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PYTHAGORE (580 av. J.-C.?-? 500 av. J.-C.) ET PYTHAGORISME

La secte

Les ambiguïtés du pythagorisme

Dans son histoire la plus ancienne, le mouvement fondé par Pythagore se présente sous deux aspects : tantôt comme un groupe d'intention religieuse, une secte dont le genre de vie est dominé par l'ascétisme et les purifications, tantôt, au contraire, comme un groupe d'action politique, une hétérie dont l'activité est principalement orientée vers la gestion des affaires publiques.

Selon la tradition la plus répandue, les pythagoriciens sont des hommes tout de blanc vêtus, qui fuient le contact des femmes en couches, évitent d'entrer dans la maison d'un mort, refusent énergiquement de croquer une fève ou de manger un œuf. Leur existence quotidienne paraît encombrée de tabous et d'interdictions de tout genre, tandis que leur vie communautaire, avec la règle du silence, les degrés d'initiation, le mystère dont elle aime à s'entourer, ressemble étrangement à celle d'une de ces confréries dont les esséniens ou les thérapeutes offrent l'exemple le plus évident pour la période qui précède immédiatement l'ère chrétienne.

Par ailleurs, les mêmes personnages forment une espèce d'ordre à vocation politique, fondé sur un système d'éducation collective, véritable dressage, qui comprend des repas de corps ou syssities, le compagnonnage (solidaire de la mise en commun des biens), enfin des techniques telles que les exercices physiques, l'apprentissage de la musique et la réglementation des nourritures. Ce sont ces pythagoriciens disciplinés et entraînés qui exaltent çà et là le courage à la guerre et l'honneur au combat. Pour eux, « il est noble de mourir à la suite de blessures reçues de face », ou encore « il faut combattre non en paroles mais en actes, car il est juste et pieux de faire la guerre quand on la fait homme contre homme ». Toutes ces traditions militaristes sont inséparables du rôle qu'une partie de l'historiographie attribue à Pythagore et à ses disciples dans les hostilités prolongées entre Crotone et Sybaris, comme elles sont également solidaires de manifestations spécifiquement guerrières dont une des dernières sera la résistance armée de trois cents jeunes gens lors des persécutions qui, au milieu du ve siècle, viendront mettre un terme à l'action politique des disciples de Pythagore.

La crise de la cité

Ces ambiguïtés du pythagorisme se nouent dans le contraste qui oppose les deux figures les plus importantes du mouvement : Pythagore de Samos et Milon de Crotone, son gendre. En effet, ce mage extatique, cet homme extraordinaire qui s'impose aux Crotoniates comme un autre Apollon Hyperboréen, devient, par le mariage de sa fille, l'allié d'un des personnages les plus importants de la cité dans laquelle il a débarqué de Samos aux environs de 530 avant notre ère. Athlète prestigieux, plusieurs fois vainqueur aux jeux d'Olympie, Milon appartient à ces milieux aristocratiques qui s'affirment traditionnellement comme des détenteurs de l'autorité politique. Et ce n'est pas un hasard si sa maison particulière a été choisie par les pythagoriciens pour servir de siège à leurs délibérations sur les affaires de la cité. Ce l'est d'autant moins que, lors de la bataille rangée que Sybaris et Crotone se livrent en 510 pour l'hégémonie d'une partie de l'Italie du Sud, Milon se trouve à la tête de ses concitoyens qu'il entraîne à la victoire. Il assume ainsi le rôle d'un chef de guerre qui a revêtu en l'occurrence le costume d' Héraclès : la peau de lion sur le dos et la massue au poing. Mais cet accoutrement ne s'explique pas seulement par les relations cultuelles étroites du héros « dorien » avec la divinité de Crotone dont Milon est le prêtre influent. Car le combat qu'il mène, c'est celui que toute l'action politique des pythagoriciens entend gagner : le combat du [...]

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Écrit par

  • : directeur d'études à l'École pratique des hautes études (Ve section, sciences religieuses)
  • : maître assistant de philosophie à la faculté des lettres et sciences humaines de Poitiers

Classification

Pour citer cet article

Marcel DETIENNE et Daniel SAINTILLAN. PYTHAGORE (580 av. J.-C.?-? 500 av. J.-C.) ET PYTHAGORISME [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Médias

Pythagore - Samos (Asie mineure) - crédits : Dagli Orti/ Museo Capitolino Rome/ The Art Archive/ Picture Desk

Pythagore - Samos (Asie mineure)

Pythagore - crédits : Hulton Archive/ Getty Images

Pythagore

Autres références

  • PYTHAGORE

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 210 mots
    • 1 média

    Fils d'un marchand de Tyr établi à Samos, Pythagore de Samos est considéré comme le premier pur mathématicien ; ses premiers biographes le présentaient comme un être pourvu d'attributs divins. Il rencontra Thalès et suivit à Milet l'enseignement de son élève Anaximandre. Il quitte Samos en — 535...

  • ABARIS (VIe s. av. J.-C. ?)

    • Écrit par Michel GAREL
    • 175 mots

    Philosophe et mage mi-historique, mi-fabuleux (peut-être du ~ VIe siècle). Les témoignages dont on dispose à son sujet le font vivre tantôt au ~ VIIe, tantôt au ~ VIe, voire au ~ Ve siècle ; en fait, il semble qu'Abaris, comme Aristéas et Épiménidès, ait été un des chefs de file de la réaction...

  • ACOUSMATIQUE MUSIQUE

    • Écrit par François BAYLE
    • 7 820 mots
    • 4 médias
    Quant à Pythagore, on sait que ce philosophe, mathématicien et musicien n'a laissé aucun écrit. On rapporte qu'il imagina un dispositif original d'écoute attentive, en se plaçant derrière un rideau pour enseigner à ses disciples, dans le noir, et dans le silence le plus rigoureux. Acousmatique (du grec...
  • ANTIQUITÉ - Naissance de la philosophie

    • Écrit par Pierre AUBENQUE
    • 11 137 mots
    • 8 médias
    Avec l'école, ou plutôt la secte pythagoricienne, nous quittons le domaine strict de la philosophie de la nature. Sur la personne de son fondateur, Pythagore, né à Samos vers 570, mais émigré ensuite en Sicile, nous ne savons rien de certain, bien que la légende se soit rapidement emparée du...
  • ARCHYTAS DE TARENTE (env. 440-env. 360 av. J.-C.)

    • Écrit par Universalis
    • 425 mots

    Né vers 440 avant J.-C. et mort vers 360 avant J.-C. à Tarente, colonie grecque d'Italie du Sud, Archytas de Tarente est un scientifique, philosophe et mathématicien de l'école de Pythagore. Son ami proche, Platon, se fonde sur ses travaux mathématiques. Quelques sources prouvent qu'Euclide...

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Voir aussi