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NOTATION MATHÉMATIQUE

Les fonctions

L'emploi mathématique du terme de fonction date de la correspondance de Leibniz avec Johann Bernoulli. Les auteurs sont conscients du fait que, parmi quelques variables, l'une peut être une fonction de l'autre et ils rendent, s'il est possible, cette dépendance explicite ; mais des signes de fonction y sont très rares (Johann Bernoulli, 1718 : ϕx, ϕ fonction de x). Cela change avec Euler et J. d'Alembert ; Euler établit la préférence pour f, F, ϕ, Φ en tant que symboles de fonction et Lagrange propage l'emploi de ces signes.

La notation des fonctions a subi des changements profonds depuis 1930 environ, bien qu'il y ait des précurseurs dès le début du siècle et que des conservateurs ne se soient pas encore convertis au nouveau style. Dans l'analyse pratiquée avant 1930, il était usuel de désigner une fonction par f(x), c'est-à-dire avec un argument explicite. Le nouveau style fut suggéré par l'analyse fonctionnelle. Tant que l'on ne considère qu'une seule fonction ou un nombre fini de fonctions, il importe peu qu'une fonction soit désignée par f ou par f(x). Mais de quelle manière devrait-on exprimer le fait qu'une fonction appartient à un ensemble A ? La notation f(x) ∈ A est décidément fausse ; elle stipule l'appartenance des valeurs de la fonction à A ; on doit dire f ∈ A. De quelle manière doit-on exprimer le fait qu'une fonction est transformée en une autre par une transformation fonctionnelle ?

est évidemment faux ; on doit dire :

Comment indiquer la translation de la variable dans une fonction ?

est impossible ; cela devient :

Dès que l'on s'orienta vers des ensembles de fonctions et vers les transformations fonctionnelles, on fut obligé d'adopter une notation rationnelle de fonction : f est alors la fonction, et f(x) la valeur qu'elle adopte à x. Cet x est une variable libre ou liée de quelque manière, ou bien il peut indiquer quelque valeur fixe. Mais la fonction n'est pas mariée avec cet x ; au contraire, f(x) est fonction de x comme f(y) est fonction de y.

Ce mode de notation, qui a fait de grands progrès dans la mathématique pure et, en particulier, dans ses parties les plus modernes, est difficile à concilier avec un autre qu'on pourrait appeler l'idée des grandeurs et qui était la racine historique du calcul différentiel et intégral et la racine des notations suggestives de Leibniz. Imaginons une boîte noire avec un nombre de cadrans où l'on peut lire et ajuster certaines grandeurs, qui, par des lois internes de la boîte, peuvent dépendre les unes des autres. À partir des grandeurs qui s'expriment sur les cadrans, on peut former de nouvelles grandeurs, algébriquement et en divisant l'accroissement infinitésimal d'une grandeur par celui d'une seconde grandeur (alors que les autres grandeurs sont fixes, ou variables, d'après des modes prescrits). Tous ces processus peuvent s'effectuer abstraitement, sans que les dépendances fonctionnelles entre les grandeurs soient jamais explicitées. Si x et y sont deux grandeurs, les quotients différentiels 

sont tous les deux de nouvelles grandeurs. Dans un système cinématique, on forme le quotient différentiel du chemin x d'après le temps t pour obtenir la vélocité v, mais :
peuvent être aussi acceptables. Dans un système thermodynamique, on forme des quotients différentiels entre les grandeurs p (pression), T (température), V (volume) ; dans ce contexte, les lettres ne sont pas des variables, elles ne sont pas échangeables comme c'est l'habitude avec les variables.

Cette opération est réalisable jusqu'au moment où l'on veut indiquer symboliquement les dépendances fonctionnelles sous-jacentes. Introduire une nouvelle lettre pour chacune des dépendances fonctionnelles est possible, mais cela conduit à un déluge de lettres. On[...]

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Écrit par

  • : professeur à l'université d'Utrecht, directeur de l'Institut pour le développement de l'enseignement mathématique

Classification

Pour citer cet article

Hans FREUDENTHAL. NOTATION MATHÉMATIQUE [en ligne]. In Encyclopædia Universalis. Disponible sur : (consulté le )

Média

Écritures du nombre 1971 - crédits : Encyclopædia Universalis France

Écritures du nombre 1971

Autres références

  • ARYABHATIYA (Aryabhata)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 210 mots

    Né à Kusumapura (proche de l'actuelle Patna) en Inde, Aryabhata (476-550) avait vingt-trois ans lorsqu'il termina son chef-d'œuvre : l'Aryabhatiya. Ce court traité d'astronomie, publié en 499, contient un résumé des mathématiques indiennes et en particulier 66 théorèmes...

  • BOMBELLI RAFFAELE (1526-1573)

    • Écrit par Universalis, Jacques MEYER
    • 455 mots

    On sait peu de chose de la vie de Raffaele Bombelli. Né à Bologne en 1526, il est l’aîné de sa fratrie au sein d’une famille de commerçants en laine. Il n’a pas reçu d’enseignement universitaire et a été formé par Pier Francesco Clementi, architecte et ingénieur. Placé sous la protection d’Alessandro...

  • BRAILLE

    • Écrit par Françoise MAGNA
    • 7 024 mots
    • 3 médias
    Dèsl'origine, Louis Braille a prévu la transcription des chiffres : ils sont figurés par les signes de la première série (lettres de a à j) précédés du symbole formé des points 3 à 6, appelé encore aujourd'hui « signe numérique ». De plus, la transcription des signes de l'arithmétique (plus, moins,...
  • LE CALCUL DES FLUXIONS (I. Newton)

    • Écrit par Bernard PIRE
    • 201 mots
    • 1 média

    En octobre 1666, Isaac Newton (1642-1727) écrit Le Calcul des fluxions qui, sans être immédiatement publié, sera déterminant pour le développement du calcul différentiel. Il y définit le concept de fluxions. Newton décrit une particule parcourant une courbe à l'aide de deux quantités : la vitesse...

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Voir aussi