier que les autres étoiles les plus brillantes dans différentes galaxies ont une magnitude absolue identique. Il en est de même des grandes régions de matière interstellaire excitée par des étoiles jeunes (régions H II). L'observation de ces régions H II sert alors à déterminer la distance des galaxies plus éloignées, jusqu'à l'amas de la Vierge (2,3 Mpc). Au-delà, on s'appuie sur d'autres indicateurs de distance, comme les novae, supernovae et amas globulaires. Plus loin encore, on repère dans chaque amas de galaxies les galaxies elliptiques les plus brillantes, et l'on admet qu'elles ont la même magnitude absolue dans tous les amas. Là encore, le module de distance m — M fournira la distance de l'amas.
La loi de Hubble
Une fois décomposé, le rayonnement émis par une galaxie montre l'ensemble des raies, en absorption et en émission, des étoiles et du gaz qui composent cette galaxie. En absorption, on y observe, par exemple, les raies H et K du calcium, le triplet vert du magnésium et les raies D du sodium (spectre solaire) ; en émission, on retrouve souvent les raies de l'hydrogène ionisé, de l'oxygène une ou deux fois ionisé, de l'azote et du soufre une fois ionisé et, dans le domaine millimétrique, des raies de la molécule CO. La mesure du déplacement de ces raies par rapport à celles d'une source au repos ( effet Doppler-Fizeau) permet de déterminer la vitesse radiale dont est animée la galaxie.
Les premières mesures de vitesses radiales de galaxies montrèrent que la quasi-totalité étaient des vitesses d'éloignement (correspondant donc à un décalage vers le rouge). Cela fut vérifié par Edwin P. Hubble et Milton Humason pour des galaxies beaucoup plus lointaines, en portant sur un graphique la magnitude apparente de la dixième galaxie de différents amas en fonction du logarithme du décalage spectral.
Puis, en comparant la valeur de ces vitesses radiales avec la distance des galaxies, mesurée à l'aide des indicateurs de distance décrits précédemment, Hubble montra qu'il y avait proportionnalité entre ces deux quantités : plus une galaxie est lointaine, et plus sa vitesse d'éloignement est grande. Cela se traduit par la loi de Hubble, qui peut s'écrire, quelle que soit la direction de visée, V = Hd, où V est la vitesse radiale, d la distance et H une constante nommée constante de Hubble.
Généralement, V est exprimée en kilomètres par seconde et d en mégaparsecs (106 parsecs). On admet que H est compris entre 50 et 75 km . s—1 . Mpc—1. La loi de Hubble permet ainsi de déterminer la distance d'une galaxie dès lors que l'on connaît sa vitesse radiale, aisée à obtenir à partir du spectre du rayonnement émis par la galaxie. Cette détermination des distances repose sur une hypothèse à vérifier, à savoir que la loi de Hubble, démontrée pour des galaxies relativement proches, reste vraie pour les galaxies plus lointaines, et jusqu'aux confins de l'Univers observable. La théorie de la relativité indique également que, lorsque la vitesse de récession approche la vitesse de la lumière, la formule classique de l' effet Doppler-Fizeau doit être modifiée. Il est alors difficile de déterminer les distances de ces galaxies très lointaines sans faire appel à un modèle d'Univers. Par ailleurs, la loi de Hubble n'est pas applicable aux galaxies du Groupe local et des amas très voisins, car la vitesse d'agitation, correspondant au mouvement propre de chaque galaxie à l'intérieur de son amas, peut être alors du même ordre de grandeur que celle qui est due à la récession. (Les vitesses d'agitation des galaxies à l'intérieur d'un amas sont de l'ordre de 100 km/s.)
Revenons sur le fait que la mesure des distances des galaxies repose sur la détermination de la relation période-luminosité des céphéides. En effet, cette détermination est délicate, ce qui a entraîné plusieurs révisions successives de l'échelle de distance. La première valeur de H trouvée par Hubble était de 600 km ( s—1 ( Mpc—1 ; on réduisit une première fois cette valeur à 200 km ( s—1 ( Mpc—1 ; les travaux de Allan Sandage et de Gérard de Vaucouleurs la situent à une valeur comprise entre 50 et 75 km ( s—1 ( Mpc—1.
La loi de Hubble conduit à l'image simple d'un Univers en expansion depuis son origine, le big bang, il y a quelque 15 milliards d'années.
Nature et structure des galaxies
La matière intergalactique
L'espace situé entre les galaxies n'est sans doute pas parfaitement vide. On sait déjà qu'au voisinage d'une galaxie peuvent se trouver quelques amas globulaires gravitationnellement indépendants, ayant échappé à l'attraction des galaxies.
Mais le problème le plus important est de savoir s'il existe ou non une matière gazeuse et de la poussière dans l'espace intergalactique et, dans l'affirmative, quelles en sont les densités. Il est évident qu'un tel gaz, même extrêmement raréfié, pourrait représenter une masse totale égale ou même supérieure à celle de l'ensemble des galaxies et, par là, modifier considérablement les idées sur l'évolution de l'Univers.
Les travaux de Fritz Zwicky ont été les premiers à apporter un élément de réponse : l'existence de matière intergalactique ne fait aucun doute. La démonstration de Zwicky repose sur le fait suivant : si l'on procède au comptage des galaxies et des amas très éloignés vus au travers d'un grand amas proche, on s'aperçoit que la courbe présente un maximum au centre de l'amas, correspondant aux galaxies de l'amas lui-même, mais que ce maximum se trouve au milieu d'une zone où la densité apparente des galaxies est inférieure à la moyenne ; ce fait peut être expliqué si l'on admet qu'il existe une matière absorbante à l'intérieur de l'amas, qui provoque une diminution de la magnitude apparente des galaxies situées à l'arrière-plan.
Au cours des années 1980, la détection du rayonnement X des amas de galaxies a révélé de façon directe la présence d'un gaz chaud intergalactique. Cette matière ténue portée à quelques dizaines de millions de degrés est enrichie en éléments lourds puisqu'on y observe des raies du fer. Elle correspond sans doute au mélange du résidu du gaz primordial à partir duquel l'amas de galaxies a été formé et de la matière éjectée par les galaxies dans leurs phases de formation stellaire intensive ; en effet, lors de ces phases, de très nombreuses étoiles massives sont formées, produisant en grande quantité des supernovae qui soufflent alors dans l'espace intergalactique les éléments lourds qu'elles ont synthétisés. Bien que la densité de cette matière chaude soit extrêmement faible, le volume qu'elle emplit, et qui représente le volume occupé par un amas de galaxies, est énorme. Il est donc certain que la matière intergalactique représente une part de la masse cachée de l'Univers.
Une autre forme de matière que l'on peut dire intergalactique est constituée par les « ponts » qui relient certaines paires de galaxies. Ces « ponts de matière » ont été étudiés en détail par Zwicky et Boris Vorontzov-Velyaminov. Ils sont constitués par des étoiles et du gaz qui ont été arrachés à leur galaxie d'origine par suite de l'attraction gravitationnelle d'une galaxie voisine (effet de marée).
Étude physique des galaxies
Les galaxies se différencient entre elles par leur forme, comme le traduit la séquence de Hubble. Mais elles se distinguent aussi les unes des autres par d'autres caractéristiques. En particulier, Herbert R. Morgan a montré qu'il y a une relation très nette entre la forme d'une galaxie et sa population stellaire telle qu'elle peut être déterminée à partir du spectre d'ensemble de la galaxie. Il a proposé une nouvelle classification reposant sur cette propriété.
Comme dans la Galaxie, les étoiles de différents types ne sont pas réparties de la même manière. Walter Baade a divisé les astres en deux grandes populations : la population I, qui comprend des étoiles chaudes, O, B, des céphéides, des supernovae de type II, ainsi que les grands nuages de matière interstellaire, brillants ou obscurs ; la population II, formée des étoiles de type avancé, les supernovae de type I, RR Lyrae, amas globulaires, etc.
La population I ne se rencontre que dans les galaxies spirales, où elle se trouve concentrée au voisinage du plan de symétrie, particulièrement dans les bras, et dans les galaxies irrégulières, où elle est prédominante. Au contraire, la population II constitue l'ensemble des galaxies elliptiques, mais se trouve aussi dans les spirales où elle forme le noyau et le bulbe, ainsi qu'un ensemble à symétrie à peu près sphérique autour du disque, le halo. Il semble exister une transition continue entre les types de galaxies de Hubble si l'on considère l'importance de la population I, mais il est encore impossible d'affirmer qu'il s'agit là d'un phénomène évolutif et de relier la composition d'une galaxie à son âge. D'autant plus que les interactions gravitationnelles entre galaxies peuvent venir brouiller un scénario aussi simple.
L'étude du spectre des galaxies met en évidence leur rotation sur elles-mêmes. Si l'on place la fente d'un spectrographe parallèlement au grand axe d'une galaxie vue par la tranche, les régions situées d'un côté du centre se rapprochent de l'observateur alors que celles qui sont situées de l'autre côté s'en éloignent. Il en résulte un décalage des raies spectrales vers le bleu pour les premières régions, vers le rouge pour les secondes. Autrement dit, les raies obtenues seront inclinées, et cette inclinaison permettra de calculer la vitesse de rotation de la galaxie. Pour les petites galaxies, la méthode ne peut s'appliquer qu'aux régions les plus brillantes, c'est-à-dire proches du noyau. Pour les grosses galaxies, il est en revanche possible de mesurer indépendamment la vitesse radiale en différents points du grand axe et d'obtenir ainsi la variation de la vitesse de rotation en fonction de la distance au centre. Cette méthode optique est complétée par l'étude de la raie à 21 centimètres de l'hydrogène neutre : on peut également mesurer par effet Doppler-Fizeau la vitesse radiale des différents nuages d'hydrogène neutre et construire la courbe de rotation donnant la vitesse en fonction de la distance au centre, avec une précision généralement meilleure que celle qui est donnée par la méthode optique. On utilise également les raies moléculaires issues des nuages de matière interstellaire qui émaillent le disque des galaxies spirales.
Les courbes de rotation des différentes galaxies spirales sont toutes assez semblables à celles de la Galaxie. En partant du centre, on peut distinguer trois régions où la courbe a un caractère particulier.
Près du centre (jusqu'à 1 kpc environ), le mouvement de rotation est difficile à mettre en évidence. Il s'y superpose d'autres mouvements d'expansion et de turbulence. Cependant, dans la galaxie d'Andromède, on a démontré la rotation très rapide d'une petite région (une dizaine de parsecs) située juste au centre, et identifiée avec le noyau.
Ensuite, jusqu'à une distance au centre égale environ au tiers du rayon de la galaxie, la vitesse linéaire croît proportionnellement à la distance au centre, c'est-à-dire que la vitesse angulaire reste constante.
Enfin, dans les régions les plus extérieures, la vitesse linéaire décroît généralement comme 1/r et correspond à une vitesse angulaire en 1/r2.
Ces deux lois de variations s'expliquent aisément à l'aide de la théorie de la gravitation. Dans les régions extérieures, les étoiles décrivent autour du centre de la galaxie une orbite régie par les lois de Kepler, la majeure partie de la masse des galaxies étant concentrée dans les régions centrales. En revanche, dans les régions plus proches du centre, on ne pourra plus supposer la masse attractive comme très concentrée. Les étoiles graviteront suivant une loi plus complexe que la loi de Kepler, la vitesse dépendant de la masse située entre le noyau et l'orbite de l'étoile, c'est-à-dire augmentant avec la distance au centre. On voit donc que la rotation d'une galaxie sur elle-même ne s'effectue pas comme celle d'un corps solide. La galaxie se déforme tout en tournant, et ses régions centrales tournent plus vite que ses parties extérieures.
L'intérêt des courbes de rotation est très grand, car elles permettent de déterminer les masses des galaxies. On peut par exemple appliquer la loi de Kepler aux étoiles situées à la périphérie de la galaxie en supposant la masse très concentrée au voisinage du noyau. Cette méthode s'applique aussi aux courbes de rotation de l'hydrogène neutre, obtenues à partir de l'étude de la raie à 21 centimètres. L'intensité de cette raie fournissant la masse totale d'hydrogène neutre, il est alors possible d'étudier, pour les différents types de galaxies, le rapport entre la masse de la matière interstellaire et celle des étoiles.
Les masses ainsi trouvées pour les galaxies varient de quelques milliards à quelques centaines de milliards de masses solaires, une grande dispersion de valeurs existant à l'intérieur de chaque type de galaxies.
Les courbes de rotation observées dans certaines galaxies spirales indiquent que la vitesse linéaire peut rester constante jusqu'à des distances du centre au-delà de 10 kiloparsecs. La masse alors impliquée pour la galaxie devient très élevée, jusqu'à dix fois supérieure à celle qui correspond à son contenu en étoiles visibles et matière interstellaire. On parle alors de matière cachée : une forme de matière dont on détecte les effets gravitationnels, mais que l'on ne voit pas directement.
Radiogalaxies et quasars
Les radiogalaxies
Certaines galaxies, environ une sur dix mille, présentent une émission radioélectrique de plusieurs ordres de grandeur supérieure à celle de la Galaxie ou de la galaxie d'Andromède.
De nombreuses études ont été consacrées à ces émissions, dont la nature n'est pas totalement élucidée. Du point de vue de leur aspect visible, les radiogalaxies sont souvent des galaxies elliptiques ou S0 présentant une ou plusieurs particularités : épaisse bande d'absorption, comme dans NGC 5128 ou Fornax, jet lumineux partant du centre, comme dans M 87, éjection de matière, comme dans M 82, etc.
Dans le domaine des ondes radioélectriques, une caractéristique commune à beaucoup de radiogalaxies est d'apparaître comme des sources doubles : l'émission radioélectrique ne provient pas de la galaxie visible, mais de deux grand lobes situés de part et d'autre et distants d'environ 100 kiloparsecs.
On pense que ces lobes sont le résultat de l'éjection de matière lors d'un événement particulier se produisant au sein du noyau de la galaxie. Lors de cet événement, un grand nombre d'électrons sont accélérés jusqu'à des vitesses relativistes et émettent un intense rayonnement radioélectrique par effet synchrotron (émission de freinage dans un champ magnétique). La durée de vie de ces radiosources serait de l'ordre de quelques millions d'années seulement, mais une série d'événements pourraient se succéder dans chaque galaxie. En particulier, si l'événement est très récent, les deux sources ainsi générées n'ont pas eu le temps de s'éloigner l'une de l'autre et toute l'émission radioélectrique provient du centre de la galaxie. Cette théorie est appuyée par le fait qu'une telle activité du noyau a été effectivement observée dans la galaxie M 82, et que les galaxies de Seyfert, dans lesquelles le noyau manifeste des signes d'activité particulièrement intense, sont aussi des radiogalaxies.
Les quasars et les noyaux actifs de galaxies
Des galaxies d'un nouveau type ont été découvertes en 1963 grâce à leur émission radioélectrique. Elles sont impossibles à distinguer des étoiles sur les clichés du ciel, d'où leur nom de quasars (abrégé de quasi stellar radio sources). Dans le domaine des ondes radio, elles se caractérisent par une émission très intense provenant d'une région très localisée au centre de la galaxie, et dont l'intensité fluctue dans le temps. Dans le domaine visible, elles sont en moyenne cent fois plus lumineuses que les galaxies normales et présentent aussi des variations. Elles sont également de puissants émetteurs de rayonnements γ, X et ultraviolet.
Grâce à cette luminosité intrinsèque très élevée, il est possible de les détecter à des distances bien plus grandes que les autres galaxies. Leur spectre présente toujours d'intenses raies d'émission qui permettent de déterminer leur décalage spectral. Les valeurs trouvées pour certains quasars sont supérieures à celles des plus lointaines galaxies normales connues. La valeur de z = Δλ/λ peut prendre des valeurs supérieures à l'unité. Mais on ne peut plus appliquer la formule classique de l'effet Doppler-Fizeau, car il faut tenir compte d'effets relativistes et d'effets d'évolution de l'Univers.
On arrive à des formules différentes suivant les hypothèses choisies, ce qui ne permet pas de déduire sans ambiguïté la valeur de la vitesse radiale de la mesure du décalage spectral. De plus, la relation entre vitesse radiale et distance donnée par la loi de Hubble peut très bien n'être plus valable pour des objets si lointains. Les quasars les plus distants ont une valeur de z voisine de 4,5. Les quasars posent enfin de nombreux problèmes très intéressants à ceux qui veulent expliquer leur origine, leur évolution, l'énorme quantité d'énergie qu'ils émettent et les variations de leurs émissions radio, visible, ultraviolette, X et γ (cf. radiosources et quasars).
On admet aujourd'hui que cette énergie est d'origine gravitationnelle et le modèle le plus fréquemment considéré est celui d'un trou noir massif accrétant la matière située dans son environnement.
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Écrit par
- Danielle ALLOIN : directeur de recherche au C.N.R.S.
- André BOISCHOT : astronome titulaire à l'Observatoire de la Côte d'Azur
- François HAMMER : astronome de première classe à l'Observatoire de Paris
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Voir aussi
- GAZ INTERSTELLAIRE
- AMAS DE GALAXIES
- GALAXIES LENTICULAIRES
- GAZ INTERGALACTIQUE
- INTERGALACTIQUE MILIEU
- GROUPES DE GALAXIES
- SUPERAMAS DE GALAXIES
- NUAGE INTERSTELLAIRE
- SUPERNOVAE
- ASTROPHYSIQUE
- GROUPE LOCAL
- COSMOGONIE ou ÉTUDE DE LA FORMATION DES OBJETS CÉLESTES
- MAGNITUDE, astronomie
- POUSSIÈRE INTERSTELLAIRE
- DÉCALAGE SPECTRAL
- SPECTROSCOPIE, astronomie
- RADIOGALAXIES
- POPULATIONS STELLAIRES
- COSMIQUES RAYONS
- DOPPLER-FIZEAU EFFET
- CÉPHÉIDES
- HUBBLE CLASSIFICATION DE
- MOLÉCULES INTERSTELLAIRES
- ROTATION, astronomie
- COLLISION, astronomie
- RAYONS X COSMIQUES
- VITESSE RADIALE, astronomie
- DISTANCE, astronomie
- ASTRONOMIE HISTOIRE DE L'
- MARÉES GALACTIQUES
- NUAGE MOLÉCULAIRE
- RÉGIONS H II
- RÉGIONS H I
- GALAXIES ELLIPTIQUES
- GALAXIES SPIRALES
- GALAXIES IRRÉGULIÈRES
- NUAGES DE MAGELLAN
- NOYAU DE GALAXIE
- RAIE SPECTRALE
- HUBBLE-LEMAÎTRE LOI DE
- TROUS NOIRS MASSIFS ET SUPERMASSIFS
- GALAXIES PARTICULIÈRES