DU BEAU, ENNÉADES I, 6 et V, 8, Plotin Fiche de lecture
Plotin (205-270) a cinquante-neuf ans quand il rencontre Porphyre (234-305 env.), qui demeure avec lui pendant six ans et qui, après sa mort, réunit ses œuvres en cinquante-quatre livres, partagés en six Ennéades. Les passages sur le Beau et le Beau intelligible occupent respectivement les livres I, 6 et V, 8 (Traités 1 et 31). Plotin n'a pas écrit pour exposer un système, mais pour résoudre des questions particulières que lui posaient ses auditeurs (Porphyre, Vie de Plotin 4, 11 et 5, 5). Il se situait, en effet, dans la dernière période de la philosophie post-socratique, caractérisée par le passage d'un enseignement oral à un commentaire exégétique des textes, ceux de Platon et d'Aristote surtout, ainsi que par l'attention portée aux idées contenues non plus seulement dans le discours parlé, mais dans les textes écrits. On apprenait désormais moins à parler qu'à lire, même si, en apprenant à lire, on apprenait encore à vivre, comme on le faisait aux époques précédentes.
L'idée du Beau
Dans ce contexte, Plotin répond aux questions posées sur le Beau, sa mondanité ou son « être-là ». Par les réponses qu'il formule, souvent dans une langue qui peut paraître embarrassée et elliptique, il touche au problème de l'art : l'assurance d'un travail sous-jacent de la pensée dans l'expression artistique permet-elle d'affirmer pour autant qu'il existe une pensée par essence « artiste », plutôt qu'une expression artistique de la pensée ? En d'autres termes, peut-on dire que cette pensée est capable de saisir « artistement » le monde et, en quelque sorte, de l'engendrer dans la beauté ? Plotin répond à ces questions en développant trois arguments principaux.
D'abord et paradoxalement, il constate qu'à rechercher la beauté dans l'agencement des parties d'un être ou à y reconnaître une « forme », qui ne doit pas être initialement sienne, on ne sait plus très bien où elle se trouve ni comment elle surgit. Car les pierres, explique Plotin, ne sont pas belles, alors que les femmes le sont, telle Aphrodite, autant que peuvent l'être les statues de Phidias, qu'il connaissait pour les avoir vues et admirées. Précisément, c'est parce que ce n'est pas la composition qui émeut, mais la beauté qu'on retrouve dans toute son authenticité et à travers la simplicité des couleurs et des sons, qui n'ont rien d'éléments composites (I, 6, 1 et V, 8, 3). Il n'existe aucun réceptacle susceptible de recevoir la beauté comme un supplément d'être et de réalité, mais seulement le Beau, « par ceci qu'il fait [les choses] en les habitant ».
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Écrit par
- Daniel RUSSO : ancien élève de l'École normale supérieure, agrégé de l'Université, ancien membre de l'École française de Rome, professeur d'histoire de l'art médiéval à l'université de Bourgogne
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