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THORIUM

Applications nucléaires

À la différence de l' uranium ou du plutonium, le thorium n'est pas fissile. Cependant, l'atome de thorium 232 peut absorber un neutron thermique, issu par exemple de la fission contrôlée d'un atome d'uranium 235, et donner du thorium 233, lequel, par deux émissions β successives, conduit d'abord au protactinium, puis à l'uranium 233 qui est fissile. Pour cette raison, on dit que le thorium est un matériau fertile, et il est possible de l'employer comme combustible nucléaire, associé à un matériau fissile comme l'uranium 235 ou le plutonium 239. Il est d'autant plus intéressant que le rapport de régénération (rapport du nombre d'atomes fissiles formés au nombre d'atomes fissiles consommés) est de 1,25, ce qui est supérieur au rapport du système 238U-239Pu (1,03) dans les mêmes conditions d'irradiation aux neutrons thermiques. Cela a permis d'envisager la construction de réacteurs surgénérateurs, utilisant un combustible à base de thorium.

L'emploi du thorium comme combustible a été retardé pendant plusieurs décennies à cause des grandes difficultés rencontrées dans le recyclage du combustible neuf, à base de thorine et de l'uranium 233 contenu dans le combustible usé. Plusieurs réacteurs produisant de l'énergie et plus de vingt-cinq réacteurs expérimentaux de différents types ont fonctionné avec un combustible à base de thorium.

Un combustible composé de thorine et d'oxyde d'uranium est utilisé dans plusieurs réacteurs à eau lourde classiques. Les réacteurs à haute température et refroidis au gaz (en général l'hélium) visent à l'emploi d'un combustible composé de microsphères (diamètre de 500 μm) d'oxyde ou de carbure d'uranium et de thorium enrobées dans différentes couches protectrices de graphite et de carbure de silicium (diamètre final d'environ 1 mm), noyées dans une matrice de graphite.

Une application possible du thorium dans un combustible liquide est la conception de réacteurs surgénérateurs opérant avec des sels fondus. Ce sont des réacteurs à deux zones de modération formées par des tubes de graphite modérateur, dans lesquels circule un seul fluide. Ce fluide contenant les matériaux fissile et fertile (mélange de tétrafluorures d'uranium, de thorium, de lithium et de béryllium) diverge dans le centre du réacteur et régénère sa matière fissile dans une zone annulaire située en périphérie. Ce type de réacteur offre de nombreux avantages. Le fluide caloporteur est le combustible lui-même. Du fait de l'absence de gainage, il est aisé à fabriquer et il est facile de le purifier partiellement, sans arrêter le réacteur. L'absence de pression du fluide combustible, son inertie chimique vis-à-vis de l'air et de l'eau, le faible excès de réactivité du cœur garantissent la sûreté de fonctionnement.

De nombreuses études ont montré que l'usage des combustibles à base de thorium peut servir à la destruction des armes nucléaires et à la réduction des déchets transuraniens (plutonium et actinides mineurs). De plus, l'emploi du thorium permet une utilisation plus efficace des réserves d'uranium, et retarde ainsi l'épuisement des réserves de minerais à bas prix de revient. Le thorium sera de plus en plus employé dans les réacteurs de type classique à eau lourde, ou à haute température. Les réacteurs surgénérateurs à sels fondus, ou les simples convertisseurs, qui seront les plus économiques pour les petites puissances, ne seront pas opérationnels avant les années 2010 environ. Ils seront alors complémentaires, par le cycle 232Th-233U, des réacteurs rapides utilisant le cycle 238U-239Pu.

— Jean-Pierre ZANGHI

— Alfred LECOCQ

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Écrit par

  • : ingénieur à l'École nationale supérieure de chimie de Lille, docteur ès sciences physiques, président de l'Euriwa
  • : docteur de troisième cycle en métallurgie

Classification

Pour citer cet article

Alfred LECOCQ et Jean-Pierre ZANGHI. THORIUM [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Jöns Jacob Berzelius - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Jöns Jacob Berzelius

Thorium : constantes physiques - crédits : Encyclopædia Universalis France

Thorium : constantes physiques

Autres références

  • HAHN OTTO (1879-1968)

    • Écrit par Agnès LECOURTOIS
    • 401 mots
    • 4 médias

    Chimiste allemand, lauréat du prix Nobel (1944) pour ses travaux sur la fission de l'uranium.

    Né à Francfort, il fait ses études universitaires à Marburg, puis à Munich, où il obtient son doctorat en 1901. Il deviendra le plus grand radiochimiste de l'Allemagne. Tôt attiré par la chimie...

  • MAGNÉSIUM

    • Écrit par Maurice HARDOUIN, Michel SCHEIDECKER
    • 4 273 mots
    • 8 médias
    L'addition de thorium (radioactif), de lanthanides ou d'argent permet de maintenir les propriétés mécaniques mesurées à chaud. Ces éléments sont compatibles avec le zirconium, et les propriétés spécifiques des deux types d'addition sont cumulatives. Ces alliages sont susceptibles de durcissement...
  • NUCLÉAIRE - Réacteurs nucléaires

    • Écrit par Jean BUSSAC, Frank CARRÉ, Robert DAUTRAY, Jules HOROWITZ, Jean TEILLAC
    • 12 438 mots
    • 9 médias
    ...En énergie nucléaire, on réserve l'appellation noyaux fissiles à ceux qui sont fissiles à toute énergie (235U, 233U, 239Pu, 241Pu). Les noyaux  232Th, 238U, 240Pu, qui ne sont fissiles qu'aux énergies supérieures à 1 MeV et qui, dans les réacteurs, contribuent nettement moins aux fissions que les...
  • NUCLÉAIRE - Applications civiles

    • Écrit par Pierre BACHER
    • 6 724 mots
    • 9 médias
    Les filières à base de thorium produisent très peu d'actinides mineurs transuraniens (éléments dont le nombre atomique est supérieur à celui de l'uranium – neptunium, plutonium, américium, etc.), mais en produisent d'autres (232U et 234U, 231Pa), non moins radiotoxiques à très...
  • Afficher les 11 références

Voir aussi