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OUZBÉKISTAN

Nom officiel République d'Ouzbékistan
Chef de l'État et du gouvernement Shavkat Mirziyoyev - depuis le 8 septembre 2016
Capitale Tachkent
Langue officielle Ouzbek
Population 35 652 307 habitants (2023)
    Superficie 448 924 km²

      L'Ouzbékistan est un pays d'Asie centrale qui a accédé à l'indépendance en 1991. Formé au début de la période soviétique, il a succédé aux khanats de Khiva et de Kokand ainsi qu'à l'émirat de Boukhara. Son territoire est partagé entre des étendues désertiques et steppiques de la dépression aralo-caspienne, des axes montagneux et des oasis qui sont d'anciens foyers de peuplement sédentaire remodelés depuis la fin du xixe siècle par le développement de la culture du coton. Cette structuration de l'espace national correspond à une compartimentation de l'organisation sociale et politique caractérisée par l'importance des régions (Ferghana, Khorezm, Tachkent, Samarcande...). Une crise économique et sociale a marqué la transformation postsoviétique. Face aux différentes formes de mécontentements et d'opposition, le régime, dirigé par Islam Karimov depuis 1989, a affirmé son autorité et a tenté par son implication dans la sphère économique de promouvoir une voie spécifique de développement. Toutefois, l'Ouzbékistan, dont la population, composée de plus de 80 % d'Ouzbeks, dépasse les 30 millions d'habitants, est devenu un pays d'émigration.

      Ouzbékistan : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Ouzbékistan : carte physique

      Ouzbékistan : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Ouzbékistan : drapeau

      Géographie

      Oasis, déserts et montagnes

      Bordé par le Turkménistan, au sud-ouest, le Kazakhstan, au nord, le Kirghizstan et le Tadjikistan, à l'est, et par l'Afghanistan, au sud, l'Ouzbékistan est un pays enclavé au cœur du continent asiatique. Son territoire, délimité dans les années 1920 et 1930 dans le cadre de l'URSS, s'étend sur 447 400 kilomètres carrés. Sa forme est allongée – 1 400 kilomètres d'ouest en est contre 900 kilomètres du nord au sud – et appendiculaire. L'Ouzbékistan présente également un aspect morcelé et perforé du fait de ses « exclaves » au Kirghizstan (Sokh, Chakhimardan...) et des enclaves tadjikistanaises (Sarvak) et kirghizstanaises (Barak) qui le fragmentent dans la dépression du Ferghana.

      Les déserts qui occupent le centre de la dépression arabo-caspienne et les arcs montagneux qui séparent les vallées et les bassins orientaux donnent en outre à l'espace national un caractère écartelé et compartimenté. Désert continental recevant moins de 200 millimètres de précipitations annuelles, le Kyzyl-Koum s'étend de l'Amou Daria au Syr Daria, tandis qu'au nord-ouest, l'inhospitalier plateau de l'Oustiourt domine la mer d'Aral. Les appendices occidentaux du Tianshan et de la chaîne de Hissar, dont l'altitude dépasse 4 000 mètres, constituent également des discontinuités de grande ampleur. Dans ces conditions, la population se concentre dans les oasis des deltas de l'Amou Daria, du Zeravchan et du Kachka Daria, et dans celles des piémonts (Ferghana, Tachkent) et de quelques vallées (Surkhan Daria), de sorte que les foyers de peuplement sont séparés les uns des autres. C'est également dans ces régions que sont localisées les villes historiques et touristiques de l'Ouzbékistan : Boukhara et Samarcande dans la vallée du Zeravchan, Khiva au Khorezm et Kokand dans le Ferghana.

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      L'extension des périmètres irrigués au cours du xxe siècle, liée à l'essor de la culture du coton, a conduit à un certain desserrement du peuplement vers les plaines arides (par exemple dans la steppe de la Faim, plaine alluviale du Syr Daria, où une grande opération d'aménagement a été menée dans le cadre de la planification soviétique). Mais elle a aussi entraîné une forte croissance de la consommation d'eau qui, contraire aux pratiques oasiennes économes, affecte l'alimentation de l'Aral par le Syr Daria et l'Amou Daria. De ce fait, le lac tend à disparaître : entre 1960 et 2005, la surface de l'Aral s'est réduite de 74 %, de 67 500 km2 à 17 200 km2, le volume de 1 000 km3 à moins de 200 km3 d'eau, de sorte que la « mer » est partagée en deux entités depuis 1989. Dans le delta de l'Amou Daria sévit une crise environnementale et sanitaire qui incite certains habitants du Khorezm et surtout de la république autonome du Karakalpakstan à quitter le cœur de la cuvette endoréique.

      Une population en cours d'« ouzbékisation »

      La population de l'Ouzbékistan, qui croît à un rythme relativement rapide, est estimée à 31,8 millions d'habitants en 2016 (contre 19,9 millions d'habitants au recensement de 1989). Malgré l'essor des villes anciennes (Tachkent, Samarcande, Boukhara, Andijan, Namangan, Termez) et la fondation de plusieurs villes durant les périodes tsariste (Ferghana) et soviétique (Noukous, Navoï), elle demeure encore très rurale (officiellement 63,7 % en 2014). Les villages (kichlak), qui jalonnent les oasis et témoignent de l'ancienneté du peuplement sédentaire, enregistrent une croissance régulière de leur population, tandis que celle de nombreuses villes industrielles a stagné ou régressé depuis l'indépendance. Par ailleurs, le contrôle de la mobilité résidentielle limite les migrations vers la capitale, Tachkent (officiellement 2,340 millions d'habitants en 2013), qui est le principal pôle de développement du pays.

      Les dynamiques démographiques postsoviétiques remodèlent la population et le peuplement de l'Ouzbékistan. Si le pays possède une population multiethnique, la part des Ouzbeks, qui appartiennent à l'ensemble des peuples turciques, augmente et atteint désormais plus de 80 %, contre 71 % en 1989. Cette évolution tient à l'accroissement naturel différencié et au départ des populations allochtones dans le contexte économique et politique dégradé des années 1990. Les populations arrivées en Asie centrale à la suite des politiques coercitives ou incitatives de peuplement tsaristes et soviétiques (Russes, Tatars, Allemands...) ont émigré massivement, de même que les Juifs. La proportion de Russes a ainsi baissé de 8 à 4 % entre 1989 et 2005. Ce processus n'affecte pas les Tadjiks ni les autres populations autochtones (par exemple les Karakalpaks). Les anciens foyers urbains de la vallée du Zeravchan, Samarcande et Boukhara, conservent ainsi leur population tadjikophone, malgré la politique d'« ouzbékisation » menée par les autorités depuis l'indépendance, notamment dans l'administration et dans le système éducatif. L'ouzbek, dont le statut de langue officielle est inscrit dans la Constitution de 1992, est ainsi la langue de l'État depuis 1989. En 1993, les autorités ouzbékistanaises ont par ailleurs décidé de substituer à l'alphabet cyrillique l'alphabet latin.

      Entre développement autocentré et émigration

      L'Ouzbékistan connaît une situation d'enclavement prononcée, qui occasionne un déficit de croissance économique. Toutefois, la rhétorique étatique renverse cette représentation pour souligner la centralité de l'Ouzbékistan dans l'espace eurasiatique et justifier la politique de développement autocentrée suivie depuis l'indépendance. Dans ce cadre, les évolutions récentes de l'agriculture, qui emploie plus du quart de la population active, répondent à la volonté des autorités d'assurer l'autosuffisance alimentaire. Ainsi, la production de céréales (blé, orge, etc.), que l'on pratique dans les oasis comme sur les terres bogar (c'est-à-dire en sec), se développe au détriment des cultures spécialisées. Toutefois, la filière cotonnière demeure essentielle dans l'économie nationale. La production annuelle de fibres oscillait autour d'un million de tonnes dans les années 2000, ce qui place l'Ouzbékistan dans les premiers rangs mondiaux. Faiblement mécanisée, elle mobilise une paysannerie nombreuse, à laquelle est adjointe, pour la cueillette, une grande partie de la jeunesse, réquisitionnée. Alors que l'industrie textile connaît un développement modeste, les exportations de coton constituent une ressource majeure de l'État, de même que celles de l'or produit dans les gisements du Kyzyl-Koum (Zeravchan). Cette rente, qui motive un encadrement strict de la production agricole et des populations rurales, soutient les investissements de l'État dans les services publics (éducation), dans les transports ou dans l'industrie. Grâce à ce mécanisme, ce dernier a notamment financé la création d'une filière automobile, dont la principale usine, ouverte en coopération avec une entreprise sud-coréenne, est située à Asaka, dans le Ferghana. Plus largement, l'État conserve un rôle primordial dans le domaine économique, quoique la décollectivisation de l'agriculture se soit accélérée dans les années 2000.

      Le modèle de développement adopté par les autorités ouzbékistanaises n'a pas empêché une dégradation des conditions économiques et sociales dans le contexte de la transformation postsoviétique. Devant cette situation, un flux d'émigration alimenté par les populations autochtones (ouzbèkes, tadjikes, etc.) se développe à destination de la Russie et, secondairement, du Kazakhstan depuis la fin des années 1990. Cette généralisation des migrations de travail saisonnières, temporaires et, quelquefois désormais, permanentes constitue une modification radicale des pratiques territoriales car les populations centre-asiatiques, urbaines et surtout rurales, étaient traditionnellement enracinées. Par leur ampleur, ces migrations et les revenus qu'elles génèrent deviennent indispensables à l'économie domestique et nationale et refondent la société ouzbékistanaise.

      Unité nationale et ouverture internationale

      À l'instar des autres pays d'Asie centrale, l'Ouzbékistan indépendant mène une politique d'affirmation de l'État qui repose sur l'unification de l'espace national et sur l'insertion dans la communauté internationale. La politique d'aménagement du territoire vise à moderniser et reconfigurer les réseaux de transport continentaux – routiers et ferroviaires – de façon à améliorer les relations entre les régions : une autoroute relie désormais le Ferghana à Tachkent, en franchissant le Tianshan ; une nouvelle voie ferrée traverse le Kyzyl-Koum et dessert le Khorezm et le Karakalpakstan sans transit par le Turkménistan ; au sud, une voie ferrée relie désormais le centre du pays à la région du Surkhan Daria, en évitant le territoire du Turkménistan. La mise en œuvre du territoire prend également la forme de l'équipement et de la fermeture croissante des frontières (contrôle et limitation de la mobilité des personnes et des marchandises), lesquelles délimitent l'aire de compétence du nouveau pouvoir souverain.

      À l'échelle de l'Asie centrale, le cloisonnement suscité par cette nouvelle fonctionnalité des frontières entrave les dynamiques d'intégration régionale. Par-delà la volonté de marquer l'existence des nouveaux États, cette politique s'inscrit dans la rivalité qui oppose l'Ouzbékistan au Kazakhstan pour la primauté au sein du champ géopolitique centre-asiatique et participe des tensions portant sur la répartition régionale des ressources. Or, dans le cas des ressources hydriques, environ 90 % de l'eau disponible en Ouzbékistan se forme au Kirghizstan, au Tadjikistan et en Afghanistan, la situation du pays en aval des bassins-versants du Syr Daria et de l'Amou Daria introduisant une dépendance d'autant plus forte que plusieurs canaux alimentent les régions de Boukhara et de Karchi depuis le Turkménistan. Dans ce contexte, les projets de construction de nouveaux barrages au Tadjikistan ont suscité des réactions hostiles en Ouzbékistan.

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      Au cours de la transition postsoviétique, l'Ouzbékistan s'est intégré dans l'environnement international en participant à la plupart des organisations supra-étatiques mondiales. Le pays est également membre de plusieurs structures régionales telles que l'Organisation de coopération économique (OCE) ou l'Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Bien qu'appartenant à la Communauté des États indépendants (CEI), l'Ouzbékistan a, après l'indépendance, pris ses distances avec la Russie, en développant des relations privilégiées avec les États-Unis. Ce rapprochement a notamment permis à ces derniers d'ouvrir une base militaire à Karchi-Khanabad en 2001, dans le cadre de la guerre menée en Afghanistan contre le gouvernement taliban. Inversement, sa fermeture en 2005, peu de temps après les dramatiques événements d'Andijan, a témoigné d'un nouveau tournant géopolitique opéré par l'Ouzbékistan. Cette réorientation a débouché sur un rapprochement avec Moscou, lequel s'est traduit, par exemple, par l'engagement d'entreprises russes dans l'exploitation des gisements gaziers de l'ouest du pays, avant que les autorités de Tachkent ne décident de reprendre leurs distances avec la Russie, en suspendant leur participation à la Communauté économique eurasiatique (EurAzEC) en 2008, puis à l'Organisation du Traité de sécurité collective en 2012.

      — Julien THOREZ

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      Écrit par

      • : professeur au département des langues et civilisations asiatiques et du Moyen-Orient, Clolumbia University, New York
      • : anthropologue, chercheur à l'Institut français d'études sur l'Asie centrale
      • : docteur en géographie, chargé de recherche au C.N.R.S., membre de l'U.M.R. 7528 Monde iranien et indien (C.N.R.S., Sorbonne nouvelle, EPHE, INALCO)
      • : docteure en histoire, chargée de recherche au CNRS
      • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

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      Ouzbékistan : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Ouzbékistan : carte physique

      Ouzbékistan : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

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      Autres références

      • OUZBÉKISTAN, chronologie contemporaine

        • Écrit par Universalis
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      • Afficher les 20 références

      Voir aussi