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TRIBUN DE LA PLÈBE

La notion de plèbe a évolué : aux origines de la République romaine, elle recouvrait un groupe social comprenant riches et pauvres, mais tous également exclus des honneurs ; aux deux derniers siècles avant notre ère, elle ne s'appliquait plus qu'aux hommes libres et démunis. Le tribun exerçait la fonction de défenseur de leurs intérêts face au pouvoir politique.

L'origine de cette institution doit être cherchée au début du ~ ve siècle. La légende dit qu'en raison des conflits qui les opposaient aux patriciens détenteurs exclusifs des charges de l'État, les plébéiens, en ~ 494, se retirèrent sur le mont Sacré ; les maîtres de l'heure, pour mettre un terme à cette sécession, accordèrent aux rebelles une magistrature qui reçut d'abord deux, puis quatre, puis dix titulaires.

Les tribuns de la plèbe disposaient d'un droit de veto (intercessio) qui leur permettait d'annuler toute mesure jugée contraire aux intérêts de leurs mandants. La justice et les dieux les protégeaient : ils étaient en effet réputés inviolables et sacro-saints ; les toucher revenait donc à commettre à la fois un crime et un sacrilège. Ils pouvaient en outre contraindre les récalcitrants, s'adresser au peuple et proposer des lois. Mais sur eux pesaient les mêmes limites qui freinaient les autres magistrats : ils étaient soumis à l'annalité, à la collégialité, et le cumul leur était interdit, tout comme l'itération (renouvellement immédiat du mandat) ; enfin, ils perdaient leurs pouvoirs à mille pas autour de Rome.

Ils étaient élus par des assemblées dont les patriciens étaient exclus ; pour être électeur et éligible, il fallait avoir effectué son service militaire, jouir du statut de citoyen romain et appartenir à la plèbe. Claudius, qui visait cette charge, mais appartenait au patriciat, se fit adopter par un plébéien appelé Clodius et changea donc son nom.

Cette magistrature prit de l'importance avec les Gracques, Tiberius (~ 133) et Caius (~ 123-~ 121), qui proposèrent un programme réformiste à base de lois agraires. Saturninus (~ 100) ne fut qu'un agitateur, alors que Drusus (~ 91) essaya d'améliorer le sort des Italiens. Sylla réduisit considérablement le rôle des tribuns, mais Pompée revint sur cette mesure. L'ennemi de Cicéron, Clodius, s'illustra en ~ 58. César prit la seule sacro-sainteté. Patriciens par définition, les empereurs ne pouvaient pas devenir tribuns de la plèbe ; mais Auguste ne voulut pas se priver des avantages que procurait cette fonction, et il recourut à une astuce juridique ; en ~ 23, il revêtit non la charge, mais la « puissance tribunicienne » : il la renouvela ensuite chaque année, et tous ses successeurs l'imitèrent.

L'étude du tribunat de la plèbe montre bien comment à Rome le droit, la politique et la société étaient liés.

— Yann LE BOHEC

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Pour citer cet article

Yann LE BOHEC. TRIBUN DE LA PLÈBE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • CÉRÈS, religion romaine

    • Écrit par Jean-Claude DUMONT
    • 1 050 mots

    L'assimilation du panthéon romain au panthéon grec a fait confondre la Cérès latine avec Déméter et prêter à la première — personnalité divine sans histoire et sans visage — aventures et traits humains de la seconde. Pourtant, en dépit de cette hellénisation précoce et poussée, la...

  • CLODIUS PUBLIUS APPIUS (env. 93-52 av. J.-C.)

    • Écrit par Joël SCHMIDT
    • 664 mots

    Issu de la famille patricienne Claudia dans la Rome républicaine, le jeune Clodius se signale très jeune par ses malversations : il sert en effet en Asie sous les ordres de son beau-frère, Lucullus, et tente en ~ 68 de soulever les légions afin de s'emparer des trésors et du butin qui appartiennent...

  • COMICES TRIBUTES

    • Écrit par Jean-Pierre MARTIN
    • 292 mots

    En ~ 494, les plébéiens, en lutte contre les patriciens, créent le concilium plebis qui devait voter les mesures applicables à eux seuls (les plébiscites). Lorsque ces plébiscites reçoivent valeur légale pour l'ensemble de la population romaine (au milieu du ~ ve siècle, puis en ~...

  • LES GRACQUES

    • Écrit par Xavier LAPRAY
    • 201 mots

    L'action de Tiberius et de Caius Gracchus marque la rupture du consensus qui, depuis près d'un siècle, unissait l'aristocratie romaine dans le gouvernement de la cité. Ces deux frères, issus de la haute noblesse romaine, sont élus au tribunat de la plèbe à dix ans d'intervalle, et proposent des...

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