ROME ET EMPIRE ROMAINLe Haut-Empire
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La civilisation : l'équilibre du Haut-Empire
Même si tout ne fut pas parfait sous le Haut-Empire, cette époque apparaît aux chercheurs actuels comme une période d'essor assez général, de stabilité, de bonheur : la vie politique n'a été perturbée que par quelques rares désordres, l'économie jouissait d'une prospérité certaine et les arts comme les lettres ont connu un développement général. C'est vers la fin du iie siècle et le début du iiie que cette civilisation se présenta sous sa forme la plus achevée.
Le goût de l'ordre : les institutions
Cette heureuse situation se retrouve dans tous les domaines, et en particulier dans celui des institutions. L'âme romaine, tout imprégnée de droit, a mis en place des cadres complexes pour régler la vie des hommes.
Le pouvoir impérial
L'organisation de l'État a été réglée de telle manière qu'il convient de commencer par le sommet. En effet, le pouvoir impérial se présente sous la forme d'une monarchie absolue, et le régime reçut cette caractéristique dès sa naissance, c'est-à-dire dès l'époque d'Auguste. Personne n'admet plus, de nos jours, la théorie élaborée jadis par T. Mommsen, qui croyait en une « dyarchie », système dans lequel le prince et le Sénat se seraient trouvés à égalité. La primauté de l'empereur repose sur deux éléments, et d'abord sur les institutions elles-mêmes, aspect que T. Mommsen avait mal appréhendé, mais qu'il aurait pu saisir pourtant. En effet, les inscriptions et les monnaies montrent, à travers les titulatures dont Auguste et ses successeurs se paraient, la conception qu'ils se faisaient de leur autorité. Ils reprenaient, dans l'ensemble, la tradition républicaine qu'ils feignaient de respecter. S'ils innovaient, ce n'était que sur un point, mais un point de grande importance : ils accumulaient des pouvoirs dont chacun n'avait rien d'extraordinaire mais qui, ajoutés les uns aux autres, représentaient une somme considérable de puissance et leur conféraient la prééminence sur tous. Celle-ci s'exerce pour l'essentiel dans trois domaines, et d'abord dans celui de la politique. En effet, l'empereur possède à la fois l'imperium, de nature civile et militaire, et la potestas, plus administrative. Depuis Auguste, en 23 avant J.-C., il renouvelle chaque année sa puissance tribunicienne : ne pouvant être tribun de la plèbe, car par définition il n'est pas plébéien mais patricien, il emprunte à ce magistrat précisément sa potestas, ce qui lui confère une inviolabilité sacro-sainte (tout acte de violence dirigé contre sa personne devient un sacrilège) et le droit de veto (il peut annuler n'importe quelle décision d'un autre magistrat). Il lui arrive de revêtir le consulat : dans ce cas, il s'agit surtout d'un honneur vide de pouvoir effectif, ou d'un hommage adressé aux autres membres du Sénat (le prince affecte alors de n'être qu'un des leurs). Mais la réalité monarchique, écrit-on souvent encore, n'a jamais pu être pleinement affirmée : le régime n'aurait pas su régler le problème de la succession. En fait, l'association ou l'adoption, ou ces deux pratiques à la fois, ont toujours désigné avec clarté l'héritier voulu. Et ce n'est pas tout : le pouvoir impérial est aussi militaire. Le nom même d'empereur (imperator) signifie « général en chef victorieux » : commandant effectif des armées à l'occasion, le souverain assure en permanence par son charisme propre le succès de ses troupes. Après 19 avant J.-C., Auguste s'attribue ainsi les exploits de ses officiers, et célèbre pour lui-même les triomphes que d'autres eussent mérités ! Le prince énumère également les acclamations impératoriennes que font entendre les soldats les soirs de victoires : imperator par définition, il devient en plus imperator I (une fois), II, etc., et il reçoit un ou des noms indiquant les peuples vaincus... ou réputés tels pour les besoins de la propagande (il sera « germanique », « parthique », ...). Politique et militaire, le pouvoir impérial est enfin, et peut-être surtout serait-on tenté de dire, religieux. Le prince est responsable des cultes officiels, « souverain pontife ». À cette autorité précise et concrète il ajoute des charges plus ou moins bien définies. Ainsi, le titre d'Auguste évoque un charisme vague : le mot appartient à la même famille que aug-ur et aug-eo (« aug-menter »). Père de la patrie, il garantit la vie matérielle des citoyens qui, en retour, lui doivent obéissance. Bien en [...]
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Écrit par :
- Yann LE BOHEC : professeur à l'université de Grenoble
- Paul PETIT : professeur à la faculté des lettres et sciences humaines de Grenoble
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Pour citer l’article
Yann LE BOHEC, Paul PETIT, « ROME ET EMPIRE ROMAIN - Le Haut-Empire », Encyclopædia Universalis [en ligne], consulté le 07 février 2023. URL : https://www.universalis.fr/encyclopedie/rome-et-empire-romain-le-haut-empire/