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PHÈDRE, Platon Fiche de lecture

L'Académie de Platon - crédits : 	Luisa Ricciarini/ Leemage/ Bridgeman Images

L'Académie de Platon

Écrit vers 370 avant J.-C., le Phèdre (Phaidros) marque le point culminant de la polémique (implicite) de Platon (428 env.-347 env. av. J.-C.) à l'égard d'Isocrate, l'auteur de Contre les sophistes (parmi lesquels il incluait les platoniciens) et fondateur d'une école de rhétorique, rivale de l'Académie. Comme Lysias (mort vers 379) dans le Phèdre, Isocrate était aussi « logographe », c'est-à-dire un auteur de discours pour les autres. Faisant la critique de ces « discours écrits », le dialogue platonicien approfondit l'invention d'une forme d'expression authentiquement philosophique, capable de préserver à la fois le désir du vrai (analogue à la « folie » érotique dont traite la première partie du Phèdre) et la rigueur de la méthode.

La beauté, l'amour et l'art de parler

Comme Le Banquet, l'autre dialogue de Platon où Phèdre apparaît avec quelque importance (pour prononcer le premier éloge d'Éros), le Phèdre traite de l'amour – mais par le biais d'une critique du discours. Phèdre, en effet, rend visite à Socrate pour lui faire partager son admiration du rhéteur Lysias ; après l'avoir entraîné hors de la ville, il lui lit un discours où ce dernier soutient qu'il vaut mieux choisir pour amant celui qui ne vous aime pas que celui qui vous aime. Il met Socrate au défi de produire, sur ce sujet, un meilleur plaidoyer. Ayant invoqué les muses, Socrate se lance dans une improvisation, qui soutient la même thèse paradoxale, mais, selon son habitude, à partir d'une définition : l'amour comme appétit du plaisir. Que cet appétit soit déraisonnable, avec des effets aberrants pour celui qui en est l'objet, justifierait en effet de préférer ne pas être aimé. Mais un « signal divin » oblige Socrate à se reprendre : la folie amoureuse – comme celle de la Sibylle, ou celle des poètes – mérite d'être louée. L'âme (et le Phèdre en risque ici une définition, ce que n'avait pas fait le Phédon : « ce qui se meut toujours », 245c) est comparable à un attelage ailé, dont le cocher serait l'intellect. Engagée dans un cycle d'épreuves et d'incarnations, elle reconnaît dans le délire l'intelligible, qui la transporte vers le haut. C'est folie sans doute que d'être amoureux, mais c'est folie du beau, adoré en la personne de l'aimé.

Lysias ne sait donc pas de quoi il parle. Par les confusions qu'elle entraîne, la rhétorique traditionnelle dont il est le représentant tire les âmes vers le bas, alors que Socrate voudrait élaborer une « psychagogie », capable de les élever. Ce nouvel art de parler, philosophique et non plus sophistique, emprunte à la dialectique (technique platonicienne par excellence) et à la science des âmes (intégrée ici à une cosmologie).

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Pour citer cet article

François TRÉMOLIÈRES. PHÈDRE, Platon - Fiche de lecture [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Autres références

  • ART (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 3 282 mots
    ...d’une manière toute différente. D’une part, deux millénaires avant le romantisme, il mit en évidence la dimension de l’inspiration. Ne dit-il pas dans le Phèdre que le contact des artistes avec le Beau est comme « une folie venue des dieux » ? D’autre part, en adéquation avec les théoriciens contemporains...
  • EXPÉRIENCE (notions de base)

    • Écrit par Philippe GRANAROLO
    • 2 783 mots
    ...pour eux-mêmes. » Alors que la sensibilité était pour Platon comme un poids qui entraînait l’âme vers le bas, ainsi que l’illustre la fable du dialoguePhèdre, qui nous présente l’âme comme un attelage tiré par deux chevaux, l’un cherchant à atteindre le Ciel des idées, l’autre faisant tout pour...
  • INSPIRATION (Grèce antique)

    • Écrit par Luc BRISSON
    • 2 321 mots
    Dans le Phèdre, Platon critique la rhétorique pratiquée à son époque. Pour garder à sa critique une dimension raisonnable, il la fait porter sur un exemple, un discours rédigé par Lysias et que Phèdre lit à Socrate au début du dialogue. Ce discours développe, comme c'était souvent le cas à...
  • FRANÇAISE LITTÉRATURE, XVIe s.

    • Écrit par Frank LESTRINGANT
    • 6 760 mots
    • 3 médias
    ...commun des mortels, dans des régions où n’accèdent pas les âmes vulgaires. Ronsard ne propose aucune hiérarchisation des quatre fureurs distinguées par Platon dans le Phèdre – fureur prophétique, fureur mystique (par exemple, celle des mystères de Dionysos), fureur poétique, fureur amoureuse –, mais...

Voir aussi